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9 Les sols de la Colombie-Britannique et du Yukon : La cordillère Occidentale

Les Lavkulich

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

À la fin de ce chapitre, les étudiants seront capables de :

  1. Décrire l’histoire géologique de la Colombie-Britannique et du Yukon.
  2. Identifier les facteurs responsables de la distribution des sols dans la région.
  3. Relier les principales utilisations des terres de la région aux propriétés du sol.

INTRODUCTION

La Colombie-Britannique et le Yukon sont les régions du Canada les plus diversifiées en termes d’histoire géologique, de physiographie, de climat, d’espèces biologiques et d’utilisation des terres (Valentine et al., 1978). La diversité des conditions environnementales est le résultat de l’histoire géologique de la région et de la complexité de l’alternance de chaînes de montagnes et de vallées résultant du mouvement des plaques tectoniques (Figure 9.1). Cette complexité des conditions environnementales se traduit par la plus grande diversité de sols au Canada.

 

Figure 9.1. Carte du nord-ouest du Canada montrant le relief de la Colombie-Britannique et du Yukon. Source : Mapsofnet.com, http://mapsof.net/british-columbia/northwest-relief (sous licence CC BY-SA).

La majeure partie des terres de la Colombie-Britannique et du Yukon sont situées dans la Cordillère du Pacifique, une chaîne de montagnes (ou cordillère) s’étendant sur une distance de plus de 6 000 km le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord, du Mexique et de l’Alaska. Également connue sous le nom de Cordillère Nord-Américaine ou Cordillère Occidentale, la Cordillère du Pacifique comprend des parties de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest, y compris les Rocheuses et les montagnes côtières. Cette région se caractérise par des paysages de montagnes, de vallées isolées, de larges plateaux et d’îles côtières. Cette topographie complexe contribue à la présence de différentes zones climatiques résultant en un assemblage complexe de types de végétation variés (Scudder, 1997), au sein de quatre principales zones écologiques terrestres (Cordillère de la Taïga, Cordillère Boréale, Cordillère Montagnarde et la région Maritime du Pacifique).

HISTOIRE GÉOLOGIQUE

ituée sur la ceinture de feu du Pacifique, une zone caractérisée par la présence de volcans actifs et de séismes, la Cordillère Occidentale est le résultat du contact de la zone de subduction de Cascadia qui s’étend de l’île de Vancouver au nord de la Californie, du Juan de Fuca et des plaques tectoniques nord-américaines (Monger et Price, 2002).

La Cordillère du Pacifique est la plus jeune des trois régions géologiques de l’ouest du Canada et est connue pour ses fréquents séismes et ses éruptions volcaniques sporadiques (Figure 9.2). Une série de collisions crustales, d’épisodes volcaniques, de périodes de métamorphisme et de plissement ont formé les paysages complexes de la Cordillère (Monger et Price, 2002). L’histoire géologique a donné lieu à un large éventail de formations rocheuses caractérisées par des roches volcaniques, sédimentaires et granitiques. De plus, le métamorphisme actif a entraîné la formation d’une variété de ressources minérales et autres ressources exploitables, notamment le cuivre, l’amiante et d’abondants gisements de charbon et de combustibles fossiles. Bien qu’il existe des centaines de chambres magmatiques en Colombie-Britannique, il n’y a que 18 véritables volcans. Le groupe le plus important est situé dans le nord, près de la côte, et d’autres sont dispersés dans le reste de la province (Figure 9.2). Les volcans les plus grands et les plus persistants sont le complexe du mont Edziza et des montagnes Level dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, lesquels ont une activité volcanique depuis des millions d’années. Le complexe volcanique du mont Edziza a connu une vingtaine d’éruptions au cours des 10 000 dernières années, la plus récente au Canada ayant eu lieu en 1904 (Souther, 1992). Le complexe volcanique du mont Edziza a été désigné Parc Provincial en 1972 afin de protéger ce paysage volcanique typique. Plus récemment, le cône de Tseax est entré en éruption au XVIIIe siècle, entraînant la mort de plus de 2 000 membres des Premières Nations du fait du dégagement de gaz volcaniques toxiques (Williams-Jones et al., 2019).

 

Figure 9.2. Le Canada compte cinq zones volcaniques potentiellement actives, toutes situées en Colombie-Britannique et au Yukon. Adapté de : Volcans du Canada. Où sont les volcans du Canada? (2020). © Ressources naturelles Canada; sous licence Open Government Licence – Canada.

Au Yukon, plus de 100 volcans ont été actifs au cours de la période du Quaternaire (les dernières 2,58 millions d’années). Vers 800 après JC, le mont Churchill près de la frontière Alaska-Yukon est entré en éruption, éjectant des cendres à travers une grande partie du territoire du Yukon. Les cendres éjectées, ou tephra, sont connues sous le nom de « cendres de la rivière blanche » ou « White River Ash » (Reuter et al., 2020). Les couches de dépôts de cendres volcaniques peuvent encore être observées dans les sols du centre et du sud du Yukon (Dampier et al., 2011; Preece et al., 2014).

La région de la Cordillère était presque entièrement recouverte de glace pendant la glaciation du Pléistocène s’étendant des montagnes côtières de l’Alaska au sud, jusqu’au Yukon et en Colombie-Britannique (Figure 9.3). La glaciation a entraîné une baisse du niveau mondial de la mer, formant ainsi le pont terrestre de Béring qui reliait l’Asie à l’Amérique du Nord, créant la région libre de glace de la Béringie. Les montagnes St-Elias ont interrompu et empêché la formation de calottes glaciaires en Béringie. Ainsi, le centre-ouest et le nord du Yukon sont restés libres de glace. Cette prairie froide et aride abritait des mammouths laineux, des chevaux et des lions (MacDonald et al., 2012).

 

Figure 9.3.  Maximum glaciaire du Pléistocène – les zones vertes à l’intérieur des glaciers étaient libres de glace. Crédit image : Roblespepe. http://www.sci-news.com/paleontology/ice-free-corridor-rocky-mountains-03930.html. (CC BY-SA).

DISTRIBUTION DES SOLS

Les sols de la Colombie-Britannique et du Yukon comprennent les dix Ordres de sols reconnus par le Système Canadien de Classification des Sols (Figure 9.4). Cette diversité remarquable reflète le large éventail de facteurs pédogénétiques dans la région (temps, matériau parental, climat, végétation, topographie et activité humaine).

Figure 9.4. Grands Groupes de sols de la Colombie-Britannique et du Yukon. Carte reproduite avec l’aimable autorisation de Darrel Cerkowniak, Agriculture et Agroalimentaire Canada. Cette figure est une reproduction d’un travail officiel publié par le gouvernement du Canada. © Darrel Cerkowniak, Agriculture and Agri-Food Canada, est sous licence CC BY (Attribution).

L’histoire géologique et glaciaire complexe a contribué à la diversité des matériaux parentaux du sol. Les matériaux parentaux vont des alluvions, des colluvions et des sédiments marins actuels, aux dépôts organiques et à une suite de dépôts morainiques (dérive glaciaire), de résidus de substratum rocheux et de déchets miniers et de terrils (Figure 9.5).

Figure 9.5. Matériaux parentaux des sols de la Colombie-Britannique et du Yukon. Carte reproduite avec l’aimable autorisation de Darrel Cerkowniak, Agriculture et Agroalimentaire Canada. Cette figure est une reproduction d’un travail officiel publié par le gouvernement du Canada. © Darrel Cerkowniak, Agriculture et Agroalimentaire Canada, est sous licence CC BY (Attribution).

La taille des particules et la composition minéralogique des matériaux parentaux colluviaux et morainiques sont en grande partie héritées du substratum rocheux dont provient le matériau parental. Les formations rocheuses de la Colombie-Britannique et du Yukon ont des représentants des trois types principaux de roches – ignées, sédimentaires et métamorphiques (voir la Figure 2.1, Chapitre 2). Les Montagnes Côtières sont principalement constituées d’une imbrication de roches ignées et métamorphiques, allant des granites et granodiorites aux basaltes, des schistes aux gneiss, tandis que le périmètre oriental est principalement constitué de schistes sédimentaires plissés et faillés, de calcaires et de grès. Les montagnes et les plateaux intérieurs sont dominés par un complexe d’intrusions sédimentaires, métamorphiques, volcaniques et ignées éparses.

Le climat influence également le patron de distribution des sols et est très fortement contrôlé par les chaînes de montagnes de la région de la Cordillère. Les chaînes de montagnes contrôlent le régime des précipitations, avec des conditions généralement plus humides sur les pentes occidentales que sur les pentes orientales et dans les vallées inter-montagnardes. Le patron de températures montre un gradient dominant nord-sud ainsi que des gradients altitudinaux dans les chaînes de montagnes. Ces patrons climatiques influencent fortement la distribution de la végétation; la Cordillère occidentale contient de ce fait à la fois des assemblages de végétation désertiques et la forêt pluviale la plus humide du Canada, dans quatre zones écologiques terrestres principales (la Taïga de la Cordillère, la Cordillère Boréale, la Cordillère Montagnarde et la région Maritime du Pacifique).

La végétation est un facteur pédogénétique qui exerce une forte influence sur la distribution des sols. Le patron de distribution des forêts, de la toundra, des prairies et des terres rocheuses en Colombie-Britannique et au Yukon varie considérablement et est contrôlé par l’impact des chaînes de montagnes sur les conditions météorologiques et le climat. Fait intéressant, il existe une bien plus grande diversité d’espèces végétales dans les forêts de cette région que dans des zones comparables de la forêt boréale ou de la région des Prairies (Andrews et al., 2019).

Les activités économiques et culturelles (c’est-à-dire l’activité humaine) dans la région reflètent la diversité des types de sols dans la Cordillère Occidentale. Un exemple intéressant de l’impact de l’activité humaine sur la formation des sols se trouve aux îles Gulf en Colombie-Britannique. Une présence continue des peuples autochtones sur des milliers d’années a conduit à la formation de sols anthropiques uniques de la série de sols Neptune (Figure 9.6). Ces sols sont constitués de dépôts limono-graveleux peu profonds ou de dépôts graveleux marins mélangés à des coquilles de palourdes et d’huîtres, des débris organiques et parfois des artefacts humains. Ils sont caractérisés par une teneur élevée en carbonate de calcium provenant des coquilles, ce qui empêche tout développement significatif du profil, comme en témoigne l’absence d’un horizon B. Un autre exemple de l’effet des activités humaines sur la formation du sol dans la Cordillère Occidentale remonte à la période de colonisation européenne et à l’introduction des activités minières, à commencer par les célèbres ruées vers l’or du Klondike (1847) et de Cariboo (1858), suivies de l’exploitation intensive de l’amiante et des métaux, notamment le cuivre, le fer, le molybdène et les combustibles fossiles (Levenson, 1992). La présence de vastes étendues de déblais miniers de « matériau parental » frais d’origine humaine affecte le paysage et pose des défis pour la restauration écologique.

 

Figure 9.6. Profil d’un sol de Neptune sur l’île Galiano, en Colombie-Britannique, montrant une couche de dépôts de coquillages. © Maja Krzic, Université de Colombie-Britannique, est sous licence CC BY (Attribution).

Il est impossible de résumer adéquatement la grande diversité des facteurs pédogénétiques dans ce bref chapitre, mais les principales conditions associées à chacune des quatre principales zones écologiques rencontrées en Colombie-Britannique et au Yukon (Figure 9.7) se trouvent dans le tableau 9.1.

 

Figure 9.7.  Les zones écologiques terrestres du Canada. © Statistiques Canada; avec la permission et sous licence de Open Government Licence – Canada. https://open.canada.ca/en/open-government-licence-canada

Tableau 9.1. Principaux climats, végétations, matériaux parentaux, topographies et caractéristiques des sols dans les zones écologiques de la Taïga de la Cordillère, de la Cordillère Boréale, de la région Maritime du Pacifique et de la Cordillère Montagnarde. Le texte est extrait du Groupe de travail sur la stratification écologique (1996).

Zone écologique de la Taiga de la Cordillère
Climat Les précipitations annuelles varient de 700 mm dans le sud-est. Les températures annuelles moyennes varient de -10°C au nord à -4,5°C au sud.
Végétation La végétation naturelle s’étend de la toundra arctique au nord, à la toundra alpine aux altitudes plus élevées, à la taïga ou aux forêts ouvertes au sud (épinette blanche et bouleau blanc) mélangées à des arbustes de taille moyenne à basse, des mousses et des lichens.
Topographie La topographie escarpée et montagneuse, composée de crêtes répétitives et saillantes et de vallées étroites, prédomine. Des contreforts et des bassins sont également présents.
Roche mère et matériaux parentaux La roche mère est en grande partie d'origine sédimentaire accompagnée de corps ignés mineurs. Une grande partie de la zone est recouverte de débris colluviaux accompagnées d’affleurements du substratum rocheux fréquents et des dépôts glaciaires mineurs.
Sols Majoritairement des Cryosols Turbiques
Zone écologique de la Cordillère Boréale
Climat Le climat est marqué par des hivers longs et froids et des étés courts et chauds; il est néanmoins affecté par l’altitude et l’exposition. Les températures annuelles moyennes varient de 1,0°C à 5,5°C. Les précipitations annuelles moyennes sont les plus faibles dans les vallées situées dans l'ombre pluviométrique des chaînes côtières (< 300 mm) et augmentent dans les chaînes intérieures plus à l'est, où jusqu'à 1 500 mm de précipitations sont reçues à des altitudes plus élevées. Les précipitations dans les zones du plateau inter-montagnard varient de 300 à 600 mm par an.
Végétation Le couvert végétal va de couvert forestier fermé à ouvert sur une grande partie des plateaux et des vallées. Les espèces d'arbres présentes sont l'épinette blanche, l’épinette noire, le sapin alpin, le pin tordu, le peuplier faux-tremble, le peuplier baumier et le bouleau blanc. À des altitudes plus élevées, il existe de vastes zones de toundra alpine ondulante.
Topographie Cette zone écologique est caractérisée par des chaînes de montagnes qui contiennent de nombreux hauts sommets et de vastes plateaux, séparées par de larges vallées et des basses terres.
Roche mère et matériaux parentaux Le substrat rocheux est un mélange de roches sédimentaires, ignées et métamorphiques. La dérive glaciaire, les colluvions et les affleurements constituent les principaux matériaux de surface.
Sols Les Brunisols Eutriques et de plus petites zones de Cryosols Turbiques dominent la partie de cette zone écologique située au Yukon, et les Podzols Humo-Ferriques et les affleurements rocheux dominent la partie située en Colombie-Britannique.
Zone écologique de la région Maritime du Pacifique
Climat La zone écologique bénéficie de certaines des conditions climatiques les plus chaudes et les plus humides du Canada. Les températures annuelles moyennes varient de 4,5°C dans le nord à 9°C dans les régions du bassin de Georgia-Puget et du Lower Mainland. Par rapport au reste du Canada, les variations de températures mensuelles moyennes au cours de l'année sont faibles. Les précipitations annuelles varient de 600 mm dans les îles Gulf du détroit de Georgia inférieur à plus de 4 000 mm dans la région de Coastal Gap au nord. Dans l'ensemble, la zone reçoit généralement entre 1 500 et 3 000 mm de précipitations par an.
Végétation Les variations d'altitude expliquent la présence d'écosystèmes très contrastés au sein de cette zone écologique, allant de la forêt humide côtière caractérisée par des températures douces, à des conditions boréales et alpines fraîches à des altitudes plus élevées.
Topographie La topographie montagneuse domine, traversée par de nombreux fjords et vallées glaciaires et bordée par des plaines côtières le long de la marge océanique.
Roche mère et matériaux parentaux Des roches ignées et sédimentaires sous-tendent la majeure partie de la région. Les colluvions et les dépôts glaciaires sont les principaux matériaux de surface.
Sols Des sols Podzoliques se trouvent le long des zones côtières avec de plus petites zones de Folisols. Les affleurements rocheux dominent à des altitudes plus élevées.
Zone écologique de la Cordillère Montagnarde
Climat Le climat de la région va de subaride-aride et doux dans les basses vallées du sud, à humide et froid à des altitudes plus élevées dans les parties septentrionales. L'air humide du Pacifique et l'effet du relief contrôlent le patron de précipitations de sorte que des ombres pluviométriques et des ceintures humides sont générées au sein de la zone écologique. L'ombre pluviométrique résultant des massifs montagneux côtiers crée certains des climats les plus secs au Canada dans les fonds de vallée de la partie centre-sud de la zone écologique. Les températures annuelles moyennes varient entre 0,5°C dans le nord-ouest (monts Skeena) et 7,5°C dans la région de l'Okanagan, le long de la frontière Canado-Américaine. Les précipitations annuelles diminuent de 1 200 à 1 500 mm dans les montagnes et les chaînes à l'ouest, à 500 à 800 mm au nord et à l'intérieur et remontent à 1 200 mm dans les chaînes montagneuses le long de la frontière entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Les précipitations annuelles sont inférieures à 300 mm dans les vallées et plateaux arides au sud.
Végétation Le couvert végétal est extrêmement diversifié; les zones alpines contiennent diverses associations d'herbes, de lichens et d'arbustes, tandis que l'environnement subalpin contient des espèces d'arbres telles que le pin tordu, le sapin alpin et l'épinette d'Engelmann. À mesure que l’altitude diminue, la végétation donne naissance à trois principaux groupes forestiers. Des arbustes et quelques prairies résiduelles se trouvent dans la zone sèche de l’intérieur.
Topographie C'est une zone écologique accidentée et montagneuse comprenant plusieurs grandes plaines intérieures. Les plaines sont plus étendues au nord et s'étendent en vallées inter-montagnardes en direction de la moitié sud de la zone.
Roche mère et matériaux parentaux La plupart de ces plaines et vallées sont couvertes de moraines glaciaires et, dans une certaine mesure, de dépôts fluviaux et lacustres, tandis que les montagnes sont composées en grande partie de colluvions et d'affleurements rocheux.
Sols La zone est dominée par les Luvisols Gris dans la partie centrale, des Podzols Humo-Ferriques au nord et à l'est, et des Brunisols Eutriques dans les parties du sud. On trouve de petites zones de Chernozems dans la partie semi-aride au sud.

CARACTÉRISTIQUES SINGULIÈRES DES PRINCIPAUX SOLS

Les sols de la Colombie-Britannique et du Yukon reflètent la diversité naturelle de la région et les deux provinces ont chacune des représentants de tous les Ordres de sols reconnus par le Système Canadien de Classification des Sols (Soil Classification Working Group, 1998). Par exemple, certains paysages sont sujets aux glissements de terrain et aux avalanches, sur lesquels on retrouve des sols peu développés, les Régosols. Les régions de pergélisol sont dominées par les Cryosols. Les Gleysols sont très courants dans les régions côtières. Les Chernozems et les Vertisols se trouvent dans les prairies de l’intérieur de la Colombie-Britannique sur des dépôts glaciaires, bien que la présence de Vertisols y soit généralement rare. Les sols Solonetziques et Luvisoliques prédominent sur les matériaux parentaux glacio-lacustres qui sont communs dans la partie nord-est de la Colombie-Britannique, à savoir la région des Grandes Plaines. Les sols Brunisoliques s’étendent depuis les régions alpines montagneuses jusqu’au centre du Yukon, aux basses terres de la Colombie-Britannique et au périmètre oriental délimité par les montagnes Rocheuses. Les sols Organiques sont aussi répandus, les plus grandes superficies se trouvant dans le nord du Yukon et sur les côtes nord et ouest de la Colombie-Britannique. Les sols forestiers Podzoliques, associés à la plus forte production de biomasse au Canada, dominent la côte ouest et les îles côtières du Pacifique. On estime qu’environ 0,05 % de la Colombie-Britannique, soit 45 000 hectares, a été touchée par l’activité minière. Ainsi, la région possède des « sols » qui peuvent être classés comme Anthroposols.

Régosols

Les Régosols sont définis comme des sols qui ne présentent que les prémisses d’altération et de formation des horizons pédologiques, et qui se caractérisent donc souvent par l’absence d’un horizon B reconnaissable. Les glissements de terrain, les avalanches et l’érosion accélérée, phénomènes courants dans les zones à topographie accidentée (matériaux parentaux colluviaux) et les vastes plaines inondables (dépôts alluviaux) des fleuves Fraser et Yukon de la Colombie-Britannique et du Yukon limitent les effets du facteur temps par des renouvellements fréquents de matériaux et ainsi le développement d’horizons B bien développés. Les sols Régosoliques sont aussi communs le long du vaste delta du fleuve Fraser et dans les paysages montagneux. Ces zones escarpées et caractérisées par une couverture végétale clairsemée sont populaires pour les activités récréatives de plein air, telles que le ski ainsi que l’utilisation de motoneiges et de véhicules récréatifs tout-terrain. Inversement, les Régosols situés le long des plaines inondables et du delta du Fraser soutiennent une production agricole très productive et diversifiée, à condition qu’ils soient protégés des inondations périodiques.

Brunisols

Les sols Brunisoliques sont répartis sur un large éventail de matériaux parentaux, à la fois acides et basiques et se forment principalement sur les matériaux parentaux issus de la dérive glaciaire. Ces sols sont l’objet d’un lessivage des sels solubles et d’une altération chimique émergente résultant en un horizon B caractérisé par une couleur légèrement différente de celle de l’horizon C ou du matériau parental. Les Brunisols sont associés aux forêts tempérées et boréales et sont également communs dans les écosystèmes alpins. Les Brunisols peuvent être trouvés en association avec les Cryosols dans les régions de pergélisol discontinu dans le nord du Yukon, et avec les sols Podzoliques dans les écosystèmes forestiers plus humides de la Colombie-Britannique, ainsi qu’avec les Luvisols dans les écotones forêt-prairies. Ils constituent le principal Ordre Pédologique de la partie est de la Colombie-Britannique, de la partie intérieure centrale et des zones alpines de la Cordillère. Ces sols supportent de vastes étendues de forêts commerciales dominées par le pin tordu (Pinus contorta), des réserves de pâturage dans l’est inter-montagnard de la Colombie-Britannique, ainsi que l’agriculture dans les plateaux intérieurs et le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Dans les régions alpines, en raison des régimes climatiques plus frais, l’horizon A a tendance à être plutôt peu profond et vulnérable aux activités estivales associées au pâturage des animaux et aux véhicules récréatifs motorisés. Les Brunisols constituent la base d’une grande partie des points de vue panoramiques de la Cordillère Canadienne.

Podzols

Le sol le plus commun (c.-à-d. avec la plus grande étendue géographique) en Colombie-Britannique est le Podzol. Les Podzols sont prédominants dans les régions où les températures du sol sont fraîches et les climats humides. Les sols Podzoliques sont les vrais sols forestiers, que l’on trouve sur les matériaux parentaux acides du Canada. Ces sols ne sont pas aussi communs au Yukon, car ils se forment le plus souvent sous les climats tempérés, bien qu’ils s’étendent jusqu’à la forêt boréale et le Bouclier Canadien. Les sols Podzoliques sont des sols acides que l’on trouve habituellement sur des matériaux parentaux relativement grossiers tels que le till sableux, les dépôts fluvio-glaciaires et les colluvions. La texture relativement grossière et le climat humide offrent un environnement idéal pour les écosystèmes forestiers à conifères. Cette combinaison de climat humide, de matériau parental acide et la présence de forêts de conifères produisant une litière acide entraînent une altération chimique relativement intense et le lessivage des cations basiques. La décomposition rapide de la litière forestière acide et la libération associée d’acides organiques dotés de fortes propriétés chélatantes favorisent le mouvement des ions dans le profil du sol. Ceci résulte en un sol au tapis forestier distinct (séquence d’horizons LFH), un horizon de surface lessivé et acide (généralement un Ae) et un horizon B enrichi, accumulant les produits d’altération dominés par de l’aluminium hydraté non cristallin et des oxydes de fer. La caractéristique morphologique qui en résulte est un horizon B de couleur rougeâtre résultant des oxydes de fer fortement pigmentés (Bf) ainsi que de la matière organique (Bhf).

Luvisols

Les sols Luvisoliques sont l’un des deux Ordres de sols dominants en Colombie-Britannique, mais ces sols sont moins communs au Yukon. Ces sols se trouvent dans les plateaux intérieurs et sont communs dans la forêt boréale. Les sols Luvisoliques sont dominants dans les paysages forestiers, généralement sur des tills glaciaires limoneux ou des dépôts glacio-lacustres. Il y a chez ces sols une différence de texture marquée entre l’horizon A et l’horizon B, où l’horizon Ae a une plus faible teneur en argile, conséquence du mouvement physique de l’eau par percolation qui entraîne une accumulation de minéraux argileux dans l’horizon Bt. Ceci peut être observé sous forme de dépôts d’argiles orientés le long des parois des pores du sol, caractéristiques appelées peaux d’argile ou cutans. En Colombie-Britannique, mais moins au Yukon, les forêts reposant sur ces sols ont été largement converties en terres agricoles, notamment dans le centre de la région intérieure et la région nord-est de Peace River en Colombie-Britannique. Ces sols sont très prisés pour les récoltes forestières, notamment le pin tordu, le sapin de Douglas côtier (Pseudotsuga menziesii var. menziesii) et le sapin de Douglas bleu de l’intérieur (Pseudotsuga menziesii var. glauca). Une fois cultivé, le Luvisol perd son horizon Ae de couleur grisâtre caractéristique, tandis que le mélange du LFH et du Ah relativement mince, conduit à la formation d’un horizon Ap.

Cryosols

Les sols Cryosoliques sont géographiquement limités au nord du Yukon dans les régions de pergélisol et dans la forêt boréale ainsi qu’à quelques endroits sur les sommets les plus élevés des régions alpines. Ces sols se retrouvent à la fois sur des substrats minéraux (Cryosols Turbiques et Statiques) et organiques (Cryosols Organiques). Les écosystèmes associés comprennent les toundras arctique et alpine, ainsi que les forêts subarctiques et boréales. Les sols Cryosoliques sont de grands puits de carbone, car les faibles températures ont permis la conservation du carbone du sol depuis des milliers d’années. Une fois perturbés, les Cryosols perdent rapidement le carbone qu’ils stockent et deviennent des sources de carbone.

Chernozems

L’étendue des sols de l’ordre Chernozémique est limitée aussi bien en Colombie-Britannique qu’au Yukon. On ne les trouve en effet que dans le centre de l’intérieur de la région ou dans les régions relativement plus arides de la Cordillère. En Colombie-Britannique, à partir de la frontière Canada-États-Unis au sud, qui est presque un véritable désert et en se déplaçant vers le nord, le climat devient plus humide, ce qui entraîne une séquence de Chernozems Bruns qui deviennent progressivement des Chernozems Bruns-Foncés et -Noirs. Les Chernozems sont le support des vignobles et des productions fruitières, activités majeures de l’agriculture de l’Okanagan. Dans la partie nord, les sols Chernozémiques sont associés à l’élevage et fournissent à la fois des pâturages et du fourrage. Ces réserves de pâturage extensif ont subi un grave surpâturage dans le passé. Heureusement, ces terres ont pu être restaurées grâce à l’adoption de pratiques de conservation et de gestion exemplaires. Au nord-ouest du fleuve Fraser se trouvent certains des plus grands ranchs de bétail d’Amérique du Nord. À l’exception du pâturage des animaux, les autres activités agricoles nécessitent une irrigation pour être efficaces et économiquement viables. Le Yukon comprend des zones de Chernozems plutôt restreintes et mineures, principalement sur les versants orientés vers le sud (Pennock et al., 2015).

Solonetz

Les sols de l’Ordre Solonetzique se développent à partir de matériaux parentaux lacustres salins dans la partie nord-est de la Colombie-Britannique et sont situés dans la région physiographique des Grandes Plaines. Les sols Solonetziques se trouvent là où une mince couche de matériau glaciaire recouvre un substrat rocheux superficiel composé de schistes marins salins et alcalins. Les sols Solonetziques se trouvent généralement sur un relief topographique plat à ondulé, en particulier sur les basses terres à drainage restreint. Ces sols présentent des problèmes en agriculture du fait de l’acidité de l’horizon Ah et de la structure dense et compactée de l’horizon Bnt. Il a été suggéré qu’un sous-solage profond aiderait à atténuer le problème, car il pourrait permettre d’incorporer des bases, notamment des oxides de calcium (CaO) situés en profondeur, permettant ainsi de neutraliser l’acidité liée au ions H+ de l’horizon A de surface et d’augmenter la porosité du dense horizon B.

Vertisols

Les sols Vertisoliques sont rares, voire inexistants, en Colombie-Britannique et au Yukon. Les sols Vertisoliques sont associés à des surfaces lacustres nivelées ou quasi nivelées qui ont des teneurs en argile élevées (> 60 %), majoritairement des argiles gonflantes. Les sols avec des propriétés vertiques sont caractérisés par une alternance de gonflements et de rétrécissements causée par des cycles secs et humides entraînant le brassage de la partie supérieure du sol. Ces sols se trouvent dans la région de l’Okanagan en Colombie-Britannique. Il y a néanmoins débat pour savoir si ces sols sont de vrais Vertisols ou des versions intermédiaires des Chernozems environnants. La principale préoccupation concernant la gestion de ces sols en agriculture est leur forte capacité de rétention de l’eau qui affecte la culture au printemps et leur faible perméabilité limitant l’infiltration de l’eau à la suite d’événements pluvieux extrêmes.

Gleysols

Les Gleysols sont courants dans les basses terres de la région, notamment dans la vallée du bas Fraser. La plupart se trouvent sur des matériaux parentaux lacustres, glaciaires et marins. Les Gleysols drainés artificiellement sont parmi les sols agricoles les plus productifs de la Colombie-Britannique. Ceux de la vallée du Fraser bénéficient d’un climat idéal pour soutenir une gamme diversifiée de cultures agricoles et pour soutenir les industries laitière et avicole. Les sols Gleysoliques et les sols organiques associés de la vallée du Fraser sont d’une grande importance pour la production de canneberges dans l’Ouest Canadien (Bertrand et al., 1991).

Organic Soils

Les sols Organiques (les sols qui contiennent plus de 30 % de matière organique en masse, soit plus de 17 % de carbone organique) sont largement répandus au Yukon et en Colombie-Britannique. En général, les sols Organiques se forment lorsque le taux de dépôt de matière organique dépasse celui de décomposition. La formation de sols Organiques est favorisée par des climats froids et/ou une saturation en eau prolongée. Une saturation en eau prolongée entraîne des conditions anoxiques qui réduisent le taux de décomposition de la matière organique. Cependant, les Folisols, qui sont l’un des quatre Grands Groupes de l’Ordre des sols Organiques, se forment dans des conditions fraîches, humides et bien aérées. Dans ces environnements, de grandes quantités de matière organique s’accumulent directement sur le substrat rocheux et l’accumulation dépasse le taux de décomposition même dans des conditions aérées. Les Folisols sont fréquents dans les écosystèmes forestiers frais, mésiques et humides, en particulier sur la côte ouest du Canada, dans la sous-zone biogéoclimatique côtière de la pruche occidentale de la Colombie-Britannique. Les espèces d’arbres dominantes comprennent la pruche de l’ouest, le cèdre rouge de l’ouest et quelques sapins gracieux. Les Folisols sont très rares dans les autres régions des hautes terres du Canada.

Au nord du Yukon, dans les zones adjacentes aux régions de pergélisol continu et dans toutes les zones de haute montagne, les environnements froids sont propices à la formation de sols Organiques. Dans les régions plus tempérées, les paysages de faible altitude et relativement plats ont un drainage de l’eau intrinsèquement médiocre, en particulier sur les matériaux parentaux lacustres et marins à texture fine. Avec le temps, les sols deviennent anoxiques (absence ou quasi-absence d’oxygène), ce qui entraîne la formation de sols Organiques. Les sols Organiques sont d’importants puits de carbone, tout comme les Cryosols, et peuvent potentiellement libérer des gaz à effet de serre à la suite du drainage ou de perturbations physiques qui provoquent un réchauffement du sol ou une aération accrue. Les sols Organiques peuvent contenir des matières organiques relativement peu décomposées (matière fibrique) communément appelée tourbe, ou de la terre noire très décomposée (matière humique). Les sols Organiques sont associés à tous les autres Ordres de sols et il existe donc un continuum ou une transition de ces autres Ordres de sols à l’ordre Organique. Historiquement, certaines zones de sols Organiques ont fait l’objet d’une récolte de « tourbe », en particulier en Colombie-Britannique. Dans la vallée du bas Fraser, les zones de sols Organiques exploitées ont été mises en culture, par l’incorporation des matières organiques résiduelles aux matériaux parentaux minéraux sous-jacents; les champs ont ensuite été convertis à la production de canneberges. De plus, dans la vallée du bas Fraser, près de Vancouver, Burns Bog est connue pour son histoire naturelle. Elle est la plus grande tourbière surélevée de la côte ouest des Amériques et s’est formée il y a plus de 10 000 ans, pendant le Pléistocène. Burns Bog abrite plus de 300 espèces végétales et animales, dont 175 espèces d’oiseaux (Hebda, 2000).

Anthroposols

Les Anthroposols, des sols qui ont été profondément modifiés ou produits par l’homme, ont généralement un ou plusieurs de leurs horizons naturels modifiés, transportés ou remplacés (Naeth et al., 2012). En Colombie-Britannique et au Yukon, les Anthroposols sont répandus, car toute la région est le lieu d’extraction de métaux, de charbon, de pétrole et de gaz, ainsi que d’agrégats. Ces activités ont entraîné des zones locales de terrils miniers. Dans les zones d’extraction de métaux, la principale préoccupation est le drainage des roches acides (mines). La plupart des mines de métaux contiennent des minéraux sulfurés, tels que la pyrite et la pyrrhotite, qui s’altèrent rapidement pour former de l’acide sulfurique lorsqu’ils sont exposés à l’eau et à l’atmosphère oxydante. La lixiviation de cet acide oxydant puissant cause des problèmes environnementaux considérables touchant à la qualité de l’eau et à l’intégrité des niveaux trophiques aquatiques. Les terrils miniers ressemblent à des dépôts colluviaux et sont généralement de texture grossière, avec une faible capacité de rétention de l’eau et des nutriments. Il existe également des préoccupations environnementales concernant la question de la récupération des grandes fosses à ciel ouvert formées par le processus d’extraction minière, car ces cicatrices affectent le cycle hydrologique. Les résidus de charbon, de couleur foncée ou noire, provoquent une forte absorption d’énergie solaire et ainsi de fortes températures, ce qui constitue un problème pour la survie de la végétation. Les sites d’extraction de pétrole et de gaz, et de fracturation laissent derrière eux des produits organiques non commerciaux qui peuvent contenir des composants toxiques susceptibles d’avoir un impact négatif sur l’environnement.

APPLICATIONS DE L’INFORMATION SUR LE SOL

Le Canada, y compris la Colombie-Britannique et le Yukon, est riche en ressources naturelles qui assurent une économie saine et contribuent à l’équité mondiale, notamment grâce à ses produits d’exportation et ses attractions récréatives. Une économie qui repose sur l’agriculture, la foresterie, l’exploitation minière et les loisirs de plein air, comme celle de la Colombie-Britannique et du Yukon, dépend directement et indirectement de la ressource du sol. Historiquement, les importants établissements de populations ont eu lieu dans des zones où les sols pouvaient soutenir l’agriculture. Les sols qui soutenaient les forêts commerciales sont devenus l’épine dorsale économique de la région, et l’exploitation minière a apporté la diversité nécessaire à une économie stable. Avec la croissance des populations, la ressource du sol a été de plus en plus sollicitée, résultant en une expansion des activités économiques vers des régions où l’agriculture et la foresterie étaient plus marginales, ou encore vers des régions où les sols ont été radicalement modifiées par les activités minières. Ces activités ont cumulativement exercé une pression accrue sur la ressource en sol, modifiant les paysages de la Colombie-Britannique et du Yukon par les projets de drainage, les réseaux de transport, les industries extractives, les centres urbains et les installations récréatives organisées.

L’un des résultats de ces événements historiques a été la réalisation, en 1961, de l’Inventaire des Terres du Canada (ITC) (CLI, 2002). L’ITC a fourni une évaluation nationale de l’assise territoriale du Canada pour les ressources renouvelables. L’ITC a évalué environ 2,6 millions de km2 soit 25 % de l’assise territoriale du Canada. Les évaluations étaient fondées sur le potentiel agricole des terres, la foresterie, les loisirs de plein air et la faune (sauvagine, ongulés et poissons de pêche sportive). Dans le cas de l’agriculture et de la foresterie, le potentiel était basé sur les limitations du sol au regard de chaque activité dans les régimes climatiques locaux (Tableaux 9.2 et 9.3). La classification du potentiel agricole des terres indique le degré de limitation imposé par le sol dans son utilisation pour l’agriculture mécanisée. La classe 1 n’a pas de limites pour la gamme de cultures adaptées au climat, tandis que la classe 7 n’a aucun potentiel. Les limites comprennent une charge caillouteuse excessive, un sol peu profond, une pente et un drainage du sol excessifs.

Tableau 9.2. Classes de potentiel agricole des terres selon l'Inventaire des Terres du Canada (https://sis.agr.gc.ca/siscan/nsdb/cli/index.html, modifié le 2016-04-18).

Classe Potentiel agricole de la terre  
1 Pas de limitations significatives pour l’utilisation de cultures.
2 Limitations modérées qui restreignent la gamme de cultures ou qui requièrent des pratiques de conservation.
3 Limitations modérément sévères qui restreignent la gamme de cultures ou qui requièrent des pratiques de conservation spéciales.
4 Limitations sévères qui restreignent la gamme de cultures ou qui requièrent des pratiques de conservation spéciales, ou les deux.
5 Limitations très sévères qui restreignent le potentiel de production de cultures fourragères pérennes; des pratiques d’amélioration sont néanmoins réalisables.
6 Possibilité de produire des cultures pérennes seulement; des pratiques d’amélioration ne sont pas réalisables.
7 Aucun potentiel d’utilisation de cultures ou de pâturage permanents.
0 Sols Organiques (non classés).

La classification du potentiel des terres forestières diffère de celle pour l’agriculture par l’ajout d’une estimation de la productivité forestière reflétant la croissance annuelle des arbres, exprimée en Incrément Annuel Moyen (IAM). Les meilleures terres pour la production forestière commerciale sont de classe 1, tandis que les terres de classe 7 ne conviennent pas aux forêts commerciales. L’Inventaire des Terres du Canada a été élaboré pour fournir une norme nationale; cependant, chaque province a été cartographiée indépendamment et, par conséquent, des différences régionales peuvent avoir lieu. Par exemple, en Colombie-Britannique, la croissance des forêts dépasse les limites fixées comme normes partout au Canada (McCormack, 1970). La productivité forestière sur les sols Podzoliques de la côte ouest, y compris l’île de Vancouver, comprend des taux de croissance plus élevés que ceux définis dans l’ITC pour les terres de classe 1. Ainsi, la classe 1 a été élargie par incréments de deux mètres cubes par hectare et par an en classe 1a, 8-10 ; Classe 1b, 10-12 ; Classe 1c, 12-14 ; et Classe 1d, 14-16.

Tableau 9.3.  Classes du potentiel des terres pour la foresterie selon l'Inventaire des Terres du Canada (https://sis.agr.gc.ca/siscan/nsdb/cli/index.html, modifié le 2013-06-25).

Classe Potentiel des terres pour la croissance des forêts commerciales Productivité (IAM*)
m3 ha-1 an-1
1 Terre sans limitations significatives. Généralement > 7,8 
2 Terre avec de légères limitations. 6,4-7,7
3 Terre avec des limitations modérées. 5,0-6,3
4 Terre avec des limitations modérément sévères. 3,6 – 4,9
5 Terre avec des limitations sévères. 2,2-3,5
6 Terre avec des limitations très sévères. 0,8-2,1
7 Terre non adaptée à la croissance de forêts commerciales. Généralement < 0,8
*IAM – Incrément Annuel Moyen

Ces deux exemples de classifications des potentiels illustrent l’importance des ressources du sol dans l’élaboration de directives d’utilisation des terres et l’orientation des politiques gouvernementales. Bien que l’ITC utilise le mot « terre », le principal critère d’attribution des classes de capacité sont les propriétés du sol.

Les mesures prises en Colombie-Britannique pour maintenir sa sécurité alimentaire grâce à la planification de l’utilisation des terres agricoles sont un autre exemple qui a suscité une attention internationale considérable en matière de conservation des sols agricoles. La Colombie-Britannique possède peu de terres où les sols sont propices à une agriculture productive. Roussin et al. (2015) ont qualifié l’agriculture en Colombie-Britannique d’« agriculture de poche » pour illustrer la dispersion de petites poches de terres agricoles à travers les divers paysages. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté en 1973 une loi visant à protéger les terres destinées aux productions agricoles (ALC, 2014). La législation reposait sur le potentiel agricole des sols établi par l’ITC, notamment les classes 1-4. Ainsi, toutes les unités pédologiques qui sont dans ces classes de potentiel sont incluses dans la Réserve Provinciale de Terres Agricoles (Provincial Agricultural Land Reserve). Bien que ces terres soient classées comme terres agricoles, cette désignation n’a pas d’autorité au regard de l’utilisation des terres. La désignation sert plutôt de mécanisme, selon la réglementation gouvernementale, pour protéger les sols de qualité contre le développement, et pour conserver les terres à vocation agricole.

L’importance de la ressource en sol a également été reconnue par les urbanistes. La province de la Colombie-Britannique exige des informations sur les sols pour une longue liste d’activités afin de définir les meilleures pratiques de gestion, notamment la planification de l’aménagement des sites. Les informations sur les sols aident à identifier les caractéristiques environnementales sensibles pour la planification du développement. Voici des exemples où des informations sur le sol sont requises : Pour l’identification des zones sensibles afin d’éviter le développement dans ces zones ; pour la conception d’un développement permettant de conserver les caractéristiques importantes et les fonctions de l’écosystème ; pour concevoir des sites qui maintiennent l’hydrologie et la qualité de l’eau ; pour une planification soigneuse des sentiers; pour maintenir les habitats dans les zones urbaines; pour restaurer les eaux souterraines et faciliter la gestion des eaux pluviales, pour la préservation ou l’amélioration de la qualité de l’eau et la conservation de l’eau par le contrôle des flux ou la rétention ; et l’élaboration d’un plan de contrôle de l’érosion et des sédiments lors des projets de construction (Ministry of Water, Land and Air Protection, 2004).

Alors que les populations accroissent la demande en biens et services écologiques, notamment ceux permettant de maintenir la sécurité alimentaire et la sécurité publique, le besoin de comprendre les différents sols, leurs propriétés uniques et leur emplacement géographique est plus que jamais primordial. Les sols de la Colombie-Britannique et du Yukon, y compris ceux au sein de l’environnement complexe de la Cordillère de l’Ouest canadien, révèlent la dépendance de la région à l’égard de la ressource en sol. Ceci va des besoins des Premières Nations en nourriture et en abris, aux besoins d’un développement économique plus récent qui englobe l’exploitation minière, l’agriculture, la foresterie et le développement urbain. Les activités d’extraction, notamment des minéraux et des combustibles fossiles, le drainage des écosystèmes naturels, le développement urbain, ainsi que la conversion des forêts en terres agricoles ont modifié la diversité naturelle des sols et des paysages existants. Les Canadiens ont entériné certains de ces changements dans le paysage en introduisant le concept d’Anthroposols, comme nouvelle classe de « matériau parental » et de sol associé résultant de l’activité humaine. La province de la Colombie-Britannique a reconnu la nécessité de conserver les sols agricoles de premier choix par voie législative. Le sol est « l’indicateur environnemental » et la compréhension des processus et des propriétés des sols est essentielle pour une gestion responsable de cette ressource vitale.

LITTÉRATURE CITÉE

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À propos de l’auteur

Le Dr Leslie (Les) Lavkulich a grandi dans une ferme du sud de l’Alberta. Il a étudié les sciences du sol à l’Université de l’Alberta et a par la suite obtenu un doctorat de l’Université Cornell.

Les Lavkulich, détentrice d’une attribution CC BY-NC-ND

Il s’est joint au département des sciences du sol de l’Université de la Colombie-Britannique en 1966, où il a ensuite occupé le poste de chef de département. Enseignant en sciences du sol enthousiaste et largement reconnu, le Dr Lavkulich a enseigné une variété de cours en sciences du sol. Ses recherches ont porté sur les ressources du sol, la chimie du sol et de l’environnement, la remise en état des sites miniers ainsi que les perspectives sur les ressources et l’environnement.

Il a été président de la Société Canadienne des Sciences du Sol et président du comité directeur des ressources terrestres de la Colombie-Britannique.

 

 

Remerciements

L’auteur est redevable au professeur Dan Pennock (Département des Sciences du Sol, Université du Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan) pour ses conseils et son aide dans la préparation du chapitre et à Mme Meghan Bingham (adjointe aux communications, programme MLWS, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique) pour son examen minutieux. LML.

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