Se creuser la tête

1 Introduction

Fran Walley; Maja Krzic; Amanda Diochon; Maxime C. Paré; and Richard Farrell

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

À la fin de ce chapitre, l’étudiant devrait être en mesure :

  1. de définir l’entité physique qu’est le sol;
  2. d’énumérer et de décrire les quatre grandes catégories de services écosystémiques;
  3. d’expliquer en quoi le sol de même que les processus qui lui sont associés contribuent aux bénéfices apportés par les services écosystémiques;
  4. décrire le sol envisagé comme un capital naturel qui peut augmenter ou diminuer.

 

Le sol sous nos pieds

Avant de s’engager dans l’étude des sols, il faut admettre la part de subjectivité à l’origine de certaines de nos réactions envers eux. Indifférence, ennui à l’endroit de cette matière sous nos pieds, qui colle aux semelles, qui salit les planchers. Colère et frustration engendrées par la boue dans laquelle des roues de véhicules s’enlisent, des chaussures disparaissent à jamais. Plaisir des tout-petits à s’en mettre plein la bouche sous l’œil inquiet des parents. Sentiment de désolation éprouvé devant le désastre causé par un glissement de terrain. Et pourtant, on admettra non sans émerveillement et avec beaucoup d’humilité que sans sol, il n’y aurait point de vie terrestre sur terre. Et que depuis la nuit des temps, les liens de filiation qui unissent l’homme et le sol sont autant de nature matérielle, culturelle, intellectuelle que spirituelle.

Le lien matériel qui unit l’homme au sol relève de l’évidence. L’homme a fait du sol le support à ses cultures, la matière première à ses créations. En effet, le sol a servi et sert toujours de support à la production de ses cultures : plantes alimentaires, médicinales, à fibre textile, à biomasse, plantes à usage esthétique, etc. La fonction de support du sol s’est étendue à tout ce qui relevait du construit, tout ce sur quoi l’homme a tracé un sentier, un chemin, fait passer une route, une voie ferrée.

L’homme créateur a fait du sol la matière première à sa capacité de créer des objets autant utilitaires qu’artistiques (peinture, sculpture, poterie).

L’homme culturel ne cesse encore aujourd’hui de dévoiler son lien d’appartenance, presque organique au sol, quand on le voit poser un regard bienveillant sur la terre de son pays et humer les odeurs qui en émanent.

L’homme de raison a fait du sol la matière première à ses spéculations philosophiques. Dans l’Antiquité, un Emphédocle et un Aristote avaient reconnu dans le sol (la terre) l’un des quatre éléments fondamentaux (avec l’air, l’eau et le feu) à l’explication de l’existence de la matière.

Mais ce n’est qu’à travers sa quête d’acquisition du savoir que l’homme de raison a pu se forger une vision globale du fonctionnement de l’écosystème que représente le sol. Ce n’est même que depuis peu qu’il peut comprendre que le sol, en tant qu’élément intrinsèque de tout l’écosystème terrestre mondial, joue un rôle dans la régulation du climat, notamment en émettant et séquestrant des gaz à effet de serre. Que le sol régule les cycles hydrologiques autant à l’échelle locale que mondiale. Qu’il constitue un vaste réservoir de biodiversité et d’habitats complexes. Ce même homme de raison a su tirer profit de ces nouveaux acquis en inventant les antibiotiques, en se servant des microorganismes comme agents de lutte contre les ravageurs et les maladies des plantes et en recourant à des bactéries capables de dégrader des substances polluantes et ainsi d’assainir des zones contaminées. Au début des années 2000, des scientifiques ont même affirmé que le sol représentait l’une des dernières frontières de découverte de biodiversité (voir Science, Numéro spécial, Soils — the Final Frontier, 2004, 304 [5677]). D’ailleurs, n’est-ce pas dans les matériaux de surface d’une planète ou d’un astéroïde que la NASA recherche des signes de vie au retour de ses missions ?

En somme, s’engager dans l’étude des sols, c’est aussi s’engager à comprendre les rapports que l’homme entretient avec eux. Mais, nul ne saurait s’y engager sans recourir à un bon guide.

Ce manuel d’initiation à la science du sol constitue un bon guide. Il s’inscrit dans l’enseignement traditionnel de la science, qui procède discipline par discipline. Il présente la matière qu’est l’entité « sol » en autant de facettes (disciplines) que l’esprit scientifique a été en mesure de l’appréhender jusqu’à ce jour : genèse du sol, formation de la matière organique, composition physique, chimique et biologique du sol, processus qui gouvernent son fonctionnement, tels que le cycle des éléments nutritifs envisagée dans la relation sol-plante. Un manuel dans lequel il est aussi question de classification des sols canadiens et de sa sous-discipline connexe, la morphologie et la micromorphologie du sol, qui a pour objet la description des propriétés structurales d’un profil de sol. La minéralogie, une discipline de la géologie, constitue un incontournable du manuel. De même que la réhabilitation des terres dégradées, une discipline scientifique relativement récente, qui fera voir une facette plus pragmatique de la science du sol. Ce manuel ne passe pas à côté des disciplines rattachées aux technologies du numérique, telles que la cartographie et la télédétection qui ont largement contribué à l’acquisition de données de sols à l’échelle de grands territoires, comme celui du Canada.

En lisant les courtes présentations que les auteurs du manuel ont bien voulu écrire sur eux, l’usager constatera à quel point une seule petite étincelle d’émerveillement à l’égard de cette matière aussi banale que nécessaire que constitue ce « sol sous nos pieds » peut mener à une grande vocation.

Qu’est-ce qu’un sol ?

On l’a vu, il y a autant de définitions d’un sol qu’il existe de façons de le considérer. L’agriculteur définira le sol comme étant la matière qui supporte ses cultures, l’ingénieur y verra plutôt le support à ses constructions, qu’il s’agisse d’une route ou d’un bâtiment. Envisagé dans toute sa complexité, le sol renvoie à quantité d’autres définitions, toutes aussi acceptables les unes que les autres, qui font ressortir le caractère hétérogène de sa matière. Cette hétérogénéité, qui s’observe à toutes les échelles des écosystèmes terrestres, commande donc d’être exprimée dans une définition de sol suffisamment générale pour englober toute la diversité des caractéristiques et propriétés qui la constituent. La Société canadienne de la science du sol propose deux définitions du sol (Gregorich et coll., 2001) :

  1. Matière minérale ou organique non consolidée de la surface terrestre de la planète qui constitue le milieu naturel de croissance des plantes.
  2. Matière minérale ou organique non consolidée de la surface terrestre de la planète résultant de l’altération du matériau d’origine, des effets du relief, de l’action du climat et des macro et micro-organismes sur une période suffisamment longue pour lui permettre d’avoir développé ses propres propriétés morphologiques, physiques, chimiques et biologiques.

Ces définitions apportent beaucoup d’informations sur les sols, notamment qu’ils dérivent d’une matière antérieure à eux, d’un matériau d’origine. Il s’agit en quelque sorte de leur bagage génétique. Qu’ils constituent des habitats aux organismes vivants sans lesquels ils ne pourraient assumer leur rôle de support et de milieu favorable à la croissance des plantes. Qu’ils ne sont pas des entités statiques, mais des entités dynamiques qui sont autant soumises à l’évolution naturelle de leurs propres processus qu’à l’évolution de processus découlant des usages multiples que l’homme a faits d’eux. En effet, les humains ont eu et continuent d’avoir un impact énorme sur le sol, mais il est important de noter que le sol continue de changer avec ou sans l’action humaine ; le seul passage du temps entraînera inexorablement des changements dans un sol.

Le sol et les services écosystémiques

La vision écosystémique qu’ont fait naître les acquis de la science a mené les scientifiques à reconnaître l’ensemble des bénéfices, matériels et immatériels que tirait l’homme — directement ou indirectement — des fonctions des écosystèmes. Cet ensemble porte désormais le nom de services écosystémiques. Bien que les scientifiques reconnaissent depuis longtemps le concept de services écosystémiques, en particulier ceux qui travaillent dans le domaine de la science de la durabilité, le concept a été officialisé dans un rapport de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (MEA, 2005), un programme créé sous les auspices des Nations Unies à la demande du Secrétaire général d’alors, Kofi Annan, en 2000. Dans le rapport, on trouve cette définition d’un écosystème : « complexe dynamique composé de communautés de plantes, d’animaux, de micro-organismes et du milieu non biotique, sujet à des interactions en tant qu’entité fonctionnelle (2005) ». On y a divisé les services écosystémiques en quatre catégories : (1) d’approvisionnement, (2) de régulation, (3) de soutien et (4) socioculturels. Au sein des écosystèmes, les sols remplissent de nombreuses fonctions en plus d’être des contributeurs intermédiaires à beaucoup d’autres. Pour ces raisons, les avantages dont les humains tirent directement ou indirectement des sols entrent dans les quatre catégories de services, comme on peut le constater à la figure 1.1.

Services d’approvisionnement. Nul ne niera le lien de dépendance directe qui existe entre l’homme et le sol. Plus de 95 % de ce que l’homme produit tire son origine du sol : nourriture, fibre textile, biomasse à usage énergétique, etc. En retour, l’homme doit veiller à préserver les propriétés intrinsèques de l’écosystème « sol », une condition reconnue essentielle à la santé de tous les écosystèmes au sein desquelles il prend place dans l’organisation hiérarchique des systèmes naturels (Adhikari et Hartemink, 2016). Seule une forme d’utilisation respectueuse des propriétés des sols peut assurer leur capacité de produire (Dominati et coll., 2010). À l’inverse, laisser aller les processus de dégradation des sols, tels que l’érosion et la salinisation, est un exemple de non-respect des propriétés des sols, qui compromet sa capacité de fournir des services.

Les services de régulation que les sols fournissent à l’homme lui paraissent moins évidents. Prenons le cas du dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre qui ne cesse d’augmenter dans l’atmosphère. Les sols contribuent à le faire diminuer en en accumulant au cours du processus long et complexe qui commence avec la photosynthèse des plantes et certains microorganismes du sol photosynthétiques. Ces végétaux fixent le gaz carbonique de l’atmosphère qu’ils transforment en composés de carbone, le matériau dont ils sont constitués. À ce stade du cycle du carbone, on dit que le sol est un réservoir (un puits) de carbone ; il l’accumule. Mais le carbone de cette matière organique retournera dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone ou de méthane au cours du processus de décomposition par les organismes du sol ; le sol deviendra alors une source de carbone. Dans le contexte de l’agriculture, l’homme peut exercer une influence sur le degré selon lequel les sols agissent à titre de puits ou de source de carbone, par exemple, en travaillant le sol au minimum. Dans le même contexte, il pourra agir sur les émissions de protoxyde d’azote du sol, un autre gaz à effet serre d’importance, en faisant un usage plus responsable des engrais minéraux. Les autres services de régulation fournis par les sols comprennent la régulation des crues, l’atténuation des inondations, la lutte biologique contre les ravageurs et les maladies et la désintoxication des substances indésirables, pour ne nommer que ceux-là. Les sols exercent beaucoup d’autres fonctions de régulation observables à différentes échelles, fonctions que l’homme n’a pas encore découvertes.

 

Figure 1.1.  Diagramme schématique représentant certaines des nombreuses fonctions que les sols remplissent. Ces fonctions contribuent aux services écosystémiques, classés en services d’approvisionnement, de régulation, de soutien et culturels. À laquelle de ces catégories de services écosystémiques attribueriez-vous chacune des fonctions ci-dessus ? © Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Reproduit avec autorisation. Sous licence CC BY-NC (Attribution Non Commerciale).

Les services culturels apportent à l’homme les avantages non matériels, tels que l’expérience spirituelle née du contact avec la nature, l’inspiration esthétique, l’identité culturelle, le sentiment d’appartenance à la terre patrie que beaucoup de gens et de communautés vivent d’ailleurs intensément par la simple évocation de l’odeur de la terre après la pluie, de sa couleur, ou de la contemplation d’un paysage familier. Saviez-vous que chaque fois que le Pape, le chef de l’Église catholique romaine, arrive dans un nouveau pays, il embrasse le sol en signe de respect pour le pays et le peuple qui l’habite ?

Enfin, fournir les espaces nécessaires à la vie des espèces végétales et animales et assurer leur diversité constituent les services de soutien qu’offre la nature et dont découlent les autres services écosystémiques. Le sol, en tant que matière à la fois nécessaire à la vie qui l’abrite et créée par elle, occupe donc une place de choix dans la catégorie des services de soutien, notamment par la nature des processus fondamentaux qui s’y déroulent, tels que l’activité biologique, le cycle des éléments nutritifs, le cycle de l’eau et le cycle du carbone.

Le sol en tant que capital naturel — stocks et flux

La contribution d’un sol particulier à l’une ou l’autre des quatre catégories de services écosystémiques dépend de ses propriétés intrinsèques et de leur degré d’expression dans un environnement particulier. On a dit plus haut que 95 % de ce que l’homme produisait tirait son origine du sol. En cela, la contribution du sol à titre de fournisseur de services d’approvisionnement à l’homme relève de l’évidence. Mais les sols y contribuent-ils tous également ? Bien sûr que non. Les sols les plus fertiles afficheront les meilleurs rendements que les autres, qu’il s’agisse de rendement agricole, forestier ou en biocarburants. La contribution des sols à l’offre de services écosystémiques est en effet fonction de leurs propriétés chimiques, physiques et biologiques. En ce sens, on peut appliquer les principes de l’économie aux sols en leur attribuant une valeur en fonction ce qu’ils sont en mesure d’offrir en termes de services écosystémiques.

Les sols peuvent ainsi faire figure de capital naturel ou de stock qui fait circuler son offre de services écosystémiques et de biens utiles (Dominati et coll., 2010) (fig. 1.2). Selon ces principes, si le capital peut croître, il peut aussi s’épuiser. Certaines propriétés du sol peuvent être assimilées à du capital fixe de par ses qualités intrinsèques (texture du sol, minéralogie, pierrosité, pente, orientation, etc.) ou d’autres à du capital susceptible d’être amélioré (ou gérables) (p. ex., teneur en matière organique). En effet, la matière organique, connue pour sa contribution essentielle au potentiel de productivité du sol fait partie du capital sur lequel il est possible d’agir (gérable). Les agriculteurs peuvent améliorer la qualité du sol en le travaillant au minimum ou en appliquant d’autres pratiques destinées à faire augmenter la teneur en matière organique. Ce qui aura eu pour effet d’avoir fait augmenter le capital total.

 

Figure 1.2. Cadre démontrant le capital naturel du sol et les flux de services écosystémiques au profit des humains, sous l’influence de facteurs externes. La liste des propriétés inhérentes et gérables contribuant au capital naturel du sol représente des exemples de caractéristiques du sol contribuant au capital naturel du sol ; la liste n’est pas exhaustive, pas plus que les listes des services écosystémiques qui découlent du capital naturel du sol. Adapté de Dominati et al. (2010) ; adapté par R. Farrell et sous licence CC BY (Attribution).

La caractérisation des propriétés intrinsèques et gérables d’un sol permet d’attribuer à ce dernier une capacité à fournir des services écosystémiques et ultimement de définir l’envergure de l’utilisation de ces services, telle que le révélerait, par exemple, une analyse du flux. La schématisation fait entrer l’influence potentielle de facteurs externes sur le capital naturel sol : (1) les changements climatiques, qui peuvent affecter le développement et la stabilité des sols; (2) les facteurs anthropiques, tels que l’utilisation des terres à des fins de lotissement ou de construction d’autoroutes, qui éliminent toute autre possibilité d’utilisation du sol; (3) les pratiques agricoles; (4) la foresterie; et (5) les autres activités humaines qui ont un impact direct sur les sols. On comprend aisément l’importance de préserver le capital naturel du sol si l’on veut assurer la durabilité du flux de services écosystémiques pour la satisfaction des besoins des humains d’aujourd’hui et de demain.

Les prochains chapitres portent sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol, les interactions qui se produisent entre ces propriétés au sein de tous les écosystèmes dans la hiérarchie desquels le sol trouve place. Ces chapitres révéleront qu’à chaque propriété du sol correspond une fonction particulière. La compréhension globale que l’usager tirera des connaissances de ce manuel l’incitera sûrement à tenir compte de l’importance de protéger et de maintenir la qualité des sols quand ce sera son tour de prendre part à la gestion de cette indispensable ressource qu’est le sol!

Au-delà de la science

Au-delà de la science — et la science du sol n’y échappe pas — il y a les gens qui la font. C’est pourquoi l’usager de ce manuel d’initiation en apprendra autant sur les sols que sur la profession de spécialiste du sol. En effet, les spécialistes qui ont rédigé les chapitres plongent souvent le lecteur dans leur réalité en présentant diverses situations et expériences concrètes auxquelles ils se sont trouvés confrontés. Ces passages, tout en montrant la diversité de métiers et de champs de recherches qui s’offrent à l’aspirant professionnel, montrent aussi en filigrane la passion qui les a fait passer de découverte en découverte avec toujours le même émerveillement pour cet écosystème aussi humble que complexe, à savoir le sol.
De nombreuses descriptions témoignent de cette passion que les spécialistes vouent au sol. La description emphatique que fait LH Bailey du sol, dans l’introduction d’un des premiers ouvrages sur la science du sol publié en 1909 « The Principles of Soil Management » (The MacMillam Company, Pennsylvania) (p. xxix-xxx) n’a aujourd’hui rien perdu de sa pertinence :

« Cette fine couche, si merveilleuse, d’à peine quelques pouces ou de quelques pieds, que le fermier appelle “le sol” constitue le support à tous les végétaux de même qu’à toute l’humanité, le milieu qui rend possible le déploiement et le maintien de la vie sur toute la surface du globe. Au-delà de tout calcul et de toute compréhension, ce revêtement souple sur la surface de la terre demeure nimbé de mystère et maître de son pouvoir. Nous ignorons si quelque énergie vitale ne se dégagerait pas de la grande masse intérieure de la terre. Mais nous savons du moins que cette masse extraordinaire de matériaux dont la planète est constituée est totalement inerte et que seule de cette fine couche à la surface de la terre peut jaillir l’étincelle de vie. Un lieu ténu d’où d’innombrables forêts géantes et d’animaux colossaux sont sortis, leur masse combinée dépassant de loin celle de leur humble lieu d’origine. Puis, le grand principe du cycle de la vie les y aura ramenés pour qu’ils redeviennent cette matière brute propice à la venue de nouveaux êtres tout aussi complexes qu’eux. »

 

Matière à réflexion !

Dan Pennock, Ph.D., au siège international de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à Rome, Italie (sous licence CC-BY-NC-ND).

Saviez-vous que les Nations Unies soutiennent et promeuvent la santé des sols depuis longtemps ? En effet, ce n’est pas d’hier que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) réclame le maintien de la santé des sols en raison du rôle essentiel de fournisseur que ces derniers jouent dans la gamme de services écosystémiques et particulièrement à titre de fournisseur de produits de base, tels que les cultures de plantes alimentaires, à fibre textile, à biomasse (usage énergétique), etc. La première Charte mondiale des sols présentée en 1981 lors d’une conférence de la FAO se voulait un instrument de politique destiné à fournir des orientations aux gouvernements du monde entier sur la gestion des sols, axée particulièrement sur la lutte contre la dégradation des terres, reconnue comme étant une contrainte majeure à l’expansion de la production agricole. Plus récemment, les Nations Unies ont déclaré l’année 2015 Année internationale des sols et ont approuvé la Charte mondiale des sols révisée, que l’on peut se procurer à : http://www.fao.org/publications/card/fr/c/I4965F. La Charte mondiale des sols révisée fait cadrer sa vision et ses principes directeurs dans une perspective de résolution de problèmes plus globaux, tels que les problèmes de (1) pollution des sols et leurs conséquences sur l’environnement, (2) d’adaptation au changement climatique, (3) d’atténuation de ses effets et (4) des répercussions de l’urbanisation sur la disponibilité en sols et les fonctions qu’ils assurent.

En tant que pays membre des Nations Unies, le Canada a participé à l’élaboration de cette nouvelle version de la Charte sur les sols, par le truchement d’un représentant canadien qui a siégé au comité consultatif du Groupe technique intergouvernemental sur les sols, M. Dan Pennock. Ce docteur en sol, membre de la Société canadienne de la science du sol a participé à titre d’auteur principal à la version 2015 de la Charte. (Voilà un bel exemple de scientifique canadien du sol qui a un impact positif mondial sur l’avenir des sols !) La Charte énonce les principes et les lignes directrices d’actions que l’ensemble des parties intéressées à l’échelle internationale devra entreprendre pour lutter contre la dégradation des sols et encourager leur gestion durable!

Références

Adhikari, K. and A.E. Hartemink. 2016. Linking soils to ecosystem services – A global review. Geoderma 262:101-111.

Bailey, L.H. 1909. Introduction. In L.H. Bailey (Ed.), The principles of soil management, The rural textbook series (pp. xxix-xxx). The MacMillan Company of Canada, Ltd., Toronto. 531 pp.

Dominati, E., M. Patterson and A. Mackay. 2010. A framework for classifying and quantifying the natural capital and ecosystem services of soils. Ecological Economics 69:1858-1868.

Millennium Ecosystem Assessment. 2005. Ecosystems and human well-being: Synthesis. Washington, DC: Island Press.

Exercices pratiques

  1. Définissez le sol dans le contexte des services écosystémiques selon le point de vue qui correspondrait au vôtre : étudiant universitaire, agriculteur, futur agronome, environnementaliste, ingénieur, citoyen du monde, etc.
  2. En plus des fonctions du sol énumérées à la figure 1.1, pourriez-vous donner d’autres exemples de fonctions que fournissent les sols ?

À propos des auteurs

Maja Krzic, professeure associée, Faculté des systèmes fonciers et alimentaires/Faculté des forêts, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver

Maja Krzic (sous licence CC-BY-NC-ND)

Ayant grandi dans une ville à Belgrade, l’ex-Yougoslavie (aujourd’hui la Serbie), les seules plantes que j’ai pu observer étaient celles des parcs et celles qui poussaient dans les pots aux balcons des habitations où nous vivions. Néanmoins, cela a suffi pour que je m’inscrive en agronomie. Je voulais surtout connaître leur rôle dans la production alimentaire. Quand j’ai suivi mon premier cours sur la science du sol, je suis devenu accro. Je ne savais même pas que c’était une discipline en soi. La spécialiste en science du sol que je suis devenue me permet aujourd’hui de travailler sur une grande variété d’écosystèmes, allant des milieux agricoles aux prairies, en passant par les forêts, les zones urbaines désaffectées jusqu’aux terrains de golf de partout dans le monde. Cependant, la plus grande source de gratification dans ma carrière me vient des interactions que j’ai avec les étudiants et de l’aide que je peux leur apporter au cours de leur apprentissage en science du sol.

Fran Walley, professeure en science du sol, College of Agriculture and Bioresources, Université de la Saskatchewan.

Fran Walley (sous licence CC-BY-NC-ND)

Après avoir suivi un cours d’introduction en science du sol au cours de mes premières années universitaires, j’ai travaillé un été à titre d’assistante de recherche au Département de la science du sol de l’Université du Manitoba. J’ai su alors que je venais de découvrir ma passion. Il me semblait — et me semble encore aujourd’hui — que la science du sol réunissait tout ce que j’aimais. J’adorais être dehors, le lieu par excellence du travail en science du sol. J’adorais la biologie et l’écologie, deux sciences à la base de la compréhension du fonctionnement de tout environnement naturel. Pour moi, la science du sol est de la biologie appliquée, et j’aime appliquer mes connaissances de la biologie aux sols. Au fil des ans, la science du sol m’a aidé à adopter une vision plus engagée envers l’environnement et à contribuer au maintien de notre précieux environnement. Que demander de plus ?

Amanda Diochon, professeure associée, Département de géologie, Université Lakehead, Thunder Bay

Amanda Diochon (sous licence CC-BY-NC-ND)

Petite, on m’a souvent trouvée en train de jouer avec la terre ; on en lançait au camp adverse, on en faisait des pâtés, et bien entendu on creusait des trous pour retrouver quelque précieux trésor enfoui. J’ai aimé me salir les mains. Fallait-il y voir un signe précurseur de ma future profession ? Quoi qu’il en soit, ma première expérience scientifique en lien avec le sol a eu lieu au cours d’une expo-sciences alors que j’étais en voie d’entrer à l’école secondaire. Nous devions tester les effets de différentes valeurs de pH du sol sur la croissance des plantes. C’est peut-être une expérience classique, mais je venais de trouver ma vocation. Aujourd’hui, je peux encore m’adonner à toutes ces choses, mais dans une tout autre optique. Maintenant, je moule de la terre, non pas pour lancer des mottes au camp ennemi, mais plutôt pour discuter texture, j’en fais des mélanges à l’aide d’un agitateur, non pas pour faire des pâtés, mais pour en extraire le carbone organique dissous — de sorte que puisse constater les effets des perturbations sur le sol, comme la récolte forestière et les incendies. Et quand je creuse des trous, ce n’est plus pour déterrer un trésor, mais pour mettre au jour ces beaux horizons qui sont comme autant de pages de l’histoire du sol, passée, présente et à venir. J’ai eu beau avoir vieilli, c’est toujours avec le même émerveillement et la même excitation que la petite fille encore bien vivante en moi que j’aborde une question de sol. Peut-être que ça va vous arriver à vous aussi !

Maxime Paré, professeur, Université du Québec à Chicoutimi, Québec

Maxime Paré (sous licence CC-BY-NC-ND)

Je me suis intéressé à la science du sol dès lors que je me suis impliqué en agriculture, c’est-à-dire dès mon plus jeune âge. J’ai grandi dans une petite ville franco-irlandaise du Québec (Saint-Ambroise-de-Kildare) où bon nombre de parents de mes amis étaient producteurs laitiers. Tandis que nous travaillions aux foins, je me souviens m’être souvent demandé pourquoi certains champs produisaient plus que d’autres, et ce, autant en quantité qu’en qualité. J’ai eu rapidement l’intuition qu’il devait y avoir un lien avec le sol ! Avec un tel bagage d’observations et de réflexions de jeunesse, il n’en fallait pas plus pour que plus tard la science du sol devienne ma matière préférée au baccalauréat d’agronomie de l’Université Laval (ville de Québec). Mais c’est grâce à M. Léon-Étienne Parent, pour qui j’ai travaillé comme assistant de recherche, que mon intérêt pour la science du sol a atteint ses plus hauts sommets ! À cette époque, le professeur Parent travaillait sur de nombreux essais de fertilisation sur une multitude de cultures partout en province. J’ai eu cette révélation : mes observations et intuitions de jeunesse, c’était de la science, en ceci que tout cela, j’aurais pu le mesurer, le caractériser et le reproduire. Excitant, non ? Encore aujourd’hui, je continue d’en apprendre sur les sols, que ce soit en révisant un article ou en lisant sur le sujet. Et chaque fois, le feu sacré pour la science du sol qui animait jadis le jeune garçon anime le spécialiste du sol d’aujourd’hui avec la même intensité, car il le mène sans cesse aux frontières de la connaissance. Pour qui carbure à la connaissance, ce manuel représente suffisamment de carburant pour être capable d’enflammer la prochaine génération !

Rich Farrell, Professeur agrégé, Département des sciences du sol, Université de la Saskatchewan

Rich Farrell (sous licence CC-BY-NC-ND)

Je suis originaire du Rhode Island et bien que j’aie grandi en banlieue, je m’intéresse à la science du sol depuis l’âge de 13 ans, lorsqu’un de mes amis m’a suggéré en plaisantant de faire un projet scientifique sur les sols parce qu’« il n’y a rien de vivant dans les sols ». . . . oh, avait-il tort ! J’ai donc réalisé mon projet sur « les sols et la conservation des sols » et j’ai réussi à remporter le 2e prix de l’expo-sciences locale, même si l’un des juges a déclaré que l’étude des sols n’était pas une vraie science. . . . oh, avait-il tort ! Donc, me voici plusieurs années plus tard à étudier ce que j’aime. Ma recherche se concentre sur l’agronomie environnementale, y compris les effets des pratiques agricoles sur la qualité des sols et la production/atténuation des gaz à effet de serre dans les agroécosystèmes. Je suis également codirecteur du Laboratoire d’agronomie environnementale des Prairies (PEARL), qui soutient la recherche visant à développer des stratégies qui améliorent ou maintiennent la capacité et l’intégrité des agro-écosystèmes et établissent la faible empreinte GES des systèmes de culture des Prairies.

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Introduction à la science du sol : de la théorie à la pratique en sols canadiens Copyright © 2021 by Fran Walley; Maja Krzic; Amanda Diochon; Maxime C. Paré; and Richard Farrell is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International License, except where otherwise noted.

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