Se creuser la tête

2 Genèse des sols

Dan Pennock

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

Une fois la lecture de ce chapitre terminée, l’étudiant devrait être en mesure :

  • d’expliquer pourquoi les sols canadiens sont considérés comme étant jeunes par rapport au reste des sols mondiaux; et de comprendre l’effet de du temps sur la genèse des sols;
  • de décrire les deux grands types de matériaux d’origine des sols à l’échelle du territoire canadien;
  • d’établir le lien entre les deux principales genèses des sols forestiers au Canada et les deux grands types de matériaux d’origine;
  • de décrire les deux principales genèses des sols de milieux humides;
  • d’expliquer l’effet du gel sur la genèse des sols en milieux pergélisolés;
  • de faire la différence entre les sols des prairies, les sols forestiers et les sols de milieux humides quant aux apports de matière organique et de l’action de la faune du sol sur leur genèse;
  • de décrire deux genèses distinctes dans les matériaux d’origine riches en argile des Prairies;
  • de décrire le principal processus de genèse des sols dans les régions du monde qui n’ont pas été englacées (en dehors du Canada).

INTRODUCTION À LA GENÈSE DES SOL (PÉDOLOGIE)

Pour étudier la genèse des sols, ou pédogenèse, il faut remonter aux causes qui expliquent les différences souvent marquées des propriétés physico-chimiques entre les sols, différences qui parfois s’observent même sur de courtes distances.

Deux grandes causes, deux grands concepts

Ces différences s’expliquent par les propriétés héritées des matériaux d’origine ainsi que les processus pédogénétiques qui exercent une influence sur ces matériaux et qui découlent de facteurs environnementaux. Ces deux grandes causes expliquent généralement bien la genèse des sols, une sous-discipline de la pédologie.

Les spécialistes du sol ont fait de ces deux grandes causes les deux principaux concepts sur lesquels repose l’étude de la genèse des sols :

  1. L’action de processus pédogénétiques spécifiques et les interactions entre ces processus, sur les matériaux d’origine déterminent les propriétés d’un sol.
  2. Les facteurs environnementaux, qu’ils soient physiques, chimiques ou biologiques et l’impact des activités humaines sur ces facteurs, régissent le type et l’intensité des processus pédogénétiques.

La genèse d’un sol commence dès que les matériaux rocheux à la surface de la Terre se trouvent sous dans des conditions qui favorisent l’enclenchement de processus physiques, chimiques et biologiques.

Bref historique de la genèse des sols au Canada

Dans le cas de la très grande majorité du territoire canadien, le début de la transformation des matériaux de surface s’est amorcé peu de temps après le retrait d’immenses calottes glaciaires qui le recouvrait et du drainage de l’eau de fonte à travers le réseau de lacs et de rivières qui s’est formé à l’aval du front glaciaire.

Les matériaux rocheux n’ont tardé, au cours de la période postglaciaire, à devenir des milieux propices à l’apparition de la vie microbienne, végétale et animale, celle-ci ajoutant par le fait même une contribution importante à la genèse du sol. À certains endroits durant cette période postglaciaire, le paysage subira d’autres transformations sous l’action de l’eau, du vent et de la gravité. En termes de superficie, la plus récente transformation d’importance qu’ont subi les sols canadiens est le résultat de l’utilisation des terres par les Européens venus s’établir en Amérique du Nord.

Deux grands constats

De ce bref aperçu de l’historique de la genèse des sols en territoire canadien découlent deux constatations qui permettent de mieux comprendre les sols canadiens :

  1.  ils sont très jeunes par rapport à l’âge de la grande majorité des sols du reste du monde (Sanborn, 2016) ;
  2.  les vastes domaines bioclimatiques (par ex. la toundra, la forêt boréale, les prairies) qui se sont formés rapidement après le retrait des glaces participeront activement à la genèse des sols.

Les sols canadiens sont jeunes

La genèse des sols du territoire canadien a débuté il y a environ 17 000 ans avant aujourd’hui ; les premières genèses auraient été enclenchées au 49e parallèle, latitude qui correspond aujourd’hui à la frontière sud de l’Ouest canadien avec les États-Unis. Pour constater du très jeune âge des sols canadiens, il suffit de les comparer à l’histoire de la genèse des sols du centre de l’Australie et de l’Afrique, remontant à l’ère géologique du mésozoïque, soit il y a près de 250 millions d’années (Paton et al. 1995). Les sols canadiens sont parmi les plus jeunes du globe. Ils sont même plus récents que la plupart des sols des États-Unis et de l’Europe.

Le fait que les sols canadiens soient très jeunes signifie que leurs propriétés s’apparentent encore beaucoup aux propriétés de leurs matériaux d’origine. Ce n’est pas le cas des sols dits « vieux » comme en Australie. En effet, puisque la genèse de ces sols remonte à très longtemps (voire des millions d’années), leurs propriétés actuelles ne reflètent plus du tout les propriétés de leurs matériaux d’origine. En science du sol, les roches et les matériaux meubles à partir desquels un sol se forme sont appelés les « matériaux d’origine ».

La végétation s’est établie rapidement

Une fois les glaces disparues, la plupart des sols canadiens sont progressivement devenus des carrefours pour la création de grandes zones de végétation homogènes appelés « biomes ». Or, la nature même de la végétation qui s’est installée a joué un rôle important dans la genèse des sols et l’appropriation de leurs propriétés. Ainsi, chaque grande zone possède une unité de végétation distincte sur des sols aux propriétés tout aussi distinctes. En revanche, les « vieux » sols trouvés ailleurs dans le monde peuvent résulter d’autant de changements qui se sont produits dans l’environnement au cours des millénaires, si bien qu’ils peuvent présenter encore aujourd’hui des propriétés qui traduisent ces conditions environnementales depuis longtemps révolues.

Sept grands facteurs modulant la genèse des sols

Selon les deux concepts qui sous-tendent l’étude de la pédogénèse, plusieurs facteurs auraient joué le rôle de catalyseur des processus pédogénétiques. Les spécialistes ont dégagé les facteurs les plus déterminants :

  • le temps (durée de développement d’un sol) ;
  • les matériaux d’origine (autant leur taille que leur composition chimique) ;
  • le climat (notamment la température et la teneur en eau) ;
  • les organismes vivants (les végétaux et animaux de même que les microorganismes qui transforment les matériaux abiotiques) ;
  • la topographie (régulateurs des débits d’eau et des sédiments) ;
  • l’eau souterraine (présence ou absence) ;
  • les activités humaines.

Le chapitre 8 (Classification des sols) sera l’objet de l’étude approfondie de ces sept grands facteurs modulant la genèse des sols.

Matière à réflexion!

J.H. Ellis, Fellow de la Société canadienne de la science du sol, 1963

Joseph Henry Ellis. Photograph courtesy of the Canadian Society of Soil Science. © CSSS is licensed under a CC BY-NC-ND (Attribution NonCommercial NoDerivatives) license.

Les Canadiens ont tendance à être des gens de nature plutôt humble et se tiennent habituellement loin des déclarations patriotiques à l’emporte-pièce ou de « l’autopromotion ». Peut-être est-ce pour cette raison que peu de gens connaissent le travail révolutionnaire qu’a accompli le Canadien Joseph Henry Ellis (1890-1973), spécialiste de la science du sol. Ses travaux nourris d’une profonde réflexion ont grandement fait avancer les connaissances sur les sols de l’Ouest canadien, particulièrement les sols du Manitoba. Dans son livre The Soils of Manitoba, publié en 1938, le scientifique livre sa compréhension des sols canadiens, notamment en ce qui a trait à leur diversité et à leur distribution :

“ Les sols sont des entités naturelles qui se sont développées à la surface de la Terre à partir des dépôts géologiques qui furent soumis à l’influence d’un climat favorable et à celle de la vie organique. Les sols diffèrent des matériaux géologiques sur lesquels ils reposent. Ces différences se manifestent par les caractéristiques physiques et chimiques du sol, telles que leur couleur, texture, structure, consistance, intrusions et concrétions ou produits de l’altération du sol, réactivité, etc. La somme de ces caractéristiques détermine le type de sol (groupe de sols). ”

Le professeur Ellis pousse davantage la réflexion en présentant ce qu’il pense être les facteurs expliquant le mieux la nature et la distribution des sols du Manitoba (p. 14):

  1. Le climat, lequel détermine la température et la teneur en eau du sol ;
  2. La végétation, laquelle détermine le type de matière organique qui s’incorpore au sol ;
  3. Les matériaux d’origine (ou dépôts géologiques), lesquels déterminent la composition en nutriments à partir desquels un sol est formé ainsi que la texture du sol, sa capacité de rétention d’eau et sa réserve en nutriments ;
  4. La situation topographique du sol ;
  5. La présence ou l’absence d’une nappe phréatique dans le sol ;
  6. La période de temps au cours de laquelle le sol a subi l’influence de son environnement ;
  7. L’agriculture, laquelle exerce des effets de par les différentes cultures et le travail du paysan.

Aux États-Unis, un contemporain du professeur Ellis, le professeur Hans Jenny (1899-1992) de l’Université de Californie à Berkeley, publiait en 1941 un ouvrage intitulé Facteurs de formation du sol : système quantitatif de pédologie (Jenny, 1941) dans lequel il présentait ce qu’il appelait les facteurs modulant la genèse du sol, qu’il désignera plus tard de facteurs d’état (State Factors) (Jenny, 1980). Il avait reconnu le climat, les organismes, le relief (topographie), les matériaux d’origine et le temps comme étant les cinq facteurs expliquant le mieux la genèse, la nature et la distribution des sols. Ces deux grands pédologues avaient en effet reconnu à peu près les mêmes facteurs explication la nature et la distribution des sols.

The above excerpt was adapted from an article originally published by Les Fuller in 2010 (http://www.prairiesoilsandcrops.ca): Chernozemic soils of the prairie region of western Canada. Prairie Soils and Crops 3: 37−45.

LE LEGS GÉOLOGIQUE

On a mentionné dans l’introduction que la grande majorité des sols canadiens s’étaient formés à partir des dépôts glaciaires ou postglaciaires. Bien souvent, le substratum rocheux (bedrock) s’est trouvé bien en dessous de la zone de genèse des sols. Or, la composition minérale des dépôts glaciaires et postglaciaires ne peut venir que de celle du substratum rocheux, qui se trouve être son héritage géologique en quelque sorte. C’est donc la composition minéralogique du substratum rocheux qui forme le dépôt glaciaire et postglaciaire qui a donné la signature chimique de l’environnement (notamment les concentrations en acides et en bases) dans lequel le sol va se développer (voir chap. 5). Similairement, l’environnement morphologique initial du sol sera hérité du substratum rocheux, lequel a une classe granulométrique déterminée qui est le résultat de la météorisation (physique et chimique) et de l’érosion, du transport et du triage issus de la déglaciation (voir chap. 4). Vous trouverez sur le site Web Virtual Soil Science Learning Resources un excellent contenu qui couvre l’importance des matériaux d’origine dans l’étude de la genèse des sols.

Types de roches

Le substratum rocheux est constitué de roches formées d’agrégats hétérogènes de minéraux. À l’échelle du territoire canadien, on trouve les trois catégories principales de roches que les scientifiques ont divisées en fonction de leur composition, leur origine ou la modalité de leur genèse : les roches ignées, les roches sédimentaires et les roches métamorphiques (figure 2.1).

 

Figure 2,1. Situation géographique des principaux types de roches au Canada (adapté de l’Atlas national du Canada). Les roches sédimentaires sont représentées en jaune. Dans le centre et à l’est du Canada, les zones de couleur orangée et violet pâle représentent respectivement les roches ignées et métamorphiques constitutives du Bouclier canadien. Les roches ignées volcaniques (vert foncé) et les roches sédimentaires forment un motif complexe dans la Cordillère occidentale. © Ressources naturelles Canada; utilisé avec la permission du Gouvernement du Canada et sous licence du Gouvernement ouvert – Canada. https://open.canada.ca/fr/open-government-licence-canada

Les roches ignées, parfois aussi appelées « roches magmatiques » ou « éruptives », ont pris forme quand le magma d’où elles proviennent a été entraîné à la surface de la Terre (la croûte terrestre) d’où il a refroidi puis cristallisé. Les cristaux se sont formés de manière désordonnée, sans orientation particulière. Les roches ignées extrusives (ou volcaniques) des roches ignées intrusives (ou plutoniques) (figure 2.1) sont respectivement distinguées selon le refroidissement du magma qui s’est fait à l’extérieur ou à l’intérieur de la croûte terrestre.

Les roches sédimentaires résultent de l’accumulation et de la consolidation de débris d’origine minérale (dégradation d’autres roches), organique (restes de végétaux ou d’animaux) ou chimique (sel, anhydrite, gypse). Ces roches se présentent généralement sous la forme de couches superposées les unes sur les autres (les strates).

Les roches métamorphiques résultent de la transformation, plus ou moins grande, d’une roche éruptive ou sédimentaire, sous l’action de facteurs physiques, comme la température et la pression, ou de facteurs chimiques. Leurs propriétés tirent leurs origines des roches magmatiques ou sédimentaires à partir desquelles elles sont formées.

Situation géographique, formation, composition

Il a été mentionné que les roches étaient constituées d’agrégats hétérogènes de minéraux. Les roches ignées sont principalement composées de minéraux silicatés (ceux dominés par l’oxygène et le silicium), tels que les micas, les feldspaths, le quartz, l’olivine, le pyroxène et les amphiboles. Ces minéraux résultent du refroidissement puis de la cristallisation du magma entraîné vers la croûte terrestre. Le processus de refroidissement donne naissance à de grosses particules de minéraux, de la taille du sable ; la masse rocheuse résultant de leur agrégation s’est révélée très résistante aux effets de compression et de désagrégation des glaciers. Le Bouclier canadien, l’un des plus anciens massifs rocheux de la Terre, est aussi celui qui représente le plus grand massif de roches ignées. De vastes superficies de roches ignées se trouvent à l’intérieur des limites de la Colombie-Britannique et sur sa côte ouest.

Les roches sédimentaires se sont formées à partir de sédiments, formation qui résulte de l’accumulation de matériaux d’origine minérale, organique ou chimique qui se sont consolidés en couches. Elles forment de grands massifs autant à la surface terrestre que dans le fond des mers, des lacs et des rivières. Des roches sédimentaires se trouvent dans les Prairies, dans la partie est de Rocheuses jusqu’à l’océan Arctique de même que sur l’archipel Arctique. Elles sont aussi omniprésentes dans le sud de l’Ontario et du Québec et dans la plupart des Maritimes. Le lieu principal de dépôt des sédiments qui forment les roches sédimentaires est principalement marin. Les roches sédimentaires sont dites stratifiées, car elles ont été déposées en couches successives. Cette nature stratifiée combinée à leur composition en minéraux fait en sorte que les roches sédimentaires sont moins résistantes aux effets de compression et de désagrégation des glaciers comparativement aux roches ignées.

Processus de sédimentation des roches sédimentaires

Trois grands types de roches sédimentaires se distinguent selon le processus de sédimentation donnant lieu à leur formation : détritique ou clastique, chimique et biogénique.

Sédimentation détritique ou clastique. Le processus fait intervenir la capacité des rivières, des océans, des vents et des eaux de pluie à transporter des particules issues de roches désagrégées par processus mécanique. Ces particules sont composées de fragments de roches préexistantes et de minéraux. Lorsque l’énergie de transport n’est plus suffisamment grande pour les déplacer, les particules se déposent.

Granulométrie

Les roches sédimentaires détritiques ont été classées en fonction de la taille (granulométrie) de leurs sédiments (particules) : sable (grès), limon (grès fin ou siltite), argile (schiste, mudstone ou argilite). Une roche sédimentaire argileuse (sédimentation détritique), comme du schiste par exemple, est composée de silicates structurés en feuilles, dits phyllosilicates, ce qui leur confère la particularité de se débiter en plaques fines ou en « feuillets rocheux ». Cette particularité témoigne du lieu où elles se sont formées, soit dans la zone superficielle de la croûte terrestre, là où les conditions de température et de pression étaient beaucoup moins élevées que dans les zones plus profondes de la Terre où se sont formées les roches ignées. Les minéraux qui entrent dans la composition des roches sédimentaires argileuses trouvées dans les sols canadiens sont les minéraux qui entrent dans la composition des roches ignées.

Sédimentation chimique. Les roches sédimentaires d’origine chimique se sont formées à partir de la précipitation ou de la cristallisation de substances (ions ou sels minéraux) dissoutes dans l’eau. Le type de roches dérivé du processus de sédimentation chimique contient souvent une grande variété de sels résultant de la liaison chimique entre des ions chargés positivement (les cations), tels que le sodium et le magnésium, et des ions chargés négativement (les anions), tels que le carbonate et le chlorure.

Sédimentation biogénique. Les organismes vivants ont extrait les ions dissous dans l’eau pour former des coquilles et des os. Ce sont leurs restes qui ont constitué ces roches sédimentaires. Le calcaire entre dans le type de roches dérivé du processus de sédimentation biogénique. C’est la roche d’origine biogénique la plus courante ; le minéral dominant en est le carbonate de calcium.

Influences diverses des types de roches sur les processus de genèse des sols

Les différences de composition en minéraux entre les roches ignées et sédimentaires exerceront une influence sur la composition chimique des sols et de manière plus générale, sur la genèse des sols. Par exemple, un sol formé à partir de roches sédimentaires dérivées du processus de sédimentation chimique contient des carbonates qui ont pour effet de maintenir le pH entre 5 et 8.5, tandis qu’un sol formé à partir de roches ignées contient des minéraux beaucoup plus acides (silicates et aluminosilicates) qui ont pour effet de faire varier les valeurs de pH entre 3.5 et 5. Le pH est l’un des critères importants du Système canadien de classification des sols (Groupe de travail sur la classification des sols, 1998). La classification des sols canadiens fait l’objet du chapitre 8 du manuel. Aussi, les sols formés à partir de roches sédimentaires sont plus fertiles, car les minéraux qui les constituent libèrent des cations basiques tels que du calcium, du magnésium et du potassium, tous des éléments nutritifs importants pour les plantes (voir chap. 7). Les sols formés à partir de roches ignées sont moins fertiles en raison de la faible teneur d’éléments nutritifs que contiennent leurs minéraux constitutifs.

Il faut aussi considérer les différences de structure qui existent entre les argiles phyllosilicates, car elles expliquent certaines différences de propriétés entre les sols. La structure feuilletée de la smectite, par exemple, permet de faire pénétrer l’eau entre ses feuillets, conférant ainsi au sol la propriété de gonfler et de rétrécir selon la teneur en eau des sols, ce que la structure des micas, vermiculite et chlorite ne fait pas. Les minéraux argileux des smectites proviennent des roches sédimentaires marines du Crétacé, époque de grande minéralisation dans toute la partie occidentale de l’Amérique du Nord, écozone des Prairies comprise (voir chap. 14 pour en savoir plus sur la minéralogie des sols canadiens).

LE LEGS DE LA GLACIATION

La surface terrestre du territoire canadien a été grandement transformée par les calottes glaciaires du Pléistocène, une époque de l’histoire de la Terre qui couvre la période de 2,5 millions d’années à 11 700 ans (Subcommission on Quaternary Stratigraphy). L’époque du Pléistocène a été suivie de l’époque de l’Holocène, qui s’étend de la fin du Pléistocène à nos jours. Au cours de l’époque du Pléistocène, il y a eu de nombreux épisodes de formation, d’avancée et de recul de glaciers. Mais ce qui intéressera surtout les spécialistes de la science du sol, c’est le dernier épisode de cette époque. Le nom — non officiel — donné à ce dernier épisode glaciaire en Amérique du Nord est appelé « glaciation du Wisconsin ou Wisconsinien ».

Les dépôts glaciaires

La fonte des grandes calottes glaciaires aura généré en grande partie le relief actuel du Canada et mis en place les matériaux à partir desquels les sols auront commencé à se former sur la surface du territoire canadien (figure 2.2). La composition en minéraux des dépôts glaciaires et de leur texture est due par l’action des calottes glaciaires ; elles ont broyé le substratum rocheux qui s’est désagrégé en morceaux de plus en plus petits au cours du transport. La résistance au broyage et à la désagrégation dépendra grandement du type de roches en présence. Du fait de leur résistance, l’action de désagrégation des glaciers sur les roches ignées produira des particules de la taille du gravier et du sable, faites de quartz principalement. Moins résistantes que les roches ignées, les roches sédimentaires produiront toute une gamme de particules plus fines augmentant du coup l’étendue de leur granulométrie, depuis le gravier jusqu’à l’argile.

 

Figure 2,2. Carte des matériaux d’origine des sols canadiens, créée à partir de la carte des pédopaysages du Canada à l’échelle 1:1 000 000. © Darrel Cerkowniak, Agriculture et Agroalimentaire Canada; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Dépôts mis en place par les glaciers : les dépôts glaciaires

Au cours de la période glaciaire, des fragments de roches de toute granulométrie et de toute provenance se sont trouvés transportés par les calottes glaciaires puis déposés une fois ces dernières fondues. Ce dépôt de matériaux rocheux hétérogènes (argile, limon, sable, gravier, pierre, bloc) non consolidés laissés directement par les glaciers porte le nom de «moraine», alors que le terme « till » désigne plutôt la composition d’une moraine en particulier. Les matériaux rocheux qui proviennent des moraines sont de loin les plus communs au Canada (figure 2.2). Du till composé de gravier et de sable domine sur les territoires qui reposent sur du substratum rocheux constitué de roches ignées (Sims et Baldwin, 1991) ; du till composé d’un mélange de matériaux d’une plus grande gamme de taille (gravier, limon, argile) domine sur les territoires qui reposent sur du substratum rocheux constitué de roches sédimentaires. Les matériaux du till peuvent résulter de la désagrégation de la roche sous-jacente par le glacier ; les matériaux du till peuvent également provenir de la fonte sous-jacente de glace d’une masse de glace inactive ; les matériaux du till peuvent enfin provenir du transport des eaux de fonte de la glace à la surface d’une masse de glace inactive.

Dépôts mis en place par les eaux de fonte des glaciers : les dépôts fluvio-glaciaires

À la fin de la glaciation du Wisconsin, les massifs de glace ont commencé à fondre plus rapidement que la glace ne se renouvelait. De ce fait, le front du glacier s’est mis à reculer (Dyke, 2004). La période de retrait glaciaire a produit de grandes quantités d’eaux de fonte qui ont creusé des canaux dans le till sous-jacent de même que sur les surfaces rocheuses. Les eaux de fonte des glaciers ont transporté une charge élevée de sédiments qui se sont ensuite déposés dans d’immenses plaines inondables et de deltas. Ces systèmes de rivières et de cours d’eau sont communément appelés « réseau fluvial » ; les dépôts mis en place par les eaux de fonte des glaciers sont appelés « dépôts fluvio-glaciaires». Les dépôts fluvio-glaciaires sont les dépôts les plus communs dans les provinces des Prairies, mais se trouvent partout au Canada (figure 2.2).

Dépôts charriés et mis en place par un cours d’eau : les dépôts lacustres

À certains endroits, les eaux de fonte de la glace ont été retenues dans des dépressions qui se sont formées devant le front glaciaire ou même au-dessus des calottes glaciaires. Des dépôts constitués de matériaux grossiers pouvaient s’accumuler à l’embouchure d’une rivière glaciaire, le débit d’eau n’étant plus assez élevé pour transporter ces matériaux jusque dans une dépression, comme un lac. À mesure que le débit d’eau ralentissait, les matériaux de petites granulométries, tels que le sable fin, le limon et l’argile ont pu ainsi se déposer successivement dans des lacs. Le nom de dépôts glaciolacustres est donné aux sédiments transportés par les eaux de fonte des glaciers jusque dans les lacs aux fonds desquels le processus de sédimentation s’est achevé. Les plus grandes superficies de dépôts glaciolacustres se trouvent au Manitoba, dans la grande ceinture argileuse de l’Ontario et du Québec et autour du Grand lac des Esclaves dans les Territoires du Nord-Ouest (figure 2.2). Des superficies couvertes de dépôts glaciolacustres se trouvent, à moindre mesure, au sud de la Saskatchewan et de l’Alberta ; leurs teneurs élevées en limon et en argile en font d’excellents sols agricoles.

Dépôts mis en place dans un milieu marin en contact avec le front glaciaire : les dépôts glaciomarins

À la suite de la compression causée par les grandes calottes glaciaires, le phénomène de rebondissement de la surface terrestre (soulèvement isostatique) s’est produit aux marges du continent à un point tel que les dépôts marins des zones côtières devenus exposés à l’air libre ont fini par former des sols. Étant donné le rôle de la glace dans la formation de ces dépôts, on les appelle « dépôts glaciomarins». La mer de Champlain, cette grande invasion marine qui a succédé au départ des glaciers, a ennoyé les Basse-Terres du Saint-Laurent et du Saguenay–Lac-Saint-Jean en amont de Québec et les Basse-Terres de la vallée de l’Outaouais, laissant des dépôts d’argiles marines dans les parties orientales de l’écozone des Plaines à forêts mixtes autour d’Ottawa et de Montréal. Des sédiments marins se trouvent sous les dépôts de tourbe, dont l’écozone de la plaine d’Hudson localisée au sud de la baie d’Hudson, dépôts formés au cours de la période postglaciaire.

Substratum rocheux

À certains endroits, le travail d’érosion des glaciers a fait table rase, ne laissant derrière eux que le substratum rocheux (figure 2.2). Beaucoup de ces affleurements du substratum rocheux se trouvent sur le Bouclier canadien. Le roc figure aussi à titre non négligeable de matériau de surface dans de nombreuses régions montagneuses de l’Ouest canadien. Sur le territoire canadien, le phénomène de l’altération des surfaces rocheuses affleurantes n’existe pas (encore) en raison de la trop courte période écoulée depuis la dernière glaciation.

Les paysages glaciaires

Alors que les paysages les plus marquants du territoire canadien, tels que la Cordillère occidentale, les Appalaches et les montagnes de l’extrême-Arctique résultent des épisodes tectoniques (les déformations subies par les couches géologiques déjà formées), les paysages d’ailleurs au Canada résultent principalement des effets de la désagrégation du relief par les glaciers et des dépôts qu’ils ont laissés en surface au cours de la déglaciation.

Morphologie des paysages glaciaires

Les paysages glaciaires formés sur le substratum de roches ignées diffèrent de ceux formés sur le substratum de roches sédimentaires. La résistance des roches ignées à l’action des glaciers a produit des tills riches en sable et en gravier de faible épaisseur autour desquels affleure le substratum rocheux. Ces paysages reposant sur un substratum de roches ignées présentent souvent des formes de relief particulières qui sont attribuables à leur origine fluvioglaciaire. Soit qu’elles résultent du transport des matériaux par les eaux de fonte à l’aval du glacier ; on a alors des plaines d’épandage ; soit qu’elles résultent du transport des matériaux par les eaux de fonte s’écoulant dans des tunnels à l’intérieur du glacier ; on a alors une forme de terrain, sinueuse et étroite, plus ou moins allongée, aux versants raides que l’on appelle « esker ».

Le peu de résistance qu’a offert le substratum constitué de roches sédimentaires à l’action des glaciers a produit d’épais dépôts tant et si bien qu’il demeure invisible au sein des paysages glaciaires. Dans les Prairies, par exemple, il existe une bande de dépôts glaciaires d’une épaisseur variant de 100 à 300 m qui s’étend parallèlement au Bouclier canadien puis qui s’amincit graduellement à mesure que l’on se dirige vers le sud-ouest des plaines (Fenton et al. 1994). Dans le sud de l’Ontario, il est possible d’observer des dépôts glaciaires d’une épaisseur variant de 200 à 260 m juxtaposés au Bouclier canadien et dans l’écorégion des Basses terres du lac Érié. Les territoires sur lesquels d’énormes quantités de matériaux glaciaires ont été déposées présentent des reliefs paysagers dont la diversité traduit celle des processus de mise en place de ces dépôts de surface. Les géomorphologues ont créé une typologie des dépôts de surface selon leur processus de mise en place, leur morphologie, la nature et la taille des matériaux qui les composent (tableau 2.1).

 

Table 2.1. Morphologie des principaux dépôts de surface et composition en matériaux

Type de dépôt Matériaux — composition et origine Morphologie
Till Le till est constitué de matériaux laissés directement par la glace, c’est-à-dire les ’argiles, les limons, les sables, les graviers et le bloc rocheux mélangés dans n’importe quelle proportion. Le gravier est réparti dans tout le matériel glaciaire. Le loam est la texture dominante des sols qui en dérivent. Les paysages de till sont souvent bosselés (en bosses et creux) ou vallonnés. On trouve souvent du gravier à la surface du sol.
Les graviers fluvio-glaciaires Les dépôts fluvio-glaciaires résultant du transport des matériaux par les cours d’eau glaciaire à débit rapide sont composés de strates distinctes de sable et de gravier. La morphologie résultante offre un paysage relativement plat ; les anciennes barres de rivières peuvent former des collines basses au sommet plat.
Les sables fluvio-glaciaires Les plaines inondables des anciens cours d’eau glaciaires et les deltas résultant du transport par un cours d’eau glaciaire de matériaux accumulés à l’embouchure d’un autre plan d’eau sont souvent composés de strates de sable distinctes (sable, sable loameux ou loam sableux). La granulométrie du sable varie de grossière à très fine. Ils présentent souvent une surface ondulée plutôt plane ; quelques pierres peuvent ressortir.
Les limons et les argiles glaciolacustres Les eaux calmes des lacs pro-glaciaires ont permis aux fins sédiments de limon et d’argile de se déposer successivement au fond. Chaque strate peut être composée de particules de limon (limon ou loam limoneux), de particules d’argile (argile lourde, argile ou loam argileux) ou être composée d’une strate alternant particules de limon et d’argile (appelées varves). Les paysages résultants sont plutôt plats où quelques collines ajoutent une touche de variété. La présence de pierres est très rare. Aux endroits où les lacs se sont formés sur le dessus des calottes glaciaires, les dépôts glaciaires révèlent un relief en bosses et creux.

Le Legs de l’Holocène

Au cours de l’Holocène, d’autres processus géomorphologiques sont venus transformer les paysages à certains endroits au Canada. Le vent, l’eau, la glace (alternance gel-dégel) et la gravité interviendront dans ces processus (tableau 2).

Table 2.2. Morphologie des principaux dépôts de surface postglaciaire sur le territoire canadien et composition en matériaux

Type de dépôt Matériaux — composition et origine Morphologie
Loess Couche de matériaux transportée et déposée par le vent. Qualifiée de dépôt éolien. Le lœss couvre de son manteau limoneux les dépôts glaciaires sous-jacents. Il produit des paysages très peu accidentés inspirant la douceur avec ses longues pentes lisses.
Sable de dune ou sable éolien Souvent les dépôts de sable fluvio-glaciaires ont été déposés dans des deltas ou sur des rives qui auront été ensuite remaniés par le vent au cours de l’Holocène. Les paysages mettent en scène un complexe de dunes, formant une série de petits reliefs ondulés. Les sols utilisés pour cultiver le bleuet sauvage au Lac Saint-Jean sont d'excellents exemples.
Dépôts fluviatiles ou alluvions L’écoulement d’eau à travers les cours d’eau actuels a transporté puis déposé des matériaux de sable, de limon et d’argile dans une plaine alluviale. Des paysages plats ou légèrement vallonnés qu’on ne peut observer que dans les zones de plaines alluviales en bordure des rivières.
Colluvions Dépôt mis en place au pied d’un versant ou d’un talus, soit par gravité ou l’action de l’eau. Dépôts associés aux pentes fortes.
Tourbe Dépôt de matière organique formé de débris végétaux qui se décomposent très lentement en raison des conditions du milieu réducteur (saturé en eau de façon permanente ou presque). Ces zones humides généralement sans relief sont occupées par des arbres, des arbustes ou des mousses.
Dépôts marins Dépôts littoraux marins mis en place par les vagues qui marquent les niveaux autrefois atteints par la mer. Ils ont émergé suite au phénomène de soulèvement isostatique de la croûte terrestre qui a suivi la déglaciation. Des crêtes de plage surélevées serpentent le long de ces surfaces planes.

Le vent

Le vent peut se révéler un agent géomorphologique important, en particulier dans le cas des dépôts lacustres et fluviatiles dominés par du limon et du sable. Immédiatement après la glaciation, le vent a balayé le limon de la surface des plaines d’épandage fluviatiles et lacustres pour les déposer (lœss) en aval de la zone source. Des dépôts de lœss sont retrouvés partout dans le monde ; ils sont souvent dédiés à l’agriculture. Toutefois, sur le territoire canadien, les dépôts de lœss d’origine postglaciaire se trouvent sur des superficies limitées — à l’exception d’une superficie suffisamment importante pour être identifiés sur la carte des matériaux d’origine du territoire canadien (sud-ouest de la Saskatchewan). Les caps de lœss de faible épaisseur (10 à 30 cm) sont très courants dans les paysages alpins et dans de nombreux paysages arctiques, mais présentent trop de discontinuité pour figurer sur la carte nationale.

Le vent a érodé et transporté des particules de sable depuis les deltas fluvioglaciaires et les plaines d’épandage fluviatiles jusque dans des zones où elles se sont déposées en dunes caractéristiques. Des processus de dépôts par le vent sont encore actifs dans certaines régions, comme la région des Great Sand Hills en Saskatchewan ou encore dans le Nord du Lac-Saint-Jean au Québec dans les anciennes forêts de pin gris où le bleuet sauvage est parfois mis en culture (série de sol L’Afrique). On rencontre aussi souvent des étendues de dunes sur les rives de lacs et des océans actuels partout au Canada.

L’eau

L’eau est également un important agent créateur de reliefs, notamment de plaines d’épandage, comme on peut l’observer un peu partout au Canada. Qu’il s’agisse du vent ou de l’eau, lorsque la vitesse de l’agent de transport diminue, les sédiments se déposent et ce, en fonction de leur taille. Ainsi, dans le cas du transport de sédiments par l’eau jusqu’à une plaine d’épandage, ce sont les particules de gravier qui se déposeront en premier suivies des particules de sable, puis de celles du limon et enfin de celles de l’argile. Souvent, les plaines d’épandage connaissent des épisodes d’inondation après lesquels d’autres sédiments se déposent : ces nouvelles couches sont appelées « couches cumuliques » (figure 2.3).

 

Figure 2,3. Dépôts de sable et de gravier cumulés dans une plaine d’épandage fluviale. © Dan Pennock, Univ. of Saskatchewan (Saskatchewan Center of Soil Research); figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Par ailleurs, on trouve au bas de pentes relativement abruptes des sédiments accumulés par simple gravité suite à leur transport par ruissellement diffus le long des pentes. Le processus de formation des colluvions porte le nom de « colluvionnement ». La texture des colluvions est très étroitement associée à la texture des dépôts de surface de l’ensemble des paysages environnants. Dans les régions montagneuses comme la Cordillère occidentale, les colluvions résultent principalement du transport de matériaux de till, de sorte que les colluvions sont de texture loameuse avec une forte pierrosité, soit un caractère très pierreux.

Enfin, l’une des plus grandes zones de sols dont le processus de genèse date de l’Holocène est l’écozone des Plaines hudsoniennes. Le processus aurait commencé après le retrait des eaux océaniques attribuable au soulèvement graduel de la surface terrestre qui a suivi la fonte des grandes calottes glaciaires continentales. Le retrait graduel de l’océan a entraîné la formation d’une succession de crêtes de plage qui marquent l’ancien littoral de la baie d’Hudson. Les lignes, souvent composées de matériaux sableux, rayonnent depuis la côte actuelle, délimitant différents stades du soulèvement isostatique par les rides formées.

Paléosols et changement climatique

Les paléosols (sols anciens) sont des sols qui se sont formés sous des régimes climatiques et d’une végétation très différente de ceux qui existent actuellement. Les propriétés des paléosols servent dans les études de reconstitution du climat passé et jouent donc en ce sens un rôle important dans les recherches portant sur les climats anciens.

Seules quelques régions du Canada n’ont pas été englacées, de sorte que les sols de ces régions non glaciaires portent la marque d’un processus de genèse qui s’est déroulé sur des périodes beaucoup plus longues que la plupart des processus de genèse des sols canadiens (Sanborn, 2016). On trouve d’ailleurs dans la région du centre ouest du Yukon, qui n’a pas subi la glaciation, des paléosols dont le développement contraste avec les sols des régions glaciaires voisines. Les paléosols sont souvent recouverts d’un dépôt de lœss ; le caractère mélangé des matériaux révèle le processus de gel-dégel qu’il s’est produit (figure 2.4) (Sanborn, 2016). Une autre région dotée de sols qui ne sont pas d’origine glaciaire concerne les Collines du Cyprès dans le sud-ouest de la Saskatchewan. Cette région n’a pas été couverte par les glaciers. Encore une fois, on retrouve des paléosols qui sont beaucoup plus développés que les sols adjacents et qui sont recouverts d’un dépôt de lœss (figure 2.5) (Sanborn, 2016).

 

Figure 2,4. Paléosol du Yukon. Les dépôts d’épandage fluvio-glaciaires sous-jacents au loess ont un horizon de sol rougeâtre riche en argile, signe que ce sol a été soumis au phénomène d’altération et que son processus de formation date de fort longtemps. Le sol formé à partir des matériaux transportés et déposés par le vent (loess) témoigne d’un processus de formation beaucoup plus récent et d’altération moindre. La lame de sable enfoncée verticalement dans l’épandage fluvioglaciaire apporte la preuve d’une action intense de gel sur une longue période. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Paul Sanborn. © Paul Sanborn, UNBC et mise à disposition selon les termes de CC BY (Attribution).
Figure 2,5. Paléosol des Collines du Cyprès (sud-ouest de la Saskatchewan). Dans le fond du profil, on observe une couche de conglomérat altéré, qui date de la période tertiaire préglaciaire, sur la surface de laquelle s’est formée une couche riche en argile. La couche au-dessus du conglomérat a été soumise à une action de gel intense (cryoturbation) pendant les périodes glaciaires, couche que le vent a ensuite couverte d’un loess au cours de la période de l’Holocène qui a suivi. Le sol en surface porte les caractéristiques d’un sol de prairie typique formé au cours des 11 000 dernières années. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de René Barendregt et de Paul Sanborn. © Rene Barendregt (Univ. of Lethbridge) and Paul Sanborn (UNBC); figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Des paléosols se trouvent également là où des sols avaient déjà commencé à se former en territoire canadien au cours de l’Holocène, mais qui se sont retrouvés enfouis étant donné le caractère encore très instable de la surface terrestre à cette période postglaciaire. Ces paléosols se trouvent enfouis sous des dépôts fluviatiles et éoliens partout au Canada. Il y en a aussi dans les colluvions (figure 2.6), en particulier dans les régions montagneuses où les matériaux s’accumulent par gravité au bas des pentes abruptes et dans les colluvions déposées en strates successives dans les paysages en relief des prairies.

 

Figure 2,6. Paléosol dans les colluvions, vallée de la rivière Highwood, Alberta. Le dépôt de cette terrasse fluviatile comprend à la fois des matériaux déposés par l’eau de la rivière et des matériaux déposés par gravité ou par ruissellement des eaux de surface provenant des versants environnants. Les dépôts de pente (ou colluvions) comprennent souvent des couches de matière organique. © Dan Pennock, Univ. of Saskatchewan (Saskatchewan Center of Soil Research); figure mise à disposition selon les termes de CC BY (Attribution).

Matière à réflexion !

Where’s the oldest soil in Canada?

The overwhelming majority of soils in Canada are (by global standards) very young since they have formed since the retreat of the great ice sheets began about 17,000 years ago. A few locations, however, emerged from the ice sheets much earlier than others and some points escaped glaciation altogether. The Yukon paleosol shown in Figure 2.4 formed on surfaces that were ice-free from about 200,000 years ago to the present day. The Cypress Hills paleosol in Figure 2.5 may be even older – these soils are found on a 300 km2 plateau in southwestern Saskatchewan and southeastern Alberta that was not overridden by glaciers at any point during the great ice ages. Some high-elevation buttes in southwestern Alberta also have very old soils – the soils and paleosols at Mokowan Butte in south-western Alberta have been extensively studied and the youngest soil here developed between 500,000 and 65,000 years old. The oldest paleosol at Mokowan Butte dates back to before 720,000 years ago. In his 2016 paper on the imprint of time on Canadian soils, Paul Sanborn notes that a large area in western and northern Yukon was never glaciated and presumably holds an array of very old soils but that most of the area remains to be explored by pedologists.

APERÇU DES PROCESSUS DE GENÈSE DES SOLS

La pédogénèse est l’étude de la genèse des sols et de leur classification.

Ces deux aspects de la pédogénèse sont étroitement liés puisque les différences que l’on observe entre les horizons d’un sol, d’un endroit à l’autre d’un champ, d’une région, d’un pays servent de critères à la détermination des groupes ou des classes. Ces différences entre les horizons résultent de l’action et des interactions des facteurs de l’environnement sur le processus de genèse des sols. Les facteurs environnementaux sont déterminants dans la formation des couches et des propriétés du sol. Les couches de sol constituent des étages de matériel parallèles (ou non) à la surface et qui se succèdent jusqu’en profondeur. Ces couches se distinguent physiquement par plusieurs propriétés (texture, couleur, structure, etc) ou chimiques (par ex. pH) permettant la classification des sols. Leur répartition le long d’une coupe de sol est tout sauf aléatoire — ils sont modulés par les facteurs environnement. La classification des sols canadiens est traitée au chapitre 8.

Cela a été mentionné l’a maintes reprises jusqu’ici, un sol commence à se former dès que des matériaux de nature minérale se retrouvent à la surface de la Terre ; ils deviennent aussitôt soumis à la météorisation où divers processus, autant de nature physique, chimique que biologique, prennent part à la formation du sol. Au début, les matériaux ne montrent guère de signes d’altération. Mais sur une période suffisamment longue, les agents physiques, chimiques et biologiques finissent par modifier considérablement la nature des matériaux d’origine. Dans certains cas, les minéraux eux-mêmes subissent des modifications physico-chimiques, mais dans presque tous les cas, c’est l’organisation physique (ou la structure) des matériaux — autant de nature minérale qu’organique — qui se trouve modifiée par les agents de genèse des sols. De nouvelles unités structurales sont créées, allant des petits granules à de gros agrégats de matière entre lesquelles l’air et de l’eau pourront circuler (voir chap. 4).

Dans la plupart des sols canadiens, des couches horizontales se développent parallèlement à la surface du sol (figure 2.7). À ces couches distinctes sont associées des processus tout aussi distincts ; les pédologues appellent ces couches « horizons ». L’ensemble des horizons d’un sol qu’observent les pédologues le long d’une coupe verticale est appelé le « profil de sol » (ou profil pédologique). Les horizons les plus faciles à différencier sont ceux dont les couleurs sont contrastées. Ces différences témoignent de l’action de processus de genèse spécifiques à l’horizon. Dans certains cas, les différences observables entre les horizons sont plus difficiles à détecter. Dans certains sols canadiens, les agents de formation du sol ont eu pour effet de créer un mélange indifférencié de matière plutôt que des horizons distincts. Mais le phénomène ne s’est que rarement produit. Comme il est décrit dans le chapitre 8, chaque horizon se voit attribuer un code à lettres correspondant à l’une ou l’autre de ses caractéristiques dans les systèmes de classification des sols comme celui du Système canadien.

 

Figure 2,7. Exemple d’horizons de sol le long d’un versant de colline dans le sud de la Saskatchewan. On peut observer que le nombre d’horizons augmente ainsi que leur épaisseur suivant la pente descendante, parallèlement à l’augmentation de l’humidité dans le sol. © Don Acton (Saskatchewan Center of Soil Research); figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Quatre grands groupes de mécanismes d’actions définissent les processus de genèse des sols : les apports, les pertes, les transferts et les transformations (figures 2.8 et 2.9). Le projet Virtual Soil Processes (Krzic et al. 2008) présente une excellente vidéo sur les processus de genèse des sols.

Les apports

Les premières colonies de microorganismes apportent du carbone et de l’azote à la surface d’un sol en développement. À mesure que les plantes commencent à coloniser un site, de la matière organique commence à s’accumuler à la surface du sol (feuilles et branches qui tombent par terre) et dans la partie supérieure du sol (matière organique provenant des racines et des organismes du sol de toutes tailles). Les apports d’eau (qui comprennent les ions et tous les composés chimiques dissous que l’on appelle « solutés ») proviennent des précipitations tombées à la surface du sol, de l’écoulement latéral dans le sol et de l’écoulement des eaux souterraines qui remontent vers la surface (figure 2.8). Enfin, l’arrivée, à la surface du sol, de particules érodées par l’eau, le vent ou résultant du travail du sol fait partie des apports de matières.

 

Figure 2,8.  Apports et pertes dans un sol (représentation schématisée). © Dan Pennock, Univ. de Saskatchewan ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Les pertes

Une fraction importante de la matière organique ajoutée aux sols est perdue sous forme de gaz (en particulier le dioxyde de carbone [CO2]) dans l’atmosphère au cours du processus de décomposition par les organismes du sol (figure 2.8). Il y a aussi l’eau avec ses ions et minéraux en solution (soluté) qui percole dans le sol jusqu’aux eaux souterraines. Ce processus d’écoulement de l’eau et des substances solubles à travers le sol est appelé « lessivage » ou « lixiviation ». En plus des substances solubles, de la matière organique très fine peut être lessivée du haut jusqu’à la base (substratum) du sol. Enfin, des particules de sol se font emporter par le vent, l’eau et lors des activités de travail mécanique des sols agricoles.

Les transferts

Les transferts sont des processus qui se produisent à l’intérieur du sol plutôt qu’entre le sol et le milieu environnant (figure 2.9). Dans l’étude de la genèse du sol, il importe de distinguer les processus qui font qu’un horizon « perd » ou « gagne » de la matière du processus. Le premier processus (perte de matières) décrit le phénomène dit d’«éluviation ». Les pédologues l’ont défini comme étant le phénomène de lixiviation de matières d’un horizon de sol, entraînant son appauvrissement. Le second processus (« gain » de matières) décrit le phénomène dit d’« illuviation », soit celui qui décrit l’accumulation ou l’enrichissement des matières provenant de l’horizon lessivé du dessus.

 

Figure 2,9.  Transferts et transformations se produisant dans un sol (représentation schématisée). © Dan Pennock, Univ. de Saskatchewan ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

C’est l’eau du sol, en percolant à travers le profil, qui se trouve aussi à y transférer les solutés et les particules solides. De fines particules d’argile peuvent être par exemple entraînées depuis un horizon supérieur jusque dans l’horizon le plus profond du sol. Dans certains sols, des composés complexes formés de fer, d’aluminium et de matière organique peuvent aussi être entraînés plus profondément dans le sol et finissent par se déposer. L’eau qui s’écoule verticalement ou latéralement depuis les horizons de surface peut aussi entraîner avec elle des ions échappés des minéraux. Deux processus sont ici intervenus : transformation (libération d’un ion) et transfert (transport d’un ion). Certains ions quitteront le sol par lixiviation (processus de pertes), d’autres réagiront un peu plus bas dans le profil du sol avec des minéraux avec qui ils en formeront des nouveaux (dits « minéraux secondaires »).

Le phénomène de mélange (aussi appelé « turbation ») fait partie des processus de transferts effectués autant par des agents biologiques que physiques. Les nombreux organismes vivant dans le sol, depuis les vers de terre jusqu’aux mammifères, déplacent les particules de sol d’un endroit à l’autre, tout comme un arbre déraciné par le vent ou qui tombe de lui-même (figure 2.10). Des processus physiques tels que le rétrécissement et le gonflement des minéraux argileux de même que les cycles de gel et de dégel (cryoturbation) se produisant dans presque tous les sols canadiens ont aussi pour effet de mélanger les particules de sol.

 

Figure 2,10.  Exemple de turbation causée par un renversement d’arbres. © Saskatchewan Center of Soil Research; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Les transformations

Les processus de transformation de la matière minérale et organique qui ont lieu dans le sol jouent autant un rôle dans la genèse du sol lui-même que dans l’approvisionnement des éléments nutritifs jusqu’aux plantes. Le phénomène de météorisation décrit un autre processus de transformation ; d’une part il y a des minéraux qui libèrent des ions, d’autre part il y a des minéraux dont la forme initiale se transforme pour former un nouveau minéral (néoformé). La météorisation peut résulter de processus physiques, tels que les alternances de gel et de dégel des sols ou de processus chimiques, tels que le démontrent les exemples ci-dessous.

Par ailleurs, les micro et macroorganismes transforment la matière organique non altérée en une gamme de nouveaux produits divers appelés « produits de décomposition » (voir chap. 3 Matière organique du sol). Dans les sols bien drainés (c.-à-d. avec des pores remplis d’air), la décomposition favorise la cération de composés organiques complexes, très transformés et très réactifs, qui forment un tout appelé « humus ». Dans les sols mal drainés (c.-à-d. avec des pores souvent remplis d’eau), la décomposition de la matière organique est ralentie, voire absente, ce qui fait qu’elle s’accumule par couches pour former un tout appelé « tourbe ».

LA MÉTÉORISATION

La météorisation est un terme générique qui englobe à la fois les modifications, pouvant aller jusqu’à la destruction, que subissent les minéraux à la suite d’attaques soit par un phénomène physique (mécanique de désagrégation) ou par un phénomène chimique.

La météorisation physique dans les sols canadiens est limitée en raison de leur formation relativement récente et de la taille de leurs particules minérales qui découlent directement des matériaux d’origine.

L’agent principal de la météorisation chimique dans les sols canadiens est l’eau. Elle contient des ions hydrogène (H+) qui attaquent et ouvrent la structure cristalline des minéraux au contact de ceux-ci. Ce phénomène est connu sous le nom d’hydrolyse. La petite taille de l’ion hydrogène lui permet de pénétrer dans la structure cristalline et d’y déplacer des cations (ions chargés positivement) beaucoup plus gros que lui. Généralement, moins la charge ionique du cation (valence) est importante, plus il est facilement expulsé de la structure cristalline.  Ainsi, le sodium (Na+) et le potassium (K+) sont plus facilement expulsés que, dans l’ordre décroissant, les ions divalents (Ca2+, Mg2+, Fe2+), les ions trivalents (Fe3+, Al3+) et enfin le Si4+ (tableau 2.3). Les sols tropicaux très altérés sont dominés par le fer et l’aluminium ; c’est le fer qui leur donne cette couleur rouge foncé.

Table 2.3. Composition moyenne de roches ignées et de leur degré d’altération dans trois sols forestiers formés sous trois climats différents : tempéré, sub-tropical et tropical. Les valeurs sont en pourcentage. Adapté de HL Bohn et coll. (1979). Chimie du sol. John Wiley et Fils, New York.

Élément oches ignées Sols de climat tempéré Sols de climat sub-tropical Sols de climat tropical
Forested soil Forested soil Forested soil
SiO2 60 77 80 26
Al2O3 16 13 13 49
Fe2O3 7 4 5 20
TiO2 1 0.6 1 3
MnO 0.1 0.2 0.3 0.4
CaO 5 2 0.2 0.3
MgO 4 1 0.1 0.7
K2O 3 2 0.6 0.1
Na2O 4 1 0.2 0.3
P2O5 0.3 0.2 0.2 0.4
SO3 0.1 0.1 0.1 0.3

La principale source d’ions hydrogène provient de la réaction entre le dioxyde de carbone gazeux (CO2) et l’eau (H2O) qui produit l’acide carbonique (H2CO3), lequel s’ionise pour former du bicarbonate (HCO3) et des ions hydrogène (voir détails dans Pennock et al. 2010). Des ions hydrogène se trouvent également libérés par divers acides organiques qui se forment lors de la décomposition de la matière organique. Voir le chapitre 5 pour obtenir plus d’information sur les réactions du sol et sur le pH.

Les ions hydrogène agissent sur les minéraux selon leurs différentes classes. Les minéraux silicatés (silicates) représentent la plus importante fraction minérale des dépôts dérivés de roches ignées. Or, la structure élémentaire des minéraux silicatés est formée d’un cation de silicium (Si) entouré de quatre anions d’oxygène (O) (voir chap. 5 section sur les minéraux argileux). Les silicates se distinguent ensuite par l’inclusion d’autres ions qui s’ajoutent à la structure élémentaire silice-oxygène (dite « tétraédrique »). Les phyllosilicates constituent une classe importante de silicates ; ils se sont formés dans la zone proche de la croûte terrestre à des pressions et à des températures beaucoup moins élevées que dans le cas des autres minéraux silicatés. Cette classe est aussi appelée « minéraux argileux », ce qui est quelque peu regrettable puisque ce terme porte à confusion avec le terme « argile » qui définit communément la taille de particules minérales du sol.

La structure cristalline d’un silicate doté de cations très mobiles (p. ex. Na+ et K+) s’effondre dès que ces derniers se déplacent ; s’ensuit la désintégration du silicate lui-même. À l’autre extrême de composition des silicates tétraédriques, on trouve les tectosilicates qui comprennent le quartz, un minéral composé uniquement de silice et d’oxygène. Cette composition fait de lui le minéral silicaté le plus résistant à la météorisation, de sorte que les paysages dans le monde qui ont été soumis à une très forte et longue désagrégation ne soient désormais composés que de minéraux de quartz de la taille du sable (Paton et al. 1996). Le phénomène météorisation des minéraux argileux se produit principalement dans l’horizon de surface lessivé des sols podzoliques acides du Canada (Kodama, 1979).

Les dépôts de surface formés de roches sédimentaires contiennent beaucoup de carbonates, de sels solubles et de minéraux silicatés. Les carbonates appartiennent à la grande classe des minéraux non silicatés. Au Canada, les plus importants dépôts de roches sédimentaires riches en carbonates et en sels solubles formés par précipitation d’ions reposent dans les mers et les lacs anciens. Comparativement aux minéraux silicatés, les minéraux carbonatés et les sels sont très solubles (c.-à-d. qu’ils se dissolvent facilement dans l’eau), d’où leur grande vulnérabilité aux processus de météorisation qui prennent place dans le sol.

Dans la classe des minéraux non silicatés, on trouve les oxydes d’aluminium et de fer. La plupart des oxydes métalliques sont des produits de la météorisation des silicates ignés primaires ; ils sont dominants dans les sols fortement altérés, tels que ceux des régions subtropicales et tropicales. Étant donné le caractère récent de presque tous les sols canadiens (récents à l’échelle géologique), les oxydes de fer et d’aluminium sont moins communs dans les sols canadiens, mais les couleurs que ces deux oxydes métalliques donnent aux sols forestiers acides et aux sols saturés d’eau ne passent pas inaperçues.

Le devenir des cations libérés par la météorisation des minéraux est multiple : ils peuvent se faire absorber par les plantes, se faire déplacer verticalement et latéralement par l’eau du sol ou entrer en réaction avec d’autres ions pour former de nouveaux minéraux. Les cations de valence faible, tels que le sodium (Na+) sont plus facilement libérés par les processus de météorisation et sont vraisemblablement les plus susceptibles de rester en solution et de ne pas réagir avec les autres constituants du sol, donc d’être éliminés du sol par lixiviation. Dans la partie supérieure du sol, la météorisation a pour effet de libérer des cations tels que le calcium (Ca2+) et le magnésium (Mg2+), mais ils sont récupérés par des minéraux carbonatés avec qui ils forment de nouveaux minéraux carbonatés plus bas dans le profil de sol. Les ions de valence élevée (Fe3+, et Al3+) sont les plus susceptibles de rester en place et de former de nouveaux minéraux avec d’autres constituants du sol. Ces minéraux secondaires dominent les vieux sols fortement altérés que l’on trouve à l’extérieur du Canada (Tropiques, par exemple).

Rôle de l’eau et des organismes dans la transformation chimique des matériaux du sol

L’acide carbonique (un moteur important de l’hydrolyse dans les sols) est le produit de la réaction initiale entre l’eau et le CO2. De manière générale, il est possible d’affirmer que plus il y a présence d’eau et de CO2, plus il y aura de météorisation chimique des minéraux du sol par hydrolyse. Les plantes et les organismes qui vivent dans le sol respirent et contribuent ainsi à l’hydrolyse en augmentant la concentration de CO2 dans l’horizon superficiel de 10 à 100 fois les concentrations trouvées dans l’atmosphère. Ceci a aussi pour effet de faire augmenter l’acidité dans cet horizon étant donné la formation de H2CO3. De manière générale, la météorisation des minéraux augmentera là où il y aura une grande disponibilité en eau et en CO2 — dans la forêt côtière fluviale de la Colombie-Britannique, par exemple. Dans les conditions limitées d’eau et de CO2, comme dans les sols très secs et très froids de l’Arctique, peu d’hydrolyse se produit.

Les organismes accélèrent également la météorisation par le processus de chélation où certaines molécules organiques issues de la décomposition de la matière organique forment des complexes avec des cations (en particulier avec des ions relativement immobiles tels que Fe3+ et Al3+) formant la structure cristalline des minéraux. Les complexes organométalliques qui se forment sont ensuite déplacés verticalement avec les eaux de percolation. Du fait des nouvelles conditions chimiques plus bas dans le profil de sol, ces complexes finissent par perdre de la mobilité et se déposent. Par exemple, les lichens, ces premiers colonisateurs de la surface du sol, favorisent la formation de complexes organométalliques en produisant des exsudats acides.

PRINCIPAUX PROCESSUS DE GENÈSE DES SOLS AU CANADA

Comme il a déjà été mentionné, le relief des paysages et les matériaux d’origine à partir desquels se sont formés les sols en territoire canadien résultent en grande partie des processus géomorphologiques glaciaires et postglaciaires. Ces matériaux d’origine ont ensuite subi des transformations à partir de processus de météorisation, lesquels sont étroitement liés à la présence d’organismes et à la disponibilité en eau.

Bien que la disponibilité en eau du sol et la présence d’organismes soient parmi les principaux agents de météorisation des minéraux du sol à l’échelle du territoire canadien, le degré d’intensité de ce phénomène dépend beaucoup de la température. Or, avec les variations de température en hiver, les alternances de gel et de dégel produiront plutôt un effet d’altération mécanique sur les sols, ajoutant un joueur important dans le processus de genèse des sols en terre canadienne. Là où la météorisation mécanique par les cycles de gel et de dégel est le plus actif est sans contredit dans les écozones de la Taïga et de l’Arctique du Nord canadien. Dans les régions canadiennes tempérées, la température influence le niveau d’intensité de la météorisation. Par exemple, la vitesse à laquelle les microorganismes du sol décomposent la matière organique et la nature des produits de décomposition dépendent de la température des sols. Ces produits jouent un rôle important dans la différenciation des horizons des sols forestiers.

À l’échelle du territoire canadien, il existe de très grandes superficies caractérisées par des régimes hydrique et thermique particuliers qui ont donné lieu à la formation de grandes unités écologiques caractérisées par un assemblage distinct en termes de climat, de faune et de flore. Ces unités portent le nom d’écozones (figure 2.11). Les sols de ces écozones se sont formés selon les caractéristiques propres à chacune d’elle, de sorte que l’évolution des sols s’est faite selon différentes directions. Les écozones des forêts, des prairies et de la toundra présentent ainsi des horizons de surface distincts, lesquels sont issus des interactions entre la végétation de ces écozones et l’immense gamme d’organismes qui vivent dans le sol.

 

Figure 2,11. Écozones du Canada. © Darrel Cerkowniak ; adaptée de Smith et coll. (2011) et mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Les sols forestiers

Dans les biomes forestiers, la très grande majorité de la matière organique fraîche retrouvée à la surface du sol est composée de feuilles, de brindilles et de branches mortes, si ce n’est d’arbres morts. Cette matière organique nouvellement tombée ne tardera pas à se décomposer de par l’importante activité des organismes du sol, depuis les petits animaux jusqu’aux microorganismes. Une telle activité biologique aura pour effet de créer une surface de sol caractérisée par de la matière organique fraîche en surface, mais de plus en plus décomposée à mesure que l’on se rapproche de l’intersection avec le sol minéral. Cette couche de matière organique est appelée « couverture morte » (forest floor en anglais). Elle désigne toute la fraction de matière organique à la surface du sol, fortement, moyennement, faiblement ou peu (pas) transformée. En plus de la nature et de l’intensité de l’activité biologique, d’autres facteurs comme la composition d’origine de la matière organique, de la disponibilité en eau et de la température sont importants pour bien expliquer les taux de décomposition de la matière organique.

Dans la plupart des biomes forestiers en territoire canadien, la couverture morte ne s’incorpore pas au sol minéral sous-jacent, ce qui crée une frontière nette entre les deux. Ces horizons ne se mélangent pas parce qu’il n’y a pas ou peu de présence d‘organismes fouisseurs, comme les vers de terre et les petits mammifères, capables de faire passer la matière organique d’un horizon à l’autre. Les vers de terre furent éradiqués du nord de l’Amérique du Nord par la dernière glaciation. Depuis, ils recolonisent très lentement les sols des régions méridionales du Canada. Par ailleurs, les petits mammifères qui vivent une partie de leur vie dans le sol fréquentent très peu les milieux forestiers (Zaitlin et Hayashi, 2012). Dans les régions méridionales du Canada (comme le sud de l’Ontario et du Québec) où l’on trouve des vers de terre dans les sols forestiers, on trouve aussi le fruit de leur activité, soit de la matière organique incorporée à la matrice du premier horizon minéral. Ce mélange organominéral donne lieu à un « mull » (figure 2.12). Toutefois, là où les vers de terre sont absents, la matière organique en surface demeure distincte de la matrice minérale plus basse. La couche de matière organique du dessus est appelée « mor » (figure 2.13). Le moder forme une couche de matière organique intermédiaire entre le mor et le mull. Ce sont surtout de petits invertébrés, comme les arthropodes, qui déplacent des matières organiques et minérales de haut en bas de ces deux couches supérieures. On trouve une excellente description des trois types d’humus forestier (mor, moder, mull) sur le site  Virtual Soil Science Learning Resources forest floor website.

 

Figure 2,12.  Horizon mull dans un sol forestier sablonneux. L’horizon minéral de surface est constitué de matière organique intimement mélangée à du sable (matière minérale). © Darwin Anderson (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution)e.
Figure 2,13.  Horizon mor dans un sol forestier loameux. On distingue bien la couche de matière organique à la surface de la couche minérale grisâtre sous-jacente, distinction qui montre bien l’absence de mélange. © Darwin Anderson (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Processus de météorisation dans les matériaux d’origine ignés

La nature des matériaux d’origine (c.-à-d. les dépôts dérivés de roches ignées par rapport aux dépôts dérivés de roches sédimentaires) figure au rang des facteurs les plus déterminants sur les processus de genèse des sols forestiers. Les dépôts glaciaires dérivés de roches ignées sont composés principalement de sable quartzeux avec absence totale de minéraux silicatés sableux, sels et carbonates. De ce fait, les sols qui en découlent possèdent une faible capacité inhérente à neutraliser les ions hydrogène dans la solution de sol. Les teneurs élevées en ions hydrogène (ou acidité) augmentent avec la production d’acides organiques résultant de la décomposition de la matière organique.

La réaction entre les acides de la solution du sol et les matériaux de surface sableux ont mené à une genèse caractéristique de ce sol (figure 2.14). À la première étape du processus, les acides réagissent avec le fer contenu dans les minéraux pour former une mince couche rougeâtre ou rouge-brun qui enrobe les grains de sable demeurés inaltérés (Paton et coll. 1996. p. 125). Toute la partie supérieure du profil se colore de ce rouge avec le temps. À la deuxième étape, la décomposition de la matière organique crée des molécules organiques qui forment des complexes avec le fer qui enrobent les grains de sable. Ce composé emporté vers le bas du profil fera perdre à cette partie supérieure du sol sa couleur rougeâtre. Elle prendra alors une couleur blanchâtre, délavée et semblable à de la cendre.

 

Figure 2,14.  Processus de genèse d’un sol dérivé de matériaux d’origine acide et de granulométrie grossière. L’image de gauche (A) montre un profil de sol dont les matériaux d’origine ont été peu altérés ; une mince couche de matière organique tapisse la surface. L’image du milieu (B) montre un profil de sol qui superpose, du haut vers le bas : couche de matière organique, couche minérale blanchâtre mince, couche minérale rougeâtre, couche minérale jaune orangé de transition et couche minérale des matériaux d’origine. L’image de droite (C) montre également les couches superposées du profil d’un autre sol : couche de matière organique, épaisse couche blanchâtre délavée, puis couche rouge-orange foncée qui va en pâlissant vers le bas, constituée de fer et de matière organique. © Image A: Roly St. Arnaud (Saskatchewan Center of Soil Research); Image B: Saskatchewan Center of Soil Research; Image C: Ken Van Rees (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

À la troisième étape, le processus de genèse du sol compte sur la migration des complexes ferro-organiques plus profondément dans le sol. Ils forment alors un concentré de fer et de molécules organiques (et, dans une moindre mesure, d’aluminium) qui se déposera graduellement le long du profil. Ce concentré aux couleurs noirâtre/rougeâtre est très contrastée avec la couche (horizon) délavée du dessus (figure 2.14). Ce processus de formation de complexes organominéraux en surface, lesquels migrent à une certaine profondeur avant de s’immobiliser (précipiter) est appelé podzolisation (Sanborn et al. 2010, p. 857-866). L’horizon duquel le fer s’est libéré des grains de sable est qualifié d’« éluvié » ; le phénomène d’éluviation décrit la migration verticale ou oblique de toute matière en suspension ou dissoute, ce qui entraîne la formation d’un horizon appauvri en minéraux silicatés et enrichi en quartz. L’horizon sous-jacent se trouve à s’enrichir des matières migrées de l’horizon du dessus ; c’est le phénomène d’«illuviation ».

Processus de météorisation dans les matériaux d’origine sédimentaires

La genèse des sols dérivés de roches sédimentaires révèle une tout autre séquence de processus. Ces roches sédimentaires, riches en carbonates, tels que le carbonate de calcium (CaCO3) donnent lieu à la formation de sols à texture loameuse (c.-à-d. d’une granulométrie constituée de sable, de limon et d’argile). À la première étape du processus, il y a perte de calcium dans l’horizon supérieur du sol. Les minéraux carbonatés présents dans tout le profil réussissent à neutraliser (ou tamponner) les acides produits par la décomposition de la matière organique. Ce processus de neutralisation entraîne la désagrégation progressive des minéraux carbonatés si bien qu’une couche de matériaux totalement dépourvue de carbonates finit par se former à la surface du sol puis s’épaissir avec le temps. Les ions calcium libérés par l’altération des minéraux carbonatés sont transportés en profondeur dans le profil du sol où ils reforment de nouveaux minéraux de carbonate de calcium (figure 2.15). Le phénomène de perte de calcium de l’horizon supérieur du sol est appelé «décalcification » et le gain de carbonate de calcium en profondeur est appelé «calcification ».

 

Figure 2,15.  Carbonate de calcium déposé le long du réseau de pores créés par les racines dans un sol forestier développé sur du till. Les minéraux carbonatés à la surface du sol sont dissous et précipitent de nouveau plus profondément dans le profil. © Dan Pennock, Univ. de Saskatchewan (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

La perte de carbonate de calcium de l’horizon de surface du sol a pour effet d’acidifier le milieu, milieu qui favorise la libération de particules d’argile dans la solution de sol et leur migration jusqu’à la couche sous-jacente, où elles se déposent. Ce processus d’entraînement de particules d’argile (appelé « lessivage ») crée des horizons aux textures contrastées — une teneur en argile plus faible dans l’horizon éluvié, plus haut, et une teneur en argile plus élevée dans l’horizon illuvié, plus bas (figure 2.16) (Lavkulich et Arocena, 2011). Ce contraste de texture entre deux horizons d’un sol qui s’est formé sur des dépôts d’origine glaciaire ou tout au cours de la période holocène peuvent aussi exister, par exemple, dans un dépôt éolien de texture limoneuse qui s’est accumulé sur un dépôt de till de texture loameuse. Les pédologues appellent ces horizons stratifiés dont les matériaux proviennent de deux origines différentes des « discontinuités lithologiques». Il n’existe pas de méthode terrain qui permette de déterminer si les contrastes observés entre les horizons sont d’origine pédologique (lessivage) ou (ou de matériaux géologiques différents), car le lessivage peut aussi être présent dans le cas des discontinuités lithologiques.

 

Figure 2,16.  Sol forestier caractérisé par des horizons de texture contrastée. L’horizon minéral du haut contient beaucoup moins de particules d’argile que l’horizon du bas. Ce dernier montre aussi une structure très développée. © Roly St. Arnaud (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Des étangs et des zones humides se forment dans de nombreux endroits en milieu forestier. Le processus de formation de ces milieux humides diffère grandement de celui des sols de milieux bien drainés présentés ci-dessus. Ci-dessous, vous trouverez une section consacrée aux sols des milieux humides.

Les sols des milieux humides

La présence de terres humides est assez commune dans le territoire canadien (figure 2.17). Le Canada possède environ 25 % des terres humides du monde. Les Plaines hudsoniennes à elles seules en représentent une grande partie. On observe aussi de grandes étendues de terres humides entre les plaines de l’Ouest canadien et le Bouclier canadien — de nombreuses rivières qui coulent vers le nord des plaines ont été incapables d’éroder la roche ignée du Bouclier en bordure des étangs. Des milieux humides sont trouvés dans presque tous les paysages du territoire canadien où l’inégalité du relief régional a favorisé leur développement.

 

Figure 2,17. Étendue des terres humides au Canada. © Environnement et Changement climatique Canada ; reproduite avec l’aimable autorisation d’Environnement et Changement climatique Canada et de la licence du gouvernement ouvert Canada. https://ouvert.canada.ca/fr/licence-du-gouvernement-ouvert-canada

La présence de périodes prolongées de saturation en eau dans le profil du sol modifie fondamentalement le processus de décomposition de la matière organique et d’altération des minéraux (Bedard-Haughn, 2011, p. 768-773). La matière organique est décomposée par les microorganismes qui s’en nourrissent et en tirent leur énergie. L’énergie qui est libérée sous forme d’électrons lors de la décomposition doit être remplacée par d’autres ions ou composés organiques, sinon la décomposition ne peut se poursuivre. Dans un sol dont les espaces interstitiels (pores) sont occupés par l’air (conditions aérobies), c’est l’oxygène qui agit d’accepteur d’électrons ; la décomposition peut ainsi se poursuivre jusqu’à ce qu’il ne reste que des composés organiques très résistants. Lorsque l’eau déplace l’oxygène dans l’espace interstitiel (conditions appelées conditions «anaérobies »), d’autres accepteurs d’électrons entrent en jeu. Sous de telles conditions, l’accepteur d’électrons le plus commun est le fer (Fe). Dans un sol en condition d’aérobie, le Fe se présente sous forme de Fe3+ ; on reconnaît sa présence par sa couleur rougeâtre. Dans les sols en condition d’anaérobie, l’ion Fe3+ accepte un électron et sa charge est réduite à Fe2+. Cette forme de fer est labile, ce qui lui permet de migrer dans les horizons inférieurs du sol, lequel prend une couleur d’un gris bleuâtre terne. Si ce sol retrouve des conditions d’aérobie après évacuation de l’eau du profil, une partie du Fe2+ peut se réoxyder (perte d’un électron), refaisant apparaître la couleur rougeâtre par endroits, donnant au profil global du sol une apparence marbrée (figure 2.18). Les processus associés à ces transformations chimiques sont appelés processus « redox » (d’oxydoréduction) et, en science du sol, ils sont associés à la « gleyification ». Consultez le chapitre 5 du manuel pour en savoir plus sur les processus d’oxydoréduction (redox).

 

Figure 2,18.  Gleyification. La partie médiane du profil du sol montre la présence de marbrures de couleurs grisâtre et rougeâtre sur un fond à dominance rougeâtre (Fe3+, oxydé). Au fond du profil à 1 m, la nappe phréatique miroite. © Darwin Anderson (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Dans les sols où les conditions de saturation persistent, les accepteurs d’électrons finissent par s’épuiser, mettant ainsi fin à la décomposition de la matière organique. C’est alors que la matière organique en grande partie non décomposée à la surface du sol minéral (appelée «tourbe ») s’accumule, donnant une couche qui peut atteindre plusieurs mètres d’épaisseur (Tarnocai, 1990 ; Kroetsch et al. 2011, p. 814-816) (figure 2.19). La lenteur du processus de décomposition et les conditions anaérobies ont pour effet de produire du méthane (CH4), un important gaz à effet de serre. Souvent, cette couche de matière organique suit un gradient de décomposition progressif à mesure que l’on se rapproche de l’horizon minéral sous-jacent ; couche supérieure constituée de matière contenant de grandes quantités de fibres peu décomposées dont l’origine botanique est facilement reconnaissable (dite fibrique) ; couche intermédiaire constituée de matière partiellement décomposée (dite mésique) ; couche de matière très décomposée contenant peu de fibres végétales (dite humique). Dans certains cas, la matière organique partiellement décomposée, dans laquelle les restes des plantes ne sont pas discernables, se forme dans des conditions humides anaérobies puis se mélange avec des particules minérales. Ce phénomène crée les terres tourbeuses.

 

Figure 2,19.  Dépôt de tourbe. On voit bien le gradient de décomposition de la matière organique tout au long du profil, de la couche fibrique en surface à la couche humique plus en profondeur. © Saskatchewan Center of Soil Research; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Au nord du Canada, l’accumulation de matière organique est très courante. Elle résulte d’une forte augmentation de la teneur en eau du sol en raison du taux d’évapotranspiration qui diminue progressivement par la transition d’une végétation arborescente à une végétation mieux adaptée aux conditions plus humides. Ce phénomène de conversion des forêts en milieux humides est tout à fait naturel. Ce sont surtout des mousses du genre Sphagnum qui contribuent à faire disparaître lentement la végétation arborescente des paysages. Ce processus de développement d’un sol organique est appelé «paludification ».

Dans les endroits plus au sud du territoire canadien (comme dans les écozones des Prairies et des Plaines à forêts mixtes), les températures sont plus élevées qu’au nord. Ces conditions favorisent la décomposition de la matière organique, l’empêchant de s’accumuler en couches épaisses. Les zones humides de ces écozones sont caractérisées par des sols minéraux de couleur terne, parsemés de marbrures, révélatrices du phénomène de gleyification.

Avec ses 3 000 à 4 000 mm de précipitation par année, la forêt pluviale côtière de l’écozone Maritime du Pacifique en Colombie-Britannique offre aussi des conditions d’humidité favorables à la formation d’épais dépôts de matière organique. En effet, la forêt fluviale côtière est productive et produit ainsi de grandes quantités de matière organique. Comme les quantités élevées de précipitations et les conditions humides se trouvent à retarder la décomposition, un important tapis de matière organique dérivée des arbres — feuilles, branches, brindilles (appelées matières « foliques ») — peut se développer (Fox et Tarnocai, 2011, p. 828-234). Au Québec, le phénomène de paludification est également bien présent au Nord de l’Abitibi, où la forêt boréale pousse sur des sols argileux mal drainés et donc très souvent saturés en eau. Les couches foliques se forment aussi là où les feux de forêt n’interviennent que très rarement (ex. de petites iles de lac isolées des feux majeurs).

Les sols de la toundra et de la Cordillère arctique

Sous le climat froid de l’Arctique canadien, les processus de genèse des sols, qu’il s’agisse de la décomposition de la matière organique ou de transformation de la matrice minérale, sont actifs mais au ralenti en raison des températures annuelles très basses et de la courte période sans gel. Les sols sont appelés « pergélisols ». La profondeur de ceux-ci est variable et leur température a été inférieure à 0 °C pendant au moins quelques années en continu. Ils sont constitués de roches et/ou de particules plus fines. Toute l’eau contenue dans ces sols est normalement gelée. La présence de glace entraîne un phénomène unique de genèse du sol, c’est-à-dire la «cryoturbation ».

Le principal processus cryogénique affectant les propriétés du sol est le développement de lentilles de glace dans le sol (Tarnocai et Bockheim, 2011, p. 750-757). Lorsque des ondes de glace se créent, elles attirent l’eau du sol le long d’un gradient thermique jusqu’au sous-sol gelé. Le développement de lentilles (ou fentes) de glace a pour effet de mélanger les matrices minérales et organiques du sol (figure 2.20). Ce mélange est le plus important là où les alternances de gel-dégel sont les plus actives, soit dans la couche superficielle du sol, d’où son nom de « couche active». La pression exercée par la glace se trouve à redistribuer les matériaux selon des formes géométriques caractéristiques, telles que des cercles et des polygones de pierres, des buttes (hummocks) et des polygones de toundra. En effet, lors des périodes de gel, le volume de l’eau du sol augmente lorsqu’elle se solidifie en glace, produisant ainsi une force pouvant déplacer les matériaux. Ce sont ces déplacements qui sont à l’origine de la genèse des sols dits « structurés », caractérisés par un tri des particules selon leur taille. Les effets de la turbation (modification de la disposition primaire des matériaux meubles) se font davantage sentir sur des matrices de textures loameuses à fines. Les effets de turbation sont beaucoup moins marqués sur des sols de texture grossière (sables et graviers), même s’ils reposent sur une couche de pergélisol.

 

Figure 2,20.  Effets de la cryoturbation sur les horizons du sol. Le sol au-dessus de la ligne rose est la couche active et la partie en dessous de la ligne rose est le pergélisol. Les lignes jaunes délimitent des portions d’horizons qui ont été perturbées et mélangées par l’action du gel (cryoturbation). © Paul Sanborn et Scott Smith; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

À la limite sud de la toundra de l’écosystème de la taïga, le pergélisol devient discontinu ; il est trouvé en plaques dans les zones basses alors que les milieux plus élevés sont caractérisés par des sols autres que des pergélisols. Les conditions de gel prolongé nécessaires à la formation des pergélisols devraient être compromises par l’augmentation des températures attribuable au changement climatique, ce qui affectera les pergélisols dans ces zones de transition.

On trouve également des conditions favorables à la formation des pergélisols dans la Cordillère occidentale à haute altitude de même que dans la toundra alpine. La toundra alpine peut abriter des mammifères fouisseurs, véritables agents de turbation de la couche de surface du sol. Ces sols sont souvent enrichis en matière organique.

Les sols des Prairies

Nul doute que la plus grande étendue de prairies naturelles au Canada (ou du moins d’anciennes prairies, puisqu’une grande partie de cette superficie a été mise en cultures) est celle que délimite l’écozone des Prairies. L’écozone des Prairies repose sur des roches sédimentaires dominées par des schistes et des calcaires marins riches en argile et, par conséquent, les dépôts glaciaires et autres dépôts de l’Holocène de cette région sont également riches en carbonates et (par endroits) en d’autres sels solubles. Le relief des Prairies découle principalement des dépôts glaciaires avec ses vastes zones de moraine, de dépôts fluvioglaciaires sableux et de dépôts glaciolacustres limoneux et argileux (figure 2.2). 81% des terres agricoles du Canada sont situées dans les trois provinces des Prairies (160 mégahectares [Mha] au total ; 62 Mha en Saskatchewan, 51 Mha en Alberta et 18 Mha au Manitoba ; Recensement 2011).

Deux mécanismes qui façonnent la genèse des sols dans cette écozone se distinguent: (1) l’apport de matière organique produite par les racines fasciculées des graminées et leur mélange subséquent par les animaux ; et (2) la dissolution des carbonates et des sels suivi du transport des solutés dans le profil (Pennock et coll. 2011, p. 725-732). À ces deux mécanismes, il faut ajouter deux aspects qui viennent façonner les sols dans des zones spécifiques: (1) la présence élevée d’argile qui s’ajoute au mélange que les animaux remuent ; (2) la présence élevée de sodium (Na+) qui modifie la dynamique propre du processus de formation.

L’apport de matière organique

Le réseau racinaire des graminées constitue la plus grande partie de leur biomasse, ce qui révèle leur nécessité d’exploiter pleinement le sol pour trouver l’eau dont elles ont besoin dans cette région caractérisée par un important déficit en eau (climat semi-aride). Dans l’exemple illustré à la figure 2.21 (Slobodian et al. 2002), les parties aériennes des graminées avaient une biomasse souterraine de 1060 g m-2 contre 2532 g m-2 dans leur réseau racinaire. Les racines meurent avec le temps. Les microorganismes du sol se chargent de transformer celle-ci en un humus récalcitrant, lequel peut se conserver des centaines d’années dans le sol. Le stockage du carbone organique du sol est de plusieurs fois supérieur à celui du réseau de racines vivantes (figure 2.21)

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Figure 2,21. Répartition en profondeur du carbone organique des racines et du carbone organique d’un sol à mi-pente près de Saskatoon, en Saskatchewan. L’unité est exprimée en masse de carbone (Mega (106 grammes ou tonnes) par hectare par intervalle de profondeur. Données provenant de Slobodian et coll. (2002) ; figure créée par Dan Pennock et mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Les apports souterrains de matière organique dans la partie supérieure du sol subissent l’action perturbatrice des insectes et mammifères du sol (fourmis, écureuils terrestres, blaireaux, taupes, etc.), de sorte que cette partie se trouve à la fois plus riche en matière organique, plus mélangée et d’une plus grande profondeur que la zone racinaire (figure 2.21). Souvent, on trouve dans ces sols des terriers bien garnis, preuve incontestable de la présence d’une faune fouisseuse (figure 2.22).

 

Figure 2,22.  Horizon de surface enrichi en matière organique grâce aux apports élevés de carbone organique provenant des racines et du mélange subséquent du sol par les insectes et animaux fouisseurs. © Roly St. Arnaud (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

La décomposition de la biomasse racinaire a également pour effet d’augmenter les concentrations de CO2 dans l’horizon supérieur du sol et ainsi contribuer à dissoudre les sels et les carbonates par hydrolyse chimique. Tel qu’il a déjà été mentionné, les sels comme l’halite (sel de mer, NaCl) s’altèrent facilement ; ils libèrent alors des cations comme le Na+ dans la solution du sol, cations qui peuvent être facilement lessivés jusqu’aux eaux souterraines. La calcite (CaCO3), le principal composé minéral carbonaté, se dissout plus lentement dans la partie supérieure du profil de sol ; l’ion Ca2+ se trouve entraîné plus profondément dans le profil où il peut re-précipiter sous la forme de carbonate de calcium. C’est pourquoi les sols des prairies montrent une zone appauvrie en carbonates dans leur partie supérieure du profil et une zone enrichie en carbonates plus en profondeur.

Par ailleurs, l’ion Na+ est très mobile et chemine ainsi dans le profil jusqu’aux eaux souterraines où ils continuent son trajet sur des distances allant de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres. Les eaux souterraines peuvent refaire surface par un phénomène d’émergence, entraînant avec elles le sodium (voir chap. 4). L’évaporation soutenue des eaux souterraines par la transpiration des plantes entraine une accumulation du sel dans la partie supérieure du sol au fil du temps. Ce phénomène appelé «salinisation » peut atteindre un niveau pouvant significativement nuire à la croissance des plantes (figure 2.23).

 

Figure 2,23.  Salinité du sol. Les taches blanches à la surface sont formées par de précipités (cristaux) de sel. Les graminées, incapables de croître sur les sols salins, se font supplanter par une plante tolérante au sel, la Salicornia rubra, qui domine le couvert de végétation. © Darwin Anderson (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Dans les milieux où le substratum rocheux riche en sodium se trouve près de la surface du sol ou encore où les eaux souterraines sont riches en sodium et émergent à la surface du sol, le sodium est un acteur important pour un ensemble distinct de processus de genèse du sol (Acton, 1990 ; Miller et Brierley, 2011). Le lien chimique que forme le sodium avec les particules d’argile réactives crée des argiles sodiques qui sont transportées par lixiviation dans le profil de sol (voir chap. 5). Ce processus appelé «solonisation » mène à la formation d’un horizon sous-jacent riche en sodium et en argile. Cet horizon s’appauvrira à son tour à la suite de l’altération des minéraux qui seront entraînés par lixiviation dans l’horizon sous-jacent ; la partie appauvrie ou éluviée prendra une couleur grisâtre caractéristique. Ce processus est appelé «solodisation » (figure 2.24). Voir la section du chapitre 5 sur la salinité et la sodicité pour en savoir plus sur ces processus.

 

Figure 2,24.  Solodisation. Ce sol de prairie montre dans sa partie supérieure un horizon riche en matière organique reposant sur deux couches typiques d’un sol qui a subi une solodisation. La couche la plus profonde des deux renferme une teneur élevée en argile et en sodium ; la couche blanchâtre du dessus résulte de l’altération causée par la fluctuation de l’eau (par remontée capillaire) dans cette couche. © Darwin Anderson (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Un dernier processus de genèse du sol associé aux sols des Prairies consiste au brassage mécanique du sol produit par le phénomène de rétrécissement et de gonflement des minéraux argileux (Brierley et al. 2011). Certains minéraux sont dotés de cette propriété de pouvoir gonfler et de rétrécir en fonction de la présence et de l’absence d’eau, tels que le groupe des smectites et le groupe des vermiculites, deux phyllosilicates du type 2:1 (voir chap. 5). De nombreux endroits dans les Prairies ont des dépôts glaciolacustres à forte teneur en argile du groupe des smectites. Ces argiles proviennent du substratum rocheux des schistes marins que l’on trouve dans tout le territoire des Prairies. Ces minéraux argileux peuvent se gonfler en absorbant de l’eau lorsque le sol est saturé. En revanche, ces minéraux peuvent rétrécir en libérant de l’eau lorsque le sol s’assèche. Le processus mécanique de gonflement-rétrécissement du sol (figure 2.25) crée des fissures importantes et du chamboulement (phénomène de turbation (parfois appelé argilipédoturbation, autogranulation ou autofoisonnement) quand le sol est sec, menant à la désorganisation des matériaux du sol. La turbation peut déranger l’organisation des matériaux de la surface du sol au point d’empêcher la formation d’horizons de sol distincts. Ce processus de retraits (rétrécissement) et de gonflements des argiles mène à la formation d’agrégats polis et striés ou à des agrégats à structure en fuseau ou à parallélépipèdes. Ce sont des sols dits « vertiques ».

 

Figure 2,25.  Fissures résultant des rétrécissements et gonflements des argiles gonflantes dans des conditions de sécheresse — un exemple de processus vertique. © Darwin Anderson (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Le territoire des Prairies renferme également de nombreux milieux humides qui servent d’habitats pour les oiseaux migrateurs. Les terres humides de l’écozone des Prairies s’assèchent périodiquement, rendant très peu probable l’accumulation de matière organique à la surface du sol. De nature plutôt minérale, les sols de ces terres présentent, en raison de la montée et du retrait périodique de l’eau dans le profil, des marbrures de couleurs ternes (rouille et gris-bleu).

Formation de la structure du sol

Le chapitre 4 sur la physique du sol fait part du rôle important que joue la structure du sol dans la formation des pores, et par conséquent dans le mouvement de l’eau et de l’air, dans les déplacements de la micro/mésofaune et dans la capacité des racines des plantes à explorer le sol pour l’eau et les éléments nutritifs. Si ce sont les matériaux d’origine qui définissent la structure initiale d’un sol, un bon nombre des processus de genèse des sols énumérés ci-dessus participent aussi à l’organisation des matériaux minéraux et organiques et des pores du sol (appelés « agrégats » ou « peds ») (figure 2.26).

 

Figure 2,26. Principaux types d’unités structurales du sol (d’après Watson et Pennock. 2016). Figure reproduite avec leur aimable autorisation et mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY-NC (Attribution NonCommercial).

La teneur en argile entrant dans la composition des matériaux d’origine est l’élément déterminant dans la formation des types d’agrégats. En effet, les minéraux argileux peuvent former de grandes unités structurales stables de par leur nature chimiquement réactive (attribuable à leur petite taille et à la présence de charges de surface). En revanche, les particules de sable n’ont pas cette nature réactive. Les sols sableux possèdent plutôt des agrégats faiblement développés (s’ils sont présents) qui les rendent vulnérables aux perturbations.

Parmi tous les processus impliqués dans la pédogénèse, deux ensembles de processus viennent transformer la structure initiale découlant des matériaux d’origine. Le premier ensemble de processus touche à ce qui a trait à la matière organique. Tout ce qui concerne l’ajout, la transformation et le brassage de la matière organique découle des activités de nature mécanique et physico-chimique qu’exercent les plantes et les animaux sur les particules de sol. Ces processus peuvent avoir lieu autant dans les sols des prairies, de la toundra ou forestiers.

Brassage de la matière organique

Dans les sols des Prairies à dominance de graminées, le réseau racinaire dense agit comme un filet sur les particules de sol qui forment de petits agrégats autour d’elles. Des agrégats peuvent aussi être formés par les déjections des macroorganismes comme les vers de terre (ce sont les « turricules »). Dans les sols forestiers du sud de l’Ontario et du Québec, l’activité des vers de terre agit aussi sur la structure du sol. Dans les sols de la toundra, l’activité biologique de la faune et la flore participe à l’organisation des particules minérales et organiques de la couche active. Ce premier ensemble de processus qui implique la présence de la matière organique en est un de granulation, c’est-à-dire la formation d’agrégats très irréguliers et suffisamment lâches (figure 2.26) ; une telle structure favorise la pénétration et la croissance des racines.

Présence d’une haute teneur en argile

Un autre ensemble de processus se produit en présence de conditions climatiques particulières et d’une forte teneur en particules argileuses. L’action mécanique des alternances de gel et de dégel et la haute teneur en argile aux propriétés gonflantes de certains sols exercent une influence sur leur structure. Dans certains sols forestiers, l’impact du gel et du dégel sur l’horizon éluvial grisâtre remodèle sa structure en disposant les agrégats en lamelles (ou feuillets) plus ou moins minces, parallèlement à la surface du sol (figure 2.26). Dans les sols de texture loameuse ou riches en argile, l’impact de divers processus mécaniques génère des agrégats selon toute une gamme de tailles et de formes caractéristiques comme le montre la figure 2.26. Dans certains sols riches en Na+, tels que ceux retrouvés dans les Prairies, les unités structurales deviennent si denses qu’elles empêchent la pénétration des racines, limitant par le fait même la croissance des plantes (horizon riche en argile sur la figure 2.25). D’autres unités structurales qui limitent la pénétration des racines sont observées dans les sols forestiers du centre et de l’est du Canada. Dans ce cas, une couche solidifiée par l’accumulation de composés organiques et de fer obstrue les pores du sol. Selon l’agent de cimentation en cause dans la formation de ces unités structurales, on qualifie ces horizons solidifiés de «duriques » ou de « placiques ».

Les unités structurales causées par l’activité humaine, telles que l’agriculture, sont appelées « mottes » (ou « grumeaux » ou « agglomérat terreux ») ; ces unités structurales ne se forment pas de la même manière que celles qui se forment naturellement.

L’activité humaine en tant que facteur pouvant modifier la genèse des sols

Les processus de genèse des sols présentés jusqu’ici n’ont porté que sur des processus naturels engendrés par des phénomènes naturels. L’utilisation des sols par l’humain est venue entraver ces processus naturels au profit de processus d’une tout autre nature. L’impact le plus marqué de l’humain sur l’évolution des sols qu’il utilise pour ses besoins débute en territoire canadien avec la colonisation des Européens. Au début de la colonisation, l’impact sur les processus du sol n’avait pour cause que la conversion des sols naturels en terres agricoles et pour l’exploitation des forêts. Toutefois, à compter du XIXe siècle, l’impact de l’exploitation des mines et du pétrole sur les sols naturels a gagné en importance. De plus, l’utilisation de territoires naturels sur d’immenses superficies à des fins de développement urbain n’a cessé de croître depuis le XXe siècle. Les sols soumis à des perturbations majeures causées par l’humain sont appelés des sols « anthropiques » (sols formés par l’humain).

Production agricole

La conversion des prairies et des territoires forestiers pour la production agricole a affecté presque tous les processus ayant lieu dans les sols. L’impact presque universel de la conversion agricole sur l’évolution naturelle des sols consiste en une perte de matière organique que l’on attribue aux effets combinés de la rupture des agrégats, de la hausse de la susceptibilité de la matière organique à la décomposition microbienne et de l’érosion des sols (voir ci-dessous). Des études effectuées partout dans le monde ont montré, en moyenne, qu’environ 30 % du carbone organique originel des sols étaient perdus à la suite de la conversion d’une forêt ou d’une prairie en terres cultivées (FAO, 2019). Dans les sites forestiers où les feuilles tombées en surface créent une couverture morte, le défrichement des arbres et le labour se trouvent à incorporer une partie de cette litière dans le sol, produisant un horizon de surface minéral enrichi en matière organique.

Types d’érosion

L’activité de défrichement a pour effet d’augmenter l’érosion du sol par l’eau, le vent et le travail du sol. Dans le contexte actuel, l’érosion est définie comme étant le retranchement accéléré de la terre arable à la surface terrestre par l’eau et le vent (FAO, 2019). Le travail du sol (p. ex. labour) accélère grandement l’érosion.

L’érosion par l’eau

L’érosion hydrique implique le retranchement des matériaux meubles de la couche superficielle du sol et de leur transport par l’eau. Le sol nu est très sensible à l’énergie cinétique des pluies. Des matériaux de la couche superficielle du sol peuvent tout autant se détacher sous le seul impact des gouttes de pluie (effet de battance) que par l’effet de ruissellement de l’eau qui les transporte plus loin. Là où l’eau se concentre à la surface du sol, elle peut creuser des rigoles peu profondes (figure 2.27A) ou causer du ravinement (figure 2.27B). Les matériaux peuvent se déposer dans le champ ou en bordure de celui-ci, mais dans certains cas, ils sont transportés directement vers le réseau fluvial où ils causent de nombreux problèmes environnementaux tels que la détérioration de la qualité de l’eau et des habitats aquatiques.

Figure 2,27.  Érosion par l’eau en Saskatchewan (à gauche) et en Colombie-Britannique (à droite). (A) Rigoles peu profondes où l’eau se concentre dans les creux et s’écoule suivant les lignes de moindre résistance à travers la couche arable meuble enrichie en matière organique, puis élargit son sillon pour former une rigole. Le prochain labour aura pour effet de remplir ces rigoles de terre et donc de masquer le problème. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Dan Pennock, Univ. de Saskatchewan (Saskatchewan Center of Soil Research). (B) Érosion par ravinement ; l’eau de ruissellement a favorisé le ravinement le long de la pente d’un terrain laissé sans protection. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Maja Krzic, Univ. de Colombie-Britannique. Les deux photos sont mises à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

L’érosion par le vent

L’érosion éolienne peut se produire partout sur une surface plate où le couvert végétal est pauvre ou inexistant. Les principaux facteurs de cette érosion sont : un vent suffisamment fort, un sol sec et peu structuré, une végétation réduite ou inexistante. Les pires épisodes d’érosion éolienne au Canada se sont produits dans la partie sud de l’écozone des Prairies dans les années 1930 (d’où l’appellation de ces années de « sales années trente »), qui avaient entraîné l’abandon général des terres et le dépeuplement des régions touchées.

L’érosion par le travail du sol

L’érosion attribuable au travail du sol est un type d’érosion plus insidieux — au cours des opérations agricoles, la machinerie se trouve à enlever inexorablement le sol des pentes supérieures, lequel se déplace dans les positions inférieures. Les effets d’un seul passage de la machinerie est presque indétectable (FAO, 2019).

Les effets combinés des trois types d’érosion

L’effet principal de l’érosion du sol est l’élimination d’une partie des matériaux de la couche superficielle du sol riche en matière organique. L’élimination de sol attribuable au travail mécanique d’une année est généralement très faible (0,5 à 1 mm), mais l’effet cumulatif de ce travail sur plusieurs années peut être substantiel. Les rigoles et les ravins créés par l’érosion hydrique peuvent éliminer en partie ou en totalité l’horizon enrichi en matière organique, tout comme peut le faire l’érosion éolienne lors de tempêtes violentes. Cette perte de matériaux de la couche superficielle de sol entraîne une perte de la partie la plus fertile du sol pour la production végétale. Un autre effet indésirable de la perte de matériaux de la couche superficielle de sol est de limiter la croissance des plantes en exposant l’horizon sous-jacent, moins riche. De plus, si ce dernier présente une forte teneur en sodium, la croissance des plantes sera encore plus limitée. Sur des pentes, lorsque les matériaux érodés s’accumulent plus bas, la couche supérieure du sol s’épaissit anormalement à cet endroit. Les sols où se produit ce phénomène d’accumulation sont dits « cumuliques » (figure 2.28).

 

Figure 2,28.  Sol cumulique : sol situé en bas d’une pente dont l’horizon de surface est formé des matériaux qui proviennent des matériaux que l’eau a transporté depuis le haut de la pente. L’horizon de surface originel s’est trouvé enfoui par du sol moins fertile. La règle mesure 1 m. © Dan Pennock, Univ. de Saskatchewan (Saskatchewan Center of Soil Research) ; figure mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

Production minière et pétrolière

Les activités d’extraction et de transport de ressources, telles que l’extraction de minéraux ou de bitume ou le développement de pipelines, transforment le sol (par excavation) jusqu’à le faire disparaître complètement, dépôts sous-jacents compris. De nos jours, les règlements exigent la reconstruction d’un sol jusqu’à un certain degré, mais le sol « reconstruit » ou « technosol » sera différent du profil de sol d’origine.

Création d’infrastructures

Un impact irréversible de l’activité humaine sur la genèse des sols consiste à le décaper ou à l’enfouir là où l’humain construit les infrastructures nécessaires pour ses activités de la vie moderne telles que les maisons, les routes et les centres commerciaux. Cette perte irrévocable de sol mène à l’ « imperméabilisation des sols » ; elle constitue l’une des pertes de sol les plus considérables. En Europe, le phénomène d’imperméabilisation des sols est celui qui met le plus en péril la préservation des sols du continent européen (Montanarella et al. 2016). Au Canada, les plus grandes zones de développement urbain correspondent également aux zones où les sols sont les plus productifs. Une telle destruction des sols induite par l’humain est tout aussi préoccupante au Canada (Montanarella et al. 2016).

Genèse des sols en terrain non glaciaire

Les processus de genèse qui modulent les sols canadiens se produisent aussi dans d’autres régions de l’hémisphère Nord qui ont subi la glaciation. En général, toutefois, les sols sont un peu plus vieux dans le nord de l’Europe et de l’Asie puisque la fin de la glaciation est survenue plus tôt qu’en Amérique du Nord. La genèse des sols dans les régions situées en dehors des grandes calottes glaciaires peut cependant différer grandement des régions glaciaires ; comprendre les différences entre ceux-ci se révèle crucial pour mieux appréhender les défis de gestion particuliers rattachés à ces sols.

Une première différence entre la genèse des sols glaciaires et celle de sols non glaciaires est strictement géoclimatique. La genèse des sols non glaciaires s’est faite sous des régimes climatiques chauds et humides des régions subtropicale et tropicale, laquelle a débuté il y a de ça des centaines de milliers à des millions d’années. Une autre différence vient du fait que la plupart de ces sols ont commencé à se développer directement à partir de la roche en place et non à partir d’épais dépôts glaciaires comme c’est le cas des sols du territoire canadien. En raison de la présence de différents massifs rocheux situés à proximité les uns des autres, des différences majeures dans la genèse des sols sont observables sur de courtes distances. Ces sols comptent aussi de nombreux agents de perturbation très actifs, tels que les termites et les fourmis. Les impacts de ces organismes sur la genèse des sols peuvent être très importants.

Dans les paysages où les sols sont relativement jeunes et à un stade de météorisation moins avancé, le transport d’argile dans le sol demeure bien actif, entraînant la formation d’une épaisse couche d’argile dans les horizons intermédiaires. Cependant, compte tenu de l’humidité abondante et des températures chaudes qui ont régné et règnent encore dans les régions subtropicales et tropicales, les processus de translocation d’argile et de météorisation chimique des minéraux hérités des matériaux d’origine sont très avancés dans ces milieux. . De plus, la météorisation chimique des minéraux silicatés se poursuit sur de nombreux minéraux hérités tels que les feldspaths et les olivines, menant à la formation d’oxydes de fer et d’aluminium, donnant à ces sols une forte teinte rouge (figure 2.29). Parallèlement à l’altération des minéraux silicatés, les cations basiques (Ca2+, Mg2+, Na+, K+) ont été en grande partie lessivés du profil ; le niveau de fertilité de ces sols est donc moins grand que les sols glaciaires du Canada. ce type de sol est commun dans le sud-est des États-Unis et dans une grande partie de l’Asie du Sud-Est. Vous pouvez consulter le chapitre 14 sur la minéralogie des sols pour en savoir davantage sur les transformations minérales issues de la météorisation chimique.

 

Figure 2,29.  Profil d’un sol subtropical modérément altéré (appelé « ultisol » dans le système de classification des États-Unis) du comté de Bibbs, Alabama. L’échelle est en pouces (1 pouce = 2,54 cm). Photo reproduite avec l’aimable autorisation du service de conservation des ressources naturelles de l’USDA. © USDA Natural Resources Conservation Service possède une licence du domaine des licences publiques.

Là où la météorisation et la genèse des sols est le plus avancé sur la planète se trouve dans les régions d’Amérique du Sud et d’Afrique autour de l’équateur. Le processus de météorisation des minéraux argileux se poursuit sous l’action des précipitations, entraînant un appauvrissement soutenu du profil en silicium (dit processus de désilification), en cations basiques et un accroissement en oxydes de fer et d’aluminium. L’altération peut aller jusqu’à la destruction complète du silicate hérité et des éléments qui le forment (silicium, aluminium et cations basiques) : c’est le processus de latéritisation. En effet, des ions de silicium reformeront des minéraux argileux chimiquement peu complexes comme la kaolinite, mais puisque ces sols sont dominés par des oxydes de fer et d’aluminium, ils donneront aux matériaux résiduels une couleur rouge foncé. Évidemment, la mobilisation et la lixiviation accrues des cations basiques rendent ces sols beaucoup moins fertiles que les sols jeunes du Canada. En raison de leur âge avancé, ces sols sont également le théâtre de perturbations causées par des organismes terricoles qui mélangent les horizons. En conséquence, leurs horizons présentent souvent un développement en apparence limité (figure 2.30) (Paton et al. 1996). De plus, on observe fréquemment des lignes de pierres horizontales associées à la turbation. Il s’agit d’un processus qui dérange l’organisation du sol et qui favorise le mélange de ses constituants. Les sols de ces paysages ont une histoire de genèse souvent complexe qui s’explique par toute une gamme de conditions existantes et pré-existantes laissées par le climat et la végétation.

 

Figure 2,30.  Profil d’un sol rouge, très altéré, dans une région tropicale. La partie supérieure du sol montre peu de signes de stratification en raison du mélange à long terme par les organismes vivants. Les couches horizontales du sol en profondeur sont des couches de roches ferreuses qui se transforment lentement particules plus fines (sol) par la météorisation. Photo reproduite avec l’aimable autorisation du USDA Natural Resources Conservation Service. © USDA Natural Resources Conservation Service possède une licence du domaine des licences publiques.

Il existe également de vastes zones sous l’influence de climats arides et semi-arides qui n’ont pas été englacées lors des dernières périodes glaciaires. La plus vaste zone se trouve dans une bande qui va de l’Afrique du Nord jusqu’au Moyen-Orient et à l’Asie centrale. On trouve également ces zones dans le sud-ouest des États-Unis et dans une grande partie de l’Australie. Les parties les plus arides de ces régions connaissent des taux élevés d’érosion éolienne pouvant être attribués à des causes naturelles et anthropiques (FAO, 2019). La formation du sol est donc limitée par cette perte importante de sol que l’on peut associée directement à une très faible disponibilité en eau et par conséquent, une faible occupation et croissance des plantes. Dans les régions où les sols sont stables en surface (comme dans le sud-ouest des États-Unis), des sols avec d’épaisses couches de carbonate de calcium se forment. Sous certaines conditions, cette croûte que l’on appelle «caliche» peut être plus ou moins cimentée.

La genèse des sols à partir de dépôts de cendres volcaniques s’explique par un processus bien particulier. De tels sols sont communs dans les îles de la « Ceinture de feu » au Japon et dans quelques îles de l’Indonésie. Au Canada, on peut trouver une fine couche de cendres volcaniques dans de nombreux sols de la Cordillère occidentale et dans certains sols du Yukon (figure 2.31). Le processus d’altération de ces minéraux volcaniques est unique et très rapide et résulte à des minéraux de néoformation hautement réactifs. Ces nouveaux minéraux se lient facilement à la matière organique et au phosphore, formant d’épais horizons enrichis en matière organique. Ces horizons généralement appelés « andiques » confèrent à ces sols une fertilité naturelle très élevée par rapport aux autres sols des régions environnantes où la cendre n’est pas présente.

 

Figure 2,31. Brunisol dystrique orthique formé à partir de till issu de la dernière glaciation dans la région des Carmacks, Yukon. La partie blanchâtre qui se trouve immédiatement sous les horizons organiques révèle une partie relativement peu altérée du dépôt de cendres volcaniques de White River qui date d’environ 1100 ans. Vous trouverez de plus amples renseignements sur des sols semblables dans Dampier et coll. (2011). Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Paul Sanborn et mise à disposition selon les termes de l’attribution CC BY (Attribution).

SOMMAIRE

  1. Les sols canadiens sont jeunes par rapport à l’âge moyen des sols du reste de la planète — presque tous les sols canadiens sont postglaciaires (c.-à-d. âgés de moins de 17 000 à 6 000 ans).
  2. En raison de leur jeune âge, plusieurs propriétés des sols du territoire canadien (p. ex. leur minéralogie et leur texture) ont une signature semblable celle des matériaux à partir desquels ils se sont formés.
  3. À l’échelle du territoire canadien, on distingue deux grandes classes de matériaux d’origine : (i) le till glaciaire acide à texture grossière dérivé de la météorisation de roches ignées, et (ii) le till glaciaire loameux neutre à alcalin dérivé de la désagrégation de roches sédimentaires. Les matériaux d’origine dérivés de roches ignées ne contiennent généralement ni de carbonates, ni de sels solubles ; les matériaux d’origine dérivés de roches sédimentaires ont des teneurs variables en carbonates et en sels solubles.
  4. La plupart des sols au Canada se sont formés pendant une période postglaciaire sous un climat stable et propice à l’établissement rapide de plantes et d’animaux, lesquels ont joué un rôle important dans la genèse des sols et ont favorisé la création de grandes zones caractérisées par une flore et des sols aux propriétés semblables.
  5. Les deux principales genèses des sols forestiers au Canada sont favorisées les matériaux d’origine. Les sols qui se sont formés à partir des matériaux acides subissent des taux élevés de météorisation chimique et de transfert de fer, d’aluminium et de matière organique de haut en bas du profil. Les sols qui se sont formés à partir de matériaux faiblement acides à alcalins ont subi, en début de processus, de la météorisation chimique des carbonates et des sels que contenait le dépôt. Ce processus fut suivi (dans certains cas) par le transport de fines particules (argile) dans le profil.
  6. Dans les milieux humides, la saturation et la présence prolongée en eau ont limité la décomposition de la matière organique et provoqué la gleyification. Dans les milieux forestiers et dans les milieux nordiques, la matière organique s’est accumulée pour former d’épaisses couches de tourbe. Dans les régions du Canada où le climat est plus sec, les sols minéraux des milieux humides sont caractérisés par de couleurs ternes et des marbrures de fer rougeâtre.
  7. Dans les régions de l’Arctique et de la toundra du Canada, on trouve des couches de sol gelées en permanence (le pergélisol). Les actions physiques issues du gel sur le sol ont souvent pour effet de mélanger les matériaux, ce qui perturbe souvent la formation d’horizons distincts.
  8. Les sols des Prairies au Canada sont majoritairement associés à des matériaux d’origine alcalins. Les apports importants de matière organique provenant du système racinaire des graminées et le mélange de cette matière avec la matrice minérale qu’effectuent les organismes du sol créent une couche de surface riche en matière organique.
  9. Dans les Prairies, les sols contenant des matériaux d’origine riches en argile peuvent subir deux processus génétiques distincts. Le premier processus tire son origine des cycles de rétrécissement et le gonflement des argiles. Le second processus se produit dans les sols dont les matériaux d’origine sont riches en sodium et implique la création d’une couche intermédiaire enrichie en argile.
  10. Dans les régions où l’on trouve les plus vieux sols (jamais englacés) du monde, la météorisation accrue et soutenue par l’hydrolyse des minéraux hérités est le principal processus de genèse des sols. Il résulte à la formation de nouveaux minéraux (néoformés) argileux, notamment les oxydes de fer et d’aluminium.

EXERCISES PRATIQUES

  1. Soils are not rocks, yet the underlying rock has a major influence on soil properties. Why is this?
  2. The parent material for most Canadian soils has a glacial origin. What are the four main classes of glacial sediments? How would you rank them in terms of suitability for crop growth? Briefly explain your ranking.
  3. Where would we find the oldest soils in Canada?
  4. What are the four soil-forming processes? For figures 2.12, 2.14B, 2.16, 2.18, 2.19, 2.20, 2.22, 2.24, and 2.29 identify (in your opinion) what the most important of the four processes is and briefly explain your answer.
  5. Why does podzolization occur in some forest soils and clay translocation (or lessivage) in others? Based on your understanding of the two processes, which type of soil would be better for tree growth?
  6. Wetland soils are a major reservoir for carbon. What process is responsible for this?
  7. How do soil mammals contribute to topsoil development in grassland soils?
  8. What are the three causes of soil erosion? Which one is most likely to be affected by climate change in your region?
  9. Why are soils in Canada generally more fertile than soils in non-glaciated region?

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L’ auteur

Dan Pennock, professeur émérite du Département de la science du sol de l’Université de Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan, Canada

Dan Pennock (sous licence CC-BY-NC-ND)

Dan est un professeur émérite (autrement dit, un professeur à la retraite) du Département des sciences du sol de l’Université de Saskatchewan. Il a focalisé ses travaux de recherche sur l’influence des formes de paysages sur la genèse des sols et sur les processus (comme l’érosion et le mouvement de l’eau) qui opèrent au sein de ces paysages. Il a enseigné plusieurs disciplines des sciences du sol et de la géographie. Il a reçu le Master Teacher Award en 2006 de son université en guise de reconnaissance de la qualité de son enseignement. Il a été nommé membre de la Société canadienne de la science du sol en 2010. Depuis sa retraite, il collabore à de nombreux projets sur la gestion durable des sols du Partenariat mondial sur les sols de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

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