Creuser partout au Canada

13 Les sols des provinces de l’Atlantique

Brandon Heung; Kevin Keys; David Burton; and Derek Lynch

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

À la fin de ce chapitre, les étudiant(e)s seront capables de :

  1. Comprendre les facteurs responsables de la distribution des sols dans les provinces de l’Atlantique.
  2. Identifier les horizons de sol diagnostiques associés aux Ordres et Grands Groupes de sols (selon le Système Canadien de la Classification des Sols) des provinces de l’Atlantique.
  3. Faire le lien entre les principales utilisations des terres dans la région et les propriétés des sols.

INTRODUCTION

On trouve sept des dix Ordres de sols du Canada dans les provinces de l’Atlantique, mais les précipitations annuelles élevées et une prépondérance d’un matériau parental de type till glaciaire relativement grossier et acide ont fait du Podzol le sol dominant dans la région. Dans de nombreux cas, ces sols sont également très caillouteux et/ou peu épais, ce qui limite d’autant plus leur potentiel agricole. En conséquence, les provinces de l’Atlantique (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador) ne représentent qu’environ 1,5 % de la superficie agricole du Canada (Statistique Canada, 2016), les forêts couvrant la majorité des terres de la région. Bien que chaque province possède des zones agricoles localement importantes, il n’y a que sur l’Île-du-Prince-Édouard que la superficie des terres agricoles dépasse celle des terres forestières.

FACTEURS CONTRÔLANT LA DISTRIBUTION DES SOLS DANS LES PROVINCES
DE L’ATLANTIQU
E

Selon le Cadre Écologique National pour le Canada, les provinces de l’Atlantique peuvent être divisées en quatre zones écologiques (Ecological Stratification Working Group, 1996; Figure 13.1). Ces zones écologiques décrivent des régions qui ont une géologie, une végétation, un sol et un climat relativement similaires. Le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard sont tous situés dans la zone écologique Maritime de l’Atlantique (la plus au sud), l’île de Terre-Neuve appartenant entièrement à la zone écologique du Bouclier Boréal et le Labrador principalement à la zone de la Taïga du Bouclier (avec des inclusions de la zone du Bouclier Boréal dans le sud-est et de la zone de la Cordillère Arctique dans le nord).

 

Figure 13.1. Carte des zones écologiques des provinces de l’Atlantique. La carte se base sur le Cadre Écologique National pour le Canada (Agriculture and Agri-Food Canada, 1996). © Brandon Heung, Université Dalhousie; sous licence CC BY (Attribution).

Zone écologique Maritime de l’Atlantique

Le climat de la zone écologique Maritime de l’Atlantique est largement influencé par sa proximité avec l’océan Atlantique, qui entraîne des conditions humides et des températures modérées (Figure 13.2). Cette zone écologique est la plus chaude de la région avec une température annuelle moyenne de 7 °C (allant de 1 à 8 °C) et reçoit en moyenne 1 250 mm de précipitations par an (allant de 970 à 1 840 mm) (Fick et Hijmans, 2017). La couverture terrestre y est dominée par des forêts de résineux, des forêts mixtes ou des forêts de feuillus. Là où les conditions du site ne limitent pas la croissance, les espèces les plus communes sont l’épinette rouge (Picea rubens Sarg.), la pruche du Canada (Tsuga canadensis (L.) Carriere), le pin blanc (Pinus strobus L.), l’érable à sucre (Acer saccharum Marsh) et le bouleau jaune (Betula alleghaniensis Britton). Dans les zones côtières et en altitude, le sapin baumier (Abies balsamea (L.) Mill.) et l’épinette blanche (Picea glauca (Moench) Voss) sont plus communs. La géologie du substratum rocheux se compose en grande partie de formations de l’ère paléozoïque (Figure 13.3) et est principalement de nature sédimentaire; cependant, les inclusions de roches ignées volcaniques et intrusives y sont également courantes (Wheeler et al.  1997). La géologie de surface est dominée par une variété de dépôts de till glaciaire, malgré des dépôts fluvio-glaciaires et des zones rocheuses localement importants (Figure 13.3).

 

Figure 13.2. Carte d’altitude, d’occupation des terres, de précipitations annuelles moyennes et de températures annuelles moyennes pour les provinces de l’Atlantique. La carte d’altitude est tirée du modèle digital de surface global ALOS (Earth Observation Research Centre and Japan Aerospace Exploration Agency, 2019); la carte d’occupation des terres est tirée du jeu de données Nord-Américain sur l’Occupation des Terres (North American Land Change Monitoring System, 2019); les précipitations annuelles moyennes et les températures annuelles moyennes sont tirées du jeu de données WorldClim version 2.0 (Fick and Hijmans, 2017). © Brandon Heung, Université Dalhousie; sous licence CC BY (Attribution).
Figure 13.3. Cartes géologiques de la roche mère et des dépôts meubles (de surface) pour les provinces de l’Atlantique. La géologie de la roche mère est tirée de la Carte Géologique du Canada (Wheeler et al.  1997) et la géologie de surface (des dépôts meubles) de la Carte des Matériaux de Surface du Canada (Fulton, 1995). © Brandon Heung, Université Dalhousie; sous licence CC BY (Attribution).

Au niveau des sols, les Podzols Humo-Ferriques avec des horizons Bf diagnostiques sont les plus courants et se forment généralement à des altitudes plus basses où le climat est plus doux (Figures 13.4 et 13.5). Cependant, des Podzols Ferro-Humiques avec des horizons diagnostiques Bhf sont également fréquents, en particulier là où des températures plus fraîches et des niveaux d’humidité plus élevés ont contribué à une plus grande accumulation de matière organique dans le sol. De plus, les Luvisols Gris peuvent être localement importants et sont quelque peu uniques car ils présentent souvent un développement de profil biséqual où un Bf podzolique se forme sur un horizon Bt enrichi en argile (Figure 13.5). Des Brunisols Dystriques avec des horizons Bfj peuvent parfois être trouvés dans des sols moins bien développés, tandis que des Brunisols Sombriques plus riches avec des horizons Ah et Bm sont localement importants dans certaines parties du Nouveau-Brunswick (Figure 13.4). Enfin, dans des conditions de précipitations élevées et une topographie variable, on trouve des Gleysols (comprenant tous les Grands Groupes) mal drainés et des sols Organiques (principalement des Mésisols et des Humisols) dispersés dans l’ensemble de la zone écologique.

 

Figure 13.4. Carte des Grands Groupes de sols des provinces de l’Atlantique. La carte est une reproduction d’un travail official publié par le Gouvernement du Canada et se base sur la Carte des Sols du Canada au 1 :1 000 000. © Darrel Cerkowniak, Agriculture and Agroalimentaire Canada; sous licence CC BY (Attribution).
Figure 13.5. Un Podzol Orthique Humo-Ferrique (a), un Luvisol Podzolique Gris gleyifié (b), et un Gleysol Orthique (c) de Nouvelle-Écosse. © Kevin Keys; sous licence CC BY (Attribution).

Zone écologique du Bouclier Boréal

La zone écologique du Bouclier Boréal est de loin la plus grande zone écologique du Canada et s’étend du nord de la Saskatchewan à l’ensemble de Terre-Neuve et au sud-est du Labrador (Figure 13.1). Bien qu’une grande partie de cette zone écologique soit associée à un climat continental, la proximité de l’océan Atlantique entraîne des conditions généralement plus chaudes et plus humides à Terre-Neuve-et-Labrador. Cette partie de la zone écologique reçoit en moyenne 1 230 mm de précipitations par an (allant de 800 à 1 800 mm), ce qui est similaire à la zone Maritime de l’Atlantique (Fick et Hijmans, 2017; Figure 13.2). Les précipitations sont les plus élevées le long de la côte sud de Terre-Neuve et diminuent en direction du nord-ouest vers le Labrador. La température annuelle moyenne est d’environ 2°C avec une fourchette de -5 à 6°C (Fick et Hijmans, 2017).

Contrairement à la zone Maritime de l’Atlantique, le Bouclier Boréal présente une variabilité beaucoup plus grande du type et de l’âge du substrat rocheux (Figure 13.3). La région la plus à l’est de Terre-Neuve est dominée par de vieilles roches sédimentaires et volcaniques de l’ère précambrienne qui cèdent la place à des roches paléozoïques plus récentes vers l’ouest. Au Labrador et dans certaines parties du nord de Terre-Neuve, le substrat rocheux se compose principalement de roches métamorphiques et intrusives précambriennes. Comme pour les autres zones écologiques, la géologie de surface est principalement composée de dépôts de till glaciaire d’épaisseur variable, mais avec une plus grande proportion de recouvrements de till minces et d’affleurements rocheux (Figure 13.3). De plus, les dépôts fluvio-glaciaires peuvent être importants dans certaines régions, comme c’est le cas avec les reliefs en terrasses adjacents à la rivière Churchill dans l’est du Labrador. La surface terrestre est couverte par les forêts boréales de résineux [épinette noire (Picea mariana (Mill.) Britton, Sterns & Poggenb., sapin baumier, épinette blanche, mélèze laricin (Larix laricina (Du Roi) K. Koch)] avec quelques peupliers faux-trembles (Populus tremuloides Michx.) et du bouleau à papier (Betula papyrifera Marshall). Terre-Neuve-et-Labrador a également une vaste couverture de tourbières, de marais et de landes.

Les sols de la zone écologique du Bouclier Boréal sont dominés par des Podzols Humo-Ferriques et Ferro-Humiques à texture variable, de modérée à grossière (Figures 13.4 et 13.6). On trouve également des Podzols Humiques (avec des horizons Bh diagnostiques) dans certaines régions. Les Sous-Groupes Gleyifiés de ces sols sont assez communs, et des Sous-Groupes cimentés (par exemple les Orsteins avec des horizons Bfc ou Bhfc) sont aussi fréquemment trouvés le long de la côte et dans des sols à texture plus grossière (Woodrow and Heringa, 1987). Les Fibrisols et les Mésisols sont associés aux vastes paysages de tourbières et de marais. Des niveaux d’humidité élevés, une topographie variable et un substratum rocheux proche de la surface favorisent également le développement de Gleysols mal drainés, qui peuvent être trouvés ça et là dans cette zone écologique, ainsi que dans des zones concentrées dans l’est et le centre de Terre-Neuve (Heringa, 1981; Figure 13.4).

 

Figure 13.6. Un Podzol Orthique Humo-Ferrique (a) et un Podzol Orthique Ferro-Humique (b) du sud du Labrador. © Kevin Keys; sous licence CC BY (Attribution).

Zones écologiques de la Taïga du Bouclier et de la Cordillère Arctique

La zone écologique de la Taïga du Bouclier est la principale zone écologique du Labrador et la plus vaste de la région de l’Atlantique (Figure 13.1). À ces latitudes, les effets modérateurs de l’océan Atlantique sont compensés par les courants d’eau froide du nord, ce qui entraîne des étés courts et frais et des hivers longs et froids (Ecological Stratification Working Group, 1996). La température annuelle moyenne est la plus élevée le long de la côte orientale (1,5°C) et diminue jusqu’à -7°C à l’intérieur des terres. Les précipitations annuelles moyennes sont de 910 mm et varient de 650 à 1250 mm. Au nord de la Taïga du Bouclier se trouve la zone écologique de la Cordillère Arctique (Figure 13.1). Ici, la température moyenne annuelle n’est que de -6°C (allant de -10°C à 0°C). En plus d’être la zone écologique la plus froide de la région, la Cordillère Arctique est la plus sèche, les précipitations annuelles moyennes n’étant que de 680 mm (allant de 560 à 910 mm). Ces deux zones écologiques reposent principalement sur des roches précambriennes métamorphiques et ignées intrusives (gneiss et granite). La géologie de surface comprend des dépôts de till glaciaire d’épaisseur variable, mais avec une grande proportion de recouvrements de till minces et d’affleurements rocheux dans les régions de l’est et du nord (Figure 13.3).

La couverture terrestre dans la zone écologique de la Taïga du Bouclier est dominée par des forêts d’épinettes noires qui peuvent se transformer en tuckamores (arbres rabougris et déformés par le vent) dans les zones plus exposées. À des altitudes plus élevées et le long de la limite nord de la zone écologique, les arbres atteignent la limite de leur habitat et le paysage se transforme en prairie alpine et/ou en végétation de toundra (Ecological Stratification Working Group, 1996). En se déplaçant vers le nord, la zone écologique de la Cordillère Arctique se transforme en un paysage composé principalement de toundra et d’affleurements rocheux.

Les Podzols Humo-Ferriques et Ferro-Humiques sont les sols dominants de la zone écologique de la Taïga du Bouclier, avec des inclusions importantes de sols Organiques de type Mésisol. Dans certaines régions, le pergélisol près de la surface entraîne également le développement de Cryosols Organiques, tandis que de minces Folisols Organiques peuvent être trouvés en association avec les affleurements rocheux. Les Brunisols Dystriques peuvent également être trouvés là où le développement du sol est ralenti par le climat et/ou l’âge du matériau parental (par exemple, des dépôts de colluvions plus jeunes). En se déplaçant vers le nord, les zones de pergélisol superficiel s’étendent, entraînant le développement de Cryosols Organiques et Turbiques. Les Cryosols Turbiques montrent des signes de cryoturbation (suffixe de l’horizon y) où les horizons minéraux sont perturbés, mélangés et/ou brisés par le brassage régulier causé par le gel.

SOLS ET UTILISATION DES TERRES

Agriculture

Dans tout le Canada Atlantique, le potentiel agricole des terres est évalué à l’aide de l’Inventaire des Terres du Canada (ITC; voir le chapitre 8, Inventaire des Terres du Canada). L’ITC est basé sur un système de notation allant de 1 à 7 dans lequel les sols sont classés en fonction de leur potentiel et de leurs limites pour un usage agricole. Dans le classement ITC, les classes 1 à 4 sont considérées comme pouvant être utilisées durablement pour les grandes cultures. Dans les terres de classe 1, il n’y a pas de contraintes importantes à la croissance des cultures tandis que les terres de classe 2 connaissent des limitations modérées et nécessitent donc de légères pratiques de conservation. Dans les terres des classes 3 et 4, la gamme de cultures pouvant être cultivées est restreinte et des mesures de gestion spéciales sont nécessaires pour conserver le sol. Les classes 5 et 6 ne conviennent qu’à la production fourragère et sont le plus souvent utilisées pour le pâturage du bétail.

Dans cette région, il n’y a pas de terres de classe 1 (pas de limitations importantes); de plus, la répartition des terres de classe 2 est limitée à l’Île-du-Prince-Édouard, au nord-ouest du Nouveau-Brunswick et à la vallée d’Annapolis en Nouvelle-Écosse (Figure 13.7). Le climat constitue la principale limitation pour les terres de classe 2 sur l’Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, alors que c’est la faible fertilité qui est le principal facteur limitant au Nouveau-Brunswick (Figure 13.8). Les terres de classe 2 occupent environ 588 000 ha du Canada Atlantique, tandis que les terres de classe 3 et 4 occupent respectivement environ 2 275 000 ha et 2 507 000 ha. La majorité des terres de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve appartiennent à la classe 7 et ne sont donc pas adaptées aux cultures arables ou au pâturage permanent.

 

Figure 13.7. Classes de potentiel agricole du Canada Atlantique selon l’Inventaire des Terres du Canada (Agriculture and Agri-Food Canada, 2013). Le classement des terres va de 1 à 7; les terres de classe 2 ne présentent que des limitations modérées et ne nécessitent ainsi que de légères pratiques de conservation. Les terres de classe 7 ne sont pas adaptées aux cultures arables ou au pâturage permanent. © Agriculture et Agroalimentaire Canada; avec la permission du Gouvernement du Canada et sous licence du Gouvernement ouvert – Canada. https://open.canada.ca/en/open-government-licence-canada
Figure 13.8. Limitations agricoles pour le Canada Atlantique d’après l’Inventaire des Terres du Canada (Agriculture and Agri-Food Canada, 2013). © Agriculture et Agroalimentaire Canada; avec la permission du Gouvernement du Canada et sous licence du Gouvernement ouvert – Canada. https://open.canada.ca/en/open-government-licence-canada

En 2011, Statistique Canada a recensé 1 063 747 ha de terres agricoles au Canada Atlantique, soit une diminution de 12,8 % en 30 ans (Clearwater et al.  2016). En 2011, environ 40 % des terres agricoles étaient des terres cultivées; 10 % étaient des pâturages ; et les 50 % restants comprenaient des boisés, des zones humides et des cours de ferme. De 1981 à 2011, il y a eu une baisse de 56 % de la superficie des pâturages, une baisse de 7 % des autres utilisations des terres et une augmentation de 8 % des terres cultivées. La superficie des terres agricoles dont la gestion entraîne de faibles perturbations a diminué (pâturage -56 %, fourrage -4 % et céréales -37 %) et a été remplacée par des systèmes de culture à plus forte intensité dont la gestion entraîne de plus fortes perturbations et/ou des apports de résidus de cultures au sol moins importants (maïs +145%, pommes de terre, +18%; le soya est quant à lui passé d’aucune superficie déclarée en 1981 à plus de 25 000 hectares en 2011). Cette transition d’une utilisation des terres entraînant de faibles perturbations (pâturage, bois, zone humide) et d’une faible fréquence de la production de fourrages, à une utilisation plus intensive des terres a entraîné des impacts importants sur la santé et la composition microbienne du sol (Mann et al.  2019).

La matière organique du sol est d’une importance critique dans la fonction et la résilience des sols à texture principalement grossière du Canada Atlantique. Elle est aussi un indicateur majeur de la santé des sols. Le pourcentage de terres cultivées au Canada Atlantique connaissant des baisses de la teneur en carbone organique du sol modérées (-25 à -90 kg ha-1 an-1) à importantes (> -90 kg ha-1 an-1) est passé de 61 % en 1981 à 83 % en 2011. La diminution de la teneur en matière organique du sol est une préoccupation majeure au Canada Atlantique, en particulier sur l’Île-du-Prince-Édouard (Nyiraneza et al.  2017), où un réseau provincial de surveillance de la qualité des sols en fonction de l’utilisation des terres est en place depuis 1998. Les apports d’azote ont également augmenté afin de soutenir les pratiques culturales plus intensives. De 1981 à 2011, le pourcentage de terres cultivées ayant de très faibles à faibles concentrations d’azote résiduel dans le sol a diminué de 85 %, tandis que les terres présentant des niveaux élevés et très élevés d’azote résiduel dans le sol ont augmenté de 138 %.

En 2016, une évaluation de la santé des sols a été amorcée par le Laboratoire de la Santé des Sols Atlantiques (Atlantic Soil Health Lab) de l’Université Dalhousie. Le laboratoire a examiné l’influence de la gestion des terres, reflété par le système de culture, et l’origine pédogénétique, reflétée dans l’Ordre des sols, sur les indicateurs de la santé des sols à l’aide du Cadre d’Évaluation de la Santé des Sols de Cornell (Cornell Soil Health Assessment Framework). Ce protocole d’évaluation de la santé des sols a été développé dans l’État de New York et combine des mesures des propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols, sélectionnées en fonction de leur pertinence, sensibilité, reproductibilité et coût (Moebius-Clune et al.  2016). La gestion des terres expliquait un pourcentage plus élevé de la variabilité des indicateurs de santé des sols (R2 moyen = 23 %) que l’Ordre des sols (R2 moyen = 8 %). En particulier, les paramètres relatifs à la quantité ou à la qualité du carbone organique étaient plus fortement corrélés à la gestion des terres (R2 = 9 à 55 %) qu’à l’Ordre des sols (R2 = 2 à 12 %). Ces résultats mettent en évidence l’important impact de la gestion des terres sur la santé et la fonction des sols.

Sylviculture

Les forêts de la région de l’Atlantique ont évolué en fonction du climat local et des propriétés du sol et du site. Cependant, les conditions plus tempérées qui prévalent dans la zone écologique Maritime de l’Atlantique confèrent aux sols une plus grande influence sur la distribution des espèces d’arbres et la productivité potentielle des forêts par rapport aux zones écologiques du Bouclier Boréal et de la Taïga du Bouclier où le climat est le facteur le plus important. Par exemple, les sols sableux et/ou très graveleux de la zone écologique Maritime de l’Atlantique ont tendance à être associés à l’épinette noire et à des espèces de pin qui sont mieux adaptées aux sols secs et pauvres. Ces sols sont typiquement des Podzols Humo-Ferriques et peuvent parfois être cimentés. Des sols plus limoneux avec une fertilité plus élevée supportent une plus grande diversité d’espèces d’arbres et tendent à avoir une proportion plus élevée de Podzols Ferro-Humiques. Les Luvisols Gris peuvent être des sols forestiers très productifs, mais des problèmes d’aération et/ou un mauvais drainage limitent souvent le potentiel de croissance et la diversité d’espèces. Dans toutes les zones écologiques, les sols peu profonds ou pierreux peuvent limiter la productivité potentielle et augmenter les risques de chablis, tandis que les blocs rocheux de surface peuvent réduire l’accessibilité aux machines (Figure 13.9). Les perturbations périodiques par chablis dans les sols plus profonds peuvent entraîner un mélange des horizons pédologiques et créer des horizons enfouis qui influencent le développement du sol (Figure 13.10).

 

Figure 13.9. Sols très pierreux trouvés sous un Chablis en Nouvelle-Écosse (a). Blocs rocheux en surface dans une forêt d’épinette noire après un feu dans le centre du Labrador (b). © Kevin Keys; sous licence CC BY (Attribution).
Figure 13.10. Horizons Ae et Bf enfouis dans un Podzol Humo-Ferrique résultant d’un chablis (arboturbation). © Kevin Keys; sous licence CC BY (Attribution).

Matière à réflexion !

Champ après la récolte de soya sur des sols endigués près de Truro, Nouvelle-Écosse; photo D. Lynch, sous licence CC BY (Attribution)

Dans les années 1700, les colons Français Acadiens ont créé de vastes paysages de terres agricoles (plus de 33 000 ha) dans le Canada Atlantique à partir de marais salants réhabilités grâce à la construction de digues et à un réseau de drainage combinés à des aboiteaux (ou vannes) fabriqués à la main pour évacuer l’eau de drainage. Dominés par la série de sols « Acadia » (Ordre des Régosols), ces nouveaux sols présentent des horizons faiblement développés et sont typiquement plats, composés de loam limoneux à argileux, imparfaitement drainés et sujets à des inondations périodiques et à des conditions saturées. Étant relativement fertiles, les sols d’Acadie ont été utilisés pendant des siècles pour la production de fourrage, et aussi plus récemment pour la production de maïs à ensilage et de soya. Le meilleur exemple d’un tel paysage de marais aménagés ou de « polders » en Amérique du Nord est la zone de plus de 1 300 ha situé à Grand Pré dans le bassin Minas en Nouvelle-Écosse. En 2012, ils ont été reconnus comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO (https://whc.unesco.org/en/list/1404).

LECTURES SUGGÉRÉES

De l’information détaillée concernant les principaux Ordres et Grands Groupes de sol de la région Atlantique peut être trouvée dans les références suivantes :

Bedard-Haughn, A. 2011. Gleysolic soils of Canada: Genesis, distribution, and classification. Can. J. Soil Sci. 91: 763-779.

Kroetsch, D.J., Geng, X., Chang, S.X. and Saurette, D.D. 2011. Organic soils of Canada: Part 1. Wetland Organic soils. Can. J. Soil Sci. 91: 807-822.

Lavkulich, L.M. and Arocena, J.M. 2011. Luvisolic soils of Canada: Genesis, distribution, and classification. Can. J. Soil Sci. 91: 781-806.

Sanborn, P., Lamontagne, L., Hendershot, W. Podzolic soils of Canada: Genesis, distribution, and classification. Can. J. Soil Sci. 91: 843-880.

Tarnocai, C. and Bockheim, J. 2011. Cryosolic soils of Canada: Genesis, distribution, and classification. Can. J. Soil Sci. 91: 749-762.

RÉFÉRENCES

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À propos des auteurs

Brandon Heung, Assistant Professeur, Département des Sciences Végétales, Alimentaires et Environnementales de la Faculté d’Agriculture, Université Dalhousie

Brandon Heung (licensed under a CC-BY-NC-ND license)

Le Dr Brandon Heung est assistant professeur en sciences du sol et systèmes d’information géographique (SIG) au Département des sciences végétales, alimentaires et environnementales. Ses recherches portent sur la pédométrie, une sous-discipline de la science du sol qui intègre la science du sol, les SIG, la télédétection, les statistiques spatiales et l’apprentissage automatisé pour mieux comprendre les modèles spatiaux et temporels du sol. Il a développé des cartes numériques des sols pour des applications dans les systèmes agricoles et forestiers et il cherche à comprendre la manière dont les modèles numériques prédictifs des sols peuvent être utilisés pour résoudre les problèmes de changement climatique et de sécurité alimentaire.

 

Kevin Keys, Département des Terres et de Foresterie de Nouvelle-Écosse

Kevin Keys (licensed under a CC-BY-NC-ND license)

J’ai passé de nombreuses années à évaluer, classer et interpréter les sols du Canada, de la Colombie-Britannique au Labrador. Cependant, la majeure partie de mon expérience s’est déroulée en Nouvelle-Écosse, où j’ai aidé à développer un système de classification des écosystèmes forestiers axé sur les sols et les composantes des sites écologiques. Je suis actuellement spécialiste des sols au ministère des Terres et des Forêts de la Nouvelle-Écosse et je dirige le Groupe sur la Productivité des Sites au sein de la Section de la Recherche et de la Planification. Mon travail est de mener des recherches et de développer des outils de gestion et des plans directeurs qui aident à promouvoir la santé des sols forestiers et la gestion durable des forêts dans la province.

 

David L. Burton, Professeur, Département des Sciences Végétales, Alimentaires et Environnementales de la Faculté d’Agriculture, Université Dalhousie

David Burton (licensed under a CC-BY-NC-ND license)

Le Dr David Burton est pédologue et professeur au Département des Plantes, de l’Alimentation et de l’Environnement de l’Université Dalhousie. Ses recherches portent sur l’influence de l’environnement du sol sur la nature et l’étendue du métabolisme microbien dans le sol. Il travaille notamment sur les processus du cycle de l’azote dans les sols et leurs implications dans la fertilité des sols et leur impact environnemental. L’objectif de ce travail est de mieux comprendre les facteurs qui contrôlent la fonction microbienne du sol et d’utiliser ces informations pour développer des systèmes de gestion des terres résilients dans un contexte de changement climatique.

 

Derek H. Lynch, Professeur, Département des Sciences Végétales, Alimentaires et Environnementales de la Faculté d’Agriculture, Université Dalhousie

Derek H. Lynch (licensed under a CC-BY-NC-ND license)

Derek H. Lynch est professeur d’agronomie et d’agroécologie au Département des Sciences Végétales, Alimentaires et Environnementales de la Faculté d’Agriculture de l’Université Dalhousie. De 2005 à 2015, il a été membre de la Chaire de Recherche du Canada en Agriculture Biologique. Il donne des cours en science du sol, agroécologie, gestion des grandes cultures biologiques et agriculture urbaine. Ses recherches examinent l’impact du système agricole ou des pratiques de gestion des champs sur la productivité des cultures et la dynamique des nutriments, tout en explorant leur influence sur la dynamique du carbone organique du sol, la santé du sol et la diversité et le fonctionnement du biote du sol.

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Introduction à la science du sol : de la théorie à la pratique en sols canadiens Copyright © 2021 by Canadian Society of Soil Science is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International License, except where otherwise noted.

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