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14 Minéralogie du sol

Jim Warren and Graeme Spiers

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

À la fin de ce chapitre, les étudiants devraient être capables de :

  1. Identifier les phases minérales les plus communément trouvées dans le sol
  2. Expliquer la différence entre les minéraux primaires et secondaires
  3. Décrire l’influence de la glaciation continentale sur la distribution des minéraux dans les sols canadiens
  4. Décrire la relation entre la taille des particules et les minéraux du sol
  5. Définir la substitution isomorphe et la base de la capacité d’échange cationique
  6. Expliquer les différences dans la composition en phyllosilicates des sols entre l’est et l’ouest du Canada

INTRODUCTION

La minéralogie du sol « se rapporte aux minéraux inorganiques trouvés dans la pédosphère et jusqu’à la profondeur où se produit l’altération » (Finkl, 1983). Bien que la minéralogie des sols s’appuie fortement sur les disciplines de la minéralogie, de la géologie, de la chimie inorganique et de la cristallographie, qui sont des disciplines scientifiques en elles-mêmes, le lecteur n’a pas besoin d’avoir de connaissances préalables dans ces domaines pour comprendre les informations présentées dans ce chapitre. L’approche générale adoptée dans ce chapitre est basée sur les fractions texturales du sol (sables, limons et argiles) et les minéraux que ces fractions contiennent.

Importance de la fraction minérale du sol

La plupart des sols sont composés de matières minérales qui constituent la majeure partie d’un sol. Les sols bien structurés sont composés d’environ 50 % de solides dont la plupart sont des matières minérales (Figure 14.1), à l’exception des sols organiques (>30% de matière organique).

 

Figure 14.1. Composition générale d’un sol bien structuré et de la fraction solide d’un sol. © Jim Warren est sous licence CC BY (Attribution).

Il y a environ 4 500 à 5 000 minéraux identifiés sur la Terre (MSA, 1997-2020 ; MSA, 2004-2020 ; Mindat, 2020), la plupart étant soit rares, soit trouvés dans des poches isolées (par exemple, des gisements de minéraux à valeur économique) au plus profond de la croûte terrestre. Les minéraux sont des cristaux inorganiques naturels comprenant une gamme définissable de compositions chimiques. Par exemple, le minéral terrestre le plus répandu dans les sols canadiens est de loin le α-quartz (α-SiO2); prononcé “alpha-quartz”, où alpha fait référence à la forme cristalline. Des fragments de roche se trouvent également dans le sol, mais ils diffèrent des minéraux en ce que les roches sont des « composites de minéraux » constitués de mélanges physiques de plusieurs minéraux. Par exemple, le granite est une roche ignée qui constitue la grande majorité du Bouclier canadien. Le granite est généralement composé d’un mélange de quatre types de minéraux : le α-quartz, les feldspaths, les amphiboles et les micas qui, en raison des actions de broyage et de mélange par les glaciers, sont des minéraux communément trouvés dans nos sols. Les fragments de roches se trouvent parmi les plus grosses particules de sol (c’est-à-dire de la taille de sables ou plus gros).  Lors de leur transport, la fragmentation physique des roches en fragments de plus en plus petits se fait le long des bordures des minéraux adjacents. Ces bordures sont les zones les moins stables des roches; ce qui explique que les fragments les plus petits sont représentés par des minéraux individuels distincts.

La plupart des minéraux trouvés dans le sol sont communs, c’est-à-dire très répandus et présents en grandes quantités, et leur valeur économique est généralement très faible. Les types de minéraux trouvés dans le sol ne représentent qu’une petite fraction (<100) de tous les minéraux connus; cependant, lorsqu’ils interagissent avec la solution du sol (l’eau du sol), l’atmosphère et la matière organique du sol, ils ont une influence considérable sur les caractéristiques chimiques et la nature des sols.

Les minéraux du sol sont la source naturelle de nutriments pour les végétaux et sont libérés lentement au cours du temps par l’altération chimique. Toutes les plantes ont besoin d’un minimum de 17 éléments nutritifs pour compléter leur cycle de vie (voir Chapter 7). À l’exception de C, H et O, que les plantes obtiennent de l’air et de l’eau, les plantes dérivent les 14 éléments restants (N, P, K, Ca, S, Mg, Fe, B, Cl, Mn, Zn, Cu, Mo et Ni) principalement à partir des minéraux du sol ou par l’ajout d’engrais, de fumier et d’autres types d’amendement (Parikh et James, 2012 ; Singh et Schulze, 2015). Quatre autres éléments (Na, Si, V et Se) sont essentiels à la croissance de certaines plantes (Havlin et al., 2005). Les minéraux du sol contribuent également à la capacité d’un sol à retenir les éléments nutritifs grâce aux processus d’échanges de cations et d’anions.

MATÉRIAUX PARENTAUX DU SOL

Les sols canadiens sont très jeunes par rapport à ceux des tropiques, qui n’ont jamais été remaniés par les glaciers (voir Chapter 2). Le Canada contient plus de terrains glaciaires que tout autre pays au monde (Rutter, 2015) et presque tous les sols canadiens se sont développés sur des sédiments glaciaires du Wisconsinien supérieur déposés ces derniers 5 000 à 18 000 ans. Les seules exceptions sont certaines petites zones telles que la région de Cypress Hills dans le sud de l’Alberta et de la Saskatchewan, les zones non glaciaires du nord du Yukon ainsi que quelques petites parties de l’ouest des Territoires du Nord-Ouest qui n’étaient pas recouvertes de glace pendant la glaciation du Wisconsinien (voir Chapter 2). Par comparaison, des sols tels que ceux du sud des États-Unis, de l’Australie, d’Afrique et d’Amérique du Sud ont plusieurs millions d’années. Par conséquent, les sols canadiens sont composés de minéraux hérités principalement du substratum rocheux sous-jacent, ainsi que de minéraux déposés par les glaciers lors de l’avancée de la glace, ou lors de la déglaciation par l’eau de fonte et/ou par le vent soufflant sur les grandes plaines dénudées.

MINÉRAUX PRIMAIRES et SECONDAIRES

La croûte lithosphérique peut être décrite dans un contexte très large comme étant composée de deux lithologies principales : la croûte océanique composée majoritairement de roches mafiques et ultramafiques (riches en Fe et Mg) ; et la croûte continentale qui contient davantage de roches felsiques ignées et métamorphiques, et des roches sédimentaires. Puisque les sols sont situés dans des zones continentales, ils se développent principalement à partir des roches de la croûte continentale, qui, dans le contexte canadien, sont constituées d’environ 85% de roches ignées et métamorphiques et de 15% de roches sédimentaires.

Les minéraux dérivés directement des processus géologiques et géochimiques ayant lieu dans la croûte terrestre sont appelés « minéraux primaires ». L’examen des surfaces minérales au microscope peut révéler certains changements dus à l’altération biogéochimique (Spiers et al., 1989), mais la plupart des minéraux primaires des sols canadiens n’ont été que très peu altérés par des actions chimiques au cours des dernières 5 000 à 18 000 années.

Lorsqu’ils sont exposés à la surface de la Terre, la plupart des minéraux primaires sont chimiquement instables. Bien qu’ils persistent dans nos sols, ils finiront, avec le temps (à l’échelle des temps géologiques), par succomber aux processus biogéochimiques de l’environnement et libérer progressivement leurs composants élémentaires dans l’environnement. Les minéraux primaires s’altèrent et se dissolvent à des rythmes différents. En général, les minéraux contenant du Na et du K se dissolvent plus rapidement que ceux contenant du Ca et du Mg, qui à leur tour se dissolvent plus rapidement que les minéraux composés de Si, Al et Fe. Le fer est un cas un peu particulier car c’est le seul élément majeur à deux valences (Fe2+ et Fe3+) et dont la solubilité est très différente selon l’environnement chimique. Dans des conditions réductrices (absence d’oxygène), Fe a tendance à être soluble et présent sous forme d’ion Fe2+. Dans des conditions oxydantes, Fe2+ réagit avec l’oxygène (oxydé) pour former des ions Fe3+ qui à leur tour forment des minéraux oxyhydroxydés insolubles (en fait la composition de la rouille). D’autres éléments mineurs (par exemple Mn, As, U, etc.) sont transformés de la même manière. Le résultat est qu’à mesure que l’altération progresse, les sols s’appauvrissent généralement en Na, K, Ca et Mg qui sont peu à peu lessivés des sols et s’enrichissent en Si, Al et Fe qui eux sont moins lessivés (Figure 14.2). Le lessivage des sols par l’eau explique aussi pourquoi les océans (bassin de réception ultime des eaux continentales) contiennent des concentrations élevées de sels solubles (Na, K, Cl et SO4). Les minéraux carbonatés (principalement CaCO3) se forment ou se dissolvent en fonction du pH de leur solution porteuse. Ils précipitent dans des conditions alcalines et se dissolvent dans des conditions acides. Le CO2 atmosphérique réagit avec l’eau pour produire un acide faible (H2CO3) qui permet la dissolution du carbonate de calcium (et d’autres types de roches). Les eaux souterraines plus profondes ont tendance à être alcalines, favorisant ainsi la précipitation des carbonates généralement trouvés plus profondément dans les profils de sol (horizons C)

.

 

Figure 14.2. Tendance générale de l’altération chimique dans le sol. Adapté de Warren (1994) par Lewis Fausak. © Jim Warren adapté par Lewis Fausak est sous licence CC BY (Attribution).

Alors que les minéraux primaires se forment par des processus géologiques, les minéraux secondaires sont un sous-produit de l’érosion chimique. Ils sont issus soit de l’altération chimique partielle des minéraux primaires, soit de la précipitation chimique de composants dissous dérivés d’autres minéraux. La plupart des minéraux secondaires sont des aluminosilicates hydratés ou des oxyhydroxydes de Fe et d’Al qui sont stables dans les sols. La plupart des aluminosilicates hydratés sont classés comme des phyllosilicates ou des minéraux argileux, qui sont les minéraux secondaires les plus abondants dans les sols canadiens. Ce sont des particules en forme de feuillets à grains très fins, caractérisées par un rapport surface/masse, aussi appelé surface spécifique (SS), très élevé. Étant donné que la SS est inversement proportionnelle au diamètre des particules, la fraction argileuse représente de loin la fraction minérale avec la plus grande surface d’échange des minéraux du sol (Chapter 5, Tableau 5.1).

Les minéraux argileux sont également les phases inorganiques les plus réactives chimiquement dans les sols, et la quantité et le type de minéraux argileux influencent de nombreuses propriétés du sol, notamment :

  • leur porosité et leur taille des pores;
  • leur expansibilité (comportement gonflant);
  • leur compressibilité et leur compactibilité;
  • leur capacité de sorption;
  • leur capacité d’échange; et,
  • leur conductivité hydraulique.

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Bien que des minéraux secondaires se forment et soient stables dans les sols à la surface de la Terre, la grande majorité des minéraux que l’on trouve dans les sols canadiens se sont formés dans un passé lointain, avant la fin de la glaciation du wisconsinien. La plupart des minéraux du sol déposé au cours de la dernière glaciation provenaient de sédiments de surface formés et déposés, probablement à plusieurs reprises, au cours des millénaires précédant la dernière glaciation. Bien que des minéraux secondaires continuent de se former dans nos sols en réponse à l’altération chimique, les quantités totales produites depuis le dernier événement glaciaire sont très faibles par rapport aux quantités redéposées lors des nombreuses glaciations du passé

MINÉRAUX et TAILLE DES PARTICULES

Une personne avec une vision de 20:20 peut distinguer à l’œil nu des particules individuelles aussi petites que ~30 µm (0,03 mm). Il s’agit de la séparation approximative entre les sables et les limons (0,05 mm) (Figure 14.3). Par comparaison, l’épaisseur d’un cheveu humain est comprise entre 0,1 et 0,04 mm. Cela signifie qu’un individu moyen avec une vue raisonnablement bonne peut facilement distinguer à l’œil nu (sans grossissement) les particules individuelles de sable mais pas la plupart des particules individuelles de limons, et certainement pas les particules d’argile. L’observation des particules de limons nécessite un grossissement à l’aide d’un microscope optique, tandis que les particules d’argile ne peuvent être examinées qu’en utilisant la microscopie électronique (Smart et Tovey, 1981) ou la microscopie à force atomique (Liu, 2003).

La distribution des minéraux du sol varie avec la taille des particules (Figure 14.3). Sur la base des fractions granulométriques définies dans le Système Canadien de Classification des Sols (SCWG 1998), la fraction sableuse (particules d’un diamètre compris entre 2 et 0,050 mm) est dominée par les minéraux primaires. Les minéraux primaires sont principalement du quartz, des feldspaths et d’autres minéraux silicatés primaires tandis que la fraction argileuse (<0,002 mm de diamètre) est dominée par des phyllosilicates secondaires et des oxyhydroxydes de fer et d’aluminium. La fraction limoneuse (0,05-0,002 mm de diamètre) est de taille intermédiaire entre les sables et les argiles et contient généralement un mélange de minéraux primaires et secondaires.

 

Figure 14.3. Distribution des minéraux du sol en fonction de la granulométrie. L’aire à l’intérieur de la figure représente l’abondance relative des minéraux. Les fractions granulométriques sont basées sur le Système Canadien de Classification des Sols (SCWG, 1998). © Adapté de Loganathan (1987) par Lewis Fausak. Sous licence CC BY (Attribution).

Abondance élémentaire et structures minérales

Il existe 91 éléments naturels, qui se trouvent tous à certaines concentrations dans le sol. Le tableau 14.1 fournit une liste de 70 éléments par ordre d’abondance décroissante dans les roches crustales et dans les sols. La plupart des éléments se substituent les uns aux autres dans la structure cristalline des minéraux en fonction de leur taille et de leur valence. Ceci sera discuté en détail dans ce chapitre. En fonction de la solubilité et de la résistance à l’altération chimique, la teneur de certains éléments contenus dans les minéraux du sol augmente par rapport à l’abondance dans la croûte continentale (par exemple Si et O), tandis que la concentration de la plupart des éléments diminue avec le temps (comparez l’abondance élémentaire de la croûte avec l’abondance du sol ; Tableau 14.1).

Table 14.1. Teneur totale (mg kg-1) en éléments dans les roches de la croûte terrestre continentale et dans les sols (Adapté de Bowen, 1979). Les éléments sont classés par ordre d’abondance décroissante

Élément Croûte Sol   Élément Croûte Sol
O 464000 490000 B 10 38
Si 281500 330000 Th 9.6 14
Al 81650 71000 Sm 6 6
Fe 53000 32000 Gd 5.4 3.5
Ca 38650 15000 Cs 3 3
Na 26150 10900 Dy 3 5.7
K 23950 18300 Yb 3 3.9
Mg 21950 8300 Hf 3 7.7
Ti 5050 5100 Be 2.8 1.5
P 1050 800 Er 2.8 3
Mn 950 760 U 2.7 2.2
F 625 270 Br 2.5 43
Ba 425 568 Sn 2 5.8
Sr 375 278 Ta 2 1.2
S 260 433 As 1.8 11
Zr 165 345 Ge 1.5 3
V 135 108 Mo 1.5 1.9
Cl 130 485 W 1.5 1.1
Cr 100 84 Eu 1.2 1.3
Rb 90 120 Ho 1.2 0.8
Ni 75 34 Tb 0.9 0.85
Zn 70 60 I 0.5 7.1
Ce 60 84 Lu 0.5 0.46
Cu 55 26 Tm 0.48 0.62
Y 33 28 Tl 0.45 0.25
La 30 41 Cd 0.2 0.6
Nd 28 44 Sb 0.2 1.7
Co 25 12 Bi 0.17 0.5
Sc 22 10 In 0.1 1
Li 20 31 Hg 0.08 0.1
Nb 20 14 Ag 0.07 0.05
Ga 15 21 Se 0.05 0.4
Pb 12 29 Pt 0.001 0.001
Pr 11 6.5 Au 0.001 0.001
Remarque: Le tableau n’inclut pas l’hydrogène, le carbone, l’azote, les gaz nobles ou les éléments trouvés en quantités d’ultra-traces (<0.001 mg kg-1). Voir https://earthref.org/GERMRD/10/ pour la version la plus récente de ce tableau. Voir Spiers et al. (1989a) pour les éléments des sols de l’Alberta.

Un examen plus approfondi des abondances élémentaires indique que les huit éléments les plus abondants (O, Si, Al, Fe, Ca, Na, K et Mg) représentent la quasi-totalité de la masse (99 %) de la croûte terrestre (Tableau 14.2). En outre, lorsqu’on considère les rayons atomiques, on voit que près de 85% de la croûte terrestre en volume est composée d’oxygène sous la forme d’oxydes. Plus précisément, les minéraux à base d’oxyde (O2-) forment la structure fondamentale de la plupart des minéraux de la croûte terrestre, les principaux cations (Si, Al, Fe, Ca, Na, K et Mg) s’insérant entre les atomes d’oxygène au niveau atomique.

Table 14.2. Rayons du O2- et des cations majeurs, abondance dans la croûte, ratios des rayons et nombres de coordinations prédits

Élément Rayon atomique (nm) Abondance massique (%) bondance volumique (%) Ratio des rayons Nombre de coordinations prédit (NC)
O2- 0.14 0.464 0.845 na* na*
Si4+ 0.04 0.282 0.012 0.29 4
Al3+ 0.054 0.0817 0.0083 0.38 4
Fe3+ 0.065 0.053 0.0094 0.46 6
Fe2+ 0.078 Incl.** Incl.** 0.56 6
Ca2+ 0.112 0.0387 0.0361 0.80 8
Na+ 0.097 0.0262 0.0285 0.69 6
K+ 0.151 0.022 0.0548 1.08 12
Mg2+ 0.072 0.024 0.0054 0.51 6
Total 0.9909 1
Remarque: *na = non applicable. **: l’abondance du Fe2+ est incluse avec Fe3+.

La structure cristalline des minéraux au niveau atomique peut être facilement visualisée si l’on considère que l’oxygène et les autres ions métalliques agissent comme des sphères rigides avec des rayons fixes. Bien que cela ne soit pas strictement vrai, il s’agit d’un concept utile pour visualiser les structures cristallines. La géométrie de ces sphères rigides est régie par les règles de Pauling (Pauling 1929) dont la première stipule que la distance entre un cation et un anion est la somme de leurs rayons. Les ions dans une structure cristalline ont tendance à rassembler autour d’eux autant d’ions de charges opposées que leur taille le permet. Le nombre d’ions O2- qui peuvent entourer un cation central est appelé le nombre de coordination (NC). Les gros cations (par exemple K+) ont des nombres de coordination élevés en raison de leurs grands volumes, tandis que les petits cations (par exemple, Si4+) ont des nombres de coordination faibles (Figure 14.4). Notez également que les cations combinant un grand rayon atomique et une faible valence (par exemple K+ et Na+) sont les plus mobiles tandis que ceux avec des rayons plus petits et une charge élevée (Si4+, Al3+ et Fe3+) sont beaucoup moins mobiles.

Figure 14.4: Tailles relatives (diamètres en nm) des ions majeurs des sols. © Maxime Paré est sous-licence CC BY (Attribution).

Étant donné que les ions ont tendance à s’entourer d’autant d’ions de charges opposées que possible, on peut prédire les nombres de coordination uniquement à partir des tailles relatives des ions, exprimées sous forme de ratio des rayons :

(1)   \begin{equation*}Ratio\;des\;rayons\; RR = \frac{Rayon\;du\;cation}{Rayon\;de\;l'anion\;(O^{2-})}\end{equation*}

Le tableau 14.3 fournit les gammes de ratios de rayons, les nombres de coordination et les unités structurelles correspondants. Certains chevauchements et incertitudes surviennent parce que l’hypothèse que les ions sont comme des sphères rigides avec des rayons constants n’est pas strictement vraie. Dans cet esprit, les ions sont généralement interchangeables si leur taille ne diffère pas d’environ 15 % et plus, et que leur valence ne diffère pas de plus d’une unité. En réalité, les ions ne sont pas sphériques, et leurs rayons et leurs nombres de coordination changent légèrement. Par conséquence, certains éléments ont communément plus d’une géométrie de coordination. Par exemple, l’aluminium se trouve couramment dans des unités tétraédriques (NC=4) et octaédriques (NC=6). La substitution de cations dans les structures minérales est appelée substitution isomorphe et sera discutée plus en détail plus loin dans ce chapitre.

La géométrie des ions autour d’un ion central peut être représentée sous la forme d’un polyèdre de coordination.  En minéralogie, ces polyèdres sont généralement construits à partir de l’arrangement d’anions autour de cations, mais les cations peuvent parfois être totalement absents. Le tétraèdre (structure à quatre côtés avec quatre atomes d’oxygène se coordonnant autour de Si) et l’octaèdre (structure à huit côtés avec six atomes d’oxygène se coordonnant autour de l’aluminium; Figure 14.5) sont de loin les structures polyédriques composant la plupart des minéraux du sol les plus courants. Étant donné que Si et O sont de loin les éléments les plus abondants dans le sol, les minéraux à structure tétraédrique constituent la base de nombreux minéraux primaires communs. Les phyllosilicates feuilletés composés d’une combinaison de tétraèdres de silice et d’octaèdres d’aluminium sont les minéraux secondaires dominant la fraction argileuse (<0,002 mm). Les phyllosilicates seront discutés plus en détail plus loin dans ce chapitre.

Table 14.3. Ratios des rayons, nombres de coordination et unités de structure minérale vis-à-vis de l’oxygène structural (O2-) correspondantes pour la plupart des cations

Gamme de Rcation/R(O2-) Nombre de Coordination (NC)) Unité polyédrique
0.155-0.225 3 Triangulaire
0.225-0.414 4 Tétraédrique
0.414-0.732 6 Octaédrique
0.732-1 8 Cubique
>1 12 Cuboctaèdre
Figure 14.5. Représentations schématiques a) d’une seule unité tétraédrique; b) d’une seule unité octaédrique. © Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg est sous licence CC BY (Attribution).

La différence fondamentale entre les structures minérales est le nombre d’atomes d’oxygène partagés entre les tétraèdres adjacents. Bien qu’il existe plusieurs types de structures et de classifications minérales, les minéraux du sol les plus courants sont de manière générale composés d’unités répétitives de tétraèdre de silicate (SiO4) qui entrent dans l’un des quatre types généraux de structures  simplifiées :

  • des tétraèdres de silice isolés (néosilicates) ;
  • chaînes de tétraèdres de silice (inosilicates) ;
  • structure de tétraèdres (tectosilicates) ; et,
  • feuillets de tétraèdres (associées à des unités octaédriques; phyllosilicates).

Certains minéraux communs du sol sont indiqués dans le tableau 14.4 et répertoriés en fonction de la quantité d’atomes d’oxygène partagés entre les tétraèdres adjacents.

Table 14.4. Quelques-uns des minéraux les plus communs du sol

Partage d’oxygène dans les tétraèdres Groupes minéraux communs Exemple de minéraux Composition idéale généralisée
Néosilicates Olivines Fostérite Mg2SiO4
Pas de partage d’oxygène
Tétraèdres isolés Fayalite Fe(II)2SiO4
Inosilicates Pyroxènes Enstatite MgSiO3
Un oxygène en partage Diopside (Ca,Mg)SiO3
Augite (Ca,Mg,Fe(II),Al)SiO3
Inosilicates Amphiboles Trémolite Ca2Mg5[Si8O22(OH)2]
Deux oxygènes en partage Actinolite Ca2(Mg,Fe(II))5[Si8O22(OH)2]
Hornblende (Ca,Na)(Mg,Fe(II),Al)5[(Al,Si)8O22(OH)2]
Phyllosilicates Kaolinite Si2Al2O5(OH)4
Trois oxygènes en partage Muscovite KAl3(AlSi3)O10(OH)2
Tectosilicates : les quatre oxygènes en partage Structure de tétraèdres Quartz α-SiO2
Feldspaths (Ca,Na,K)(AlxSi(3-x))O8

MINÉRAUX DE LA FRACTION SABLEUSE (2 mm – 0.05 mm)

Quartz

Le quartz (SiO2), ou plus précisément le α-quartz (α-SiO2), est le minéral le plus courant dans les sols canadiens, représentant généralement la majorité de la fraction sableuse (Figure 14.3). Le quartz est un tectosilicate (un silicate de structure) dont les quatre atomes d’oxygène des tétraèdres de silice sont partagés avec les tétraèdres Al, Si3 adjacents (Figure 14.6). Il appartient au système cristallin hexagonal.

Lorsque les tétraèdres partagent tous les atomes d’oxygène avec les tétraèdres adjacents, ils forment une structure tridimensionnelle très solide de liaisons Si-O. Le quartz est essentiellement du SiO2 pur. La charge négative des atomes de O est exactement équilibrée par les atomes de Si, ne nécessitant aucun autre ion de liaison. Au microscope, la plupart des spécimens sont généralement des fragments brillants de forme irrégulière à l’aspect blanc, laiteux et parfois clair. La structure chimique en 3D du quartz est typique des tectosilicates. SiO2 est l’unité de base, qui est répliquée dans une configuration tétraédrique. Les liaisons Si-O sont des liaisons covalentes très fortes et très résistantes à l’altération. La solubilité du quartz est donc très faible et son taux d’altération (dissolution) extrêmement lent. Ceci le rend très persistant dans le sol par rapport à d’autres minéraux, ce qui conduit à son accumulation relative au fil du temps (par exemple, dans les horizons Ae des sols podzoliques et luvisoliques). À l’œil, le quartz apparaît généralement sous forme de fragments vitreux clairs, blancs ou gris, mais il existe parfois sous forme de fragments jaunes, bruns, violets, roses ou rouges qui peuvent facilement être vus à l’œil nu ou à la loupe. Le quartz constitue généralement environ 40 à 60% de la fraction sableuse (2,0 à 0,05 mm), une grosse proportion de la fraction limoneuse (0,05 à 0,002 mm) et une faible proportion de la fraction argileuse (<0,002 mm) des sols canadiens (Figure 14.3).

Figure 14.6. Représentation schématique de la structure atomique tridimensionnelle du quartz. L’illustration est tirée du site internet d’enseignement de la géologie Open-geology (https://opengeology.org/Mineralogy/13-crystal-structures/). © Dexter Perkins, Université du Nord Dakota (open e-texbook Mineralogy 2020), est sous licence CC BY-NC-SA (Attribution NonCommercial ShareAlike).

Feldspaths

Les feldspaths sont après le quartz le deuxième groupe de tectosilicate le plus répandu dans le sol, représentant généralement 15 à 35 % de la fraction sableuse (Figure 14.3). Les feldspaths constituent une grande partie des roches granitiques et métamorphiques. Par conséquent, ils constituent une partie importante de notre sol. Il existe de nombreuses espèces minérales composant le groupe des feldspaths, toutes ayant une formule générale de la forme X(Al,Si)4O8, où X est le plus souvent K, Na ou Ca, et les ions Al et Si constituent les unités tétraédriques. D’autres ions tels que Ba, Zn, Rb, Sr et Fe remplacent également X dans les structures de feldspath (King 2020). Les feldspaths apparaissent généralement blanc cassé, avec diverses nuances de rouge, d’orange, de brun et parfois de vert. La structure tridimensionnelle des feldspaths est constituée d’unités allant de AlSi3O8 à Al2Si2O8 dans une configuration en « ruban coudés » (Figure 14.7a). La charge négative de la structure, causée par la substitution de certains atomes de Si par Al dans la structure des coudes, est neutralisée par des cations K, Na ou Ca qui se logent dans les vides des coudes.

 

Figure 14.7. (a) Agencement atomique dans la structure (ruban coudé) des feldspaths. © Darshani Kumaragamage. CC BY. (b) Diagramme ternaire de composition des minéraux de feldspath. Adapté de King (2020) par Jim Warren. © King 2020; Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg adapté par Jim Warren.

Les minéraux de feldspath les plus courants et leurs gammes de composition sont illustrés dans le diagramme ternaire de la Figure 14.7b. Orthoclase et microcline sont les noms de minéraux donnés aux feldspaths ayant une composition chimique similaire et dont la structure est dominée par le potassium (KAlSi3O8) accompagné de quantités mineures (jusqu’à environ 25%) de Na à la place de K (Figure 14.7B). L’orthose et la microcline sont polymorphes, ce qui signifie qu’ils ont la même composition chimique mais des formes cristallines différentes. L’orthoclase a une forme cristalline monoclinique tandis que le microcline est triclinique. Les feldspaths contenant plus de 25 % de Na mais moins de 75 % de K constituent le minéral sanidine [(K,Na)AlSi3O8]. Ces feldspaths, quelle que soit leur composition en K et Na (orthoclase/microcline, sanidine à albite) sont généralement appelés feldspaths alcalins (Figure 14.7B). Les feldspaths sodiques et calciques appartiennent à une série continue appelée la série des plagioclases. Leur composition va de NaAlSi3O8 à CaAl2Si2O8, et la variation de charge résultant de la quantité de Na et de Ca dans la structure est neutralisée par substitution d’Al par Si dans les coudes tétraédriques. Les feldspaths plagioclases sont nommés spécifiquement à leur composition (tableau 14.5). La série de minéraux des plagioclases est un exemple de série de solution solide dans laquelle la composition chimique varie entre deux pôles compositionnels (deux minéraux situés aux extrémités de la série; c’est-à-dire, albite; NaAlSi3O8 et anorthite; CaAl2Si2O8) qui partagent la même formule chimique de base mais ont avec des substitutions élémentaires différentes à un ou plusieurs sites atomiques.

Le quartz et les feldspaths ont une densité et une dureté similaires, ils ont donc tendance à être transportés et déposés ensemble. Contrairement au quartz, les feldspaths ont plusieurs plans de clivage le long desquels les minéraux se fracturent, ce qui les rend cassants et plus sujets à la rupture mécanique lors d’impacts au moment du transport physique. Ces plans de clivage sont des plans de faiblesse le long desquels l’eau et les exsudats microbiens peuvent s’infiltrer et accélérer leur altération chimique. Des organismes tels que des bactéries et des hyphes fongiques infiltrent également ces plans de faiblesse et accélèrent la dégradation des feldspaths. Par conséquent, les feldspaths ont tendance à s’altérer et à se dissoudre plus rapidement que le quartz (Cousineau, 2020).

Table 14.5. Gamme de composition des feldspaths plagioclases

Nom du minéral % NaAlSi3O8 % CaAl2Si2O8 Gamme de Composition
Albite  90-100 0-10 Na(Al,Si3O8) – Na0.9Ca0.1(Al1.1Si2.9O8)
Oligoclase 70-90 10-30 Na0.9Ca0.1(Al1.1Si2.9O8) – Na0.7Ca0.3(Al1.3Si2.7O8)
Andésine 50-70 30-50 Na0.7Ca0.3(Al1.3Si2.7O8) - Na0.5Ca0.5(Al1.5Si2.5O8)
Labradorite 30-50 50-70 Na0.5Ca0.5(Al1.5Si2.5O8) - Na0.3Ca0.7(Al1.7Si2.3O8)
Bytownite 10-30 70-90 Na0.3Ca0.7(Al1.7Si2.3O8) - Na0.1Ca0.9(Al1.9Si2.9O8)
Anorthite 0-10 90-100 Na0.1Ca0.9(Al1.9Si2.9O8) - Ca(Al2Si2O8

Minéraux “lourds”

Les minéraux « lourds » représentent un groupe généralisé d’« autres » minéraux primaires que l’on ne trouve habituellement qu’en petites quantités (2 à 5 %) dans la fraction sableuse des sols canadiens. Plusieurs de ces minéraux sont de couleur foncée en raison de leur teneur élevée en Fe et Mg. D’autres comme le grenat et l’hématite sont rouge foncé, et le zircon est jaune à incolore. Les minéraux lourds peuvent être isolés des fractions sableuses et limoneuses par le biais d’une séparation par densité (Andò, 2020). Les minéraux lourds ne se trouvent généralement pas dans la fraction argileuse. La plupart des minéraux lourds sont généralement définis comme ayant une densité de particules (gravité spécifique) supérieure à 2,90 g/cm3 (Andò, 2020). Certains minéraux communément trouvés dans la fraction sableuse des sols sont listés dans le tableau 14.6. Bien que les minéraux lourds ne soient qu’un composant minéral mineur de la fraction sableuse, leur altération progressive peut fournir de nombreux éléments nutritifs essentiels aux plantes.

Une fois isolée, la fraction minérale lourde peut être examinée par le biais de plusieurs méthodes, notamment la microscopie optique et électronique couplée à des techniques d’apprentissage automatique par ordinateur (Maitre et al., 2019), mais aussi par diffraction des rayons X sur poudre et d’autres méthodes physiques ou chimiques. Les minéraux lourds comprennent généralement des minéraux mafiques avec des concentrations typiquement élevées en Fe et Mg. Macroscopiquement, les pyroxènes et les amphiboles peuvent être difficiles à distinguer les uns des autres, car ils sont tous deux de couleur sombre. En règle générale, les cristaux de pyroxène sont des cristaux plus courts, tandis que les amphiboles forment des cristaux plus longs en forme d’aiguilles (aciculaires). D’autres minéraux dans la fraction minérale lourde peuvent inclure des grenats (X3Al2Si3O12 où X peut être Mg, Fe(II), Mn ou Ca), la magnétite (Fe3O4), la chromite (Fe,Cr(III)2O4), l’hématite (Fe2O3), le zircon (ZrSiO4) et le rutile (TiO2).

Table 14.6. Exemples de minéraux communs de la fraction sableuse avec leurs densités

Gamme de densité Minéraux Densité (g cm-3)
Fraction “légère”
(Densité <2.9 g cm-3)
Quartz 2.65
Feldspaths 2.55-2.76
Fraction “lourde”
(Densité >2.9 g cm-3)
Olivine 3.22-4.39
Augite (pyroxène) 2.96-3.52
Hornblende (amphibole) 3.02-3.45
Hématite (Fe2O3) 5.26
Magnétite (Fe3O4) 5.2

MINÉRAUX DE LA FRACTION LIMONEUSE (0.05 – 0.002 mm)

La fraction limoneuse des sols est intermédiaire en taille et en minéralogie aux fractions sableuse et argileuse. La fraction limoneuse contient donc un mélange physique de minéraux trouvés à la fois dans la fraction sableuse et argileuse. Les lecteurs sont donc invités à lire les sections de ce chapitre qui se rapportent aux minéraux de cette fraction pour une discussion plus approfondie.

Pouvez-vous Creuser!

Les termes « argiles » et « minéraux argileux » sont souvent utilisés de manière interchangeable et sont répandus dans la littérature scientifique ; cependant, leur utilisation peut être ambiguë et parfois trompeuse. Le terme « argile » est généralement utilisé pour désigner un sol argileux ou sa fraction argileuse (particules <0,002 mm de diamètre). Les « minéraux argileux » se réfèrent spécifiquement aux phyllosilicates qui représentent la majorité de « l’argile » du sol mais n’incluent pas les oxyhydroxydes et les aluminosilicates amorphes. Bien qu’il ne s’agisse pas de phyllosilicates, de nombreux minéraux de la fraction sableuse décrits ci-dessus peuvent également être présents dans la fraction argileuse.

MINÉRAUX DE LA FRACTION ARGILEUSE (<0.002 mm)

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la fraction argileuse est composée principalement d’aluminosilicates hydratés secondaires. Ces minéraux sont à grains très fins et ont donc une SS (surface spécifique) très élevée, et représentent la plus grande partie de la surface minérale disponible et réactive dans le sol (Chapter 5, Tableau 5.1). De plus, les minéraux de la fraction argileuse ont une charge permanente qui varie avec le pH, ce qui les rend capable d’attirer et de retenir les éléments nutritifs pour les plantes avec des impacts directs et indirects sur la fertilité du sol. En bref, ce sont les phases inorganiques les plus chimiquement actives du sol.

SILICATES STRATIFIÉS: PHYLLOSILICATES

Les silicates stratifiés ou en feuillets, appelés phyllosilicates (du grec ancien phyllon signifiant feuille), sont de loin le type de minéral le plus courant dans la fraction argileuse. Ils apparaissent sous forme de structures en feuillets plates dans les microphotographies (par exemple, Beutelspacher et Van Der Marel, 1968 ). Les phyllosilicates sont des minéraux cristallins, avec une structure constituée de couches d’unités atomiques répétitives; d’où leur nom d’aluminosilicates « en couches » ou « feuillets ». Les couches fondamentales sont composées de feuillets tétraédriques et octaédriques qui se présentent sous différentes combinaisons pour former différentes espèces minérales de phyllosilicates.

Les feuillets tétraédriques sont composés d’unités répétitives de tétraèdre (à quatre côtés) contenant chacune un atome de Si entouré de quatre atomes d’O. Trois des quatre atomes d’O sont partagés avec des unités tétraédriques adjacentes, appelées atomes O basaux. L’atome d’O qui n’est pas partagé est appelé O apical (Figure 14.8). Les atomes d’O basaux partagés se combinent pour former des feuillets qui se poursuivent en deux dimensions ad infinitum.

Figure. 14.8. Arrangements atomiques dans les feuillets tétraédriques © Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg est sous licence CC BY (Attribution).

Les feuillets octaédriques trouvés dans les phyllosilicates sont composés de plusieurs unités d’octaèdre, chaque unité contenant des atomes d’Al et/ou de Mg entourés de six atomes d’O ou groupes OH-. Trois atomes d’O (ou groupes OH-) se trouvent dans le plan inférieur, et trois atomes d’O (ou groupes OH-) dans le plan supérieur, prenant en sandwich des atomes d’aluminium ou de magnésium formant une configuration à huit côtés (octaédrique) et une forme pseudohexagonale. Ces unités se combinent en partageant des atomes d’O pour former un feuillet octaédrique s’étendant en deux dimensions à l’infini (Figure 14.9). Lorsque le cation central de l’octaèdre est trivalent, comme l’aluminium (Al3+), seuls deux des trois sites cationiques (2/3) d’un feuillet octaédrique doivent être remplis afin de neutraliser la charge des atomes d’O ou des ions OH environnants. Dans ce cas, le feuillet octaédrique est appelé dioctaèdre (Figure 14.9). Lorsque le cation central de l’octaèdre est divalent, tel que le Mg2+, les trois sites de cations (3/3) d’un feuillet octaédrique doivent être remplis afin de neutraliser la charge négative de l’O ou de l’OH- environnant. Dans ce cas, le feuillet octaédrique est appelé trioctaèdre (Figure 14.9).

Figure 14.9. Arrangement atomique dans les feuilles octaédriques. © Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg est sous licence CC BY (Attribution).

Les structures des phyllosilicates consistent en une combinaison de feuillets tétraédriques et octaédriques par le partage de l’atome O apical du feuillet tétraédrique avec des atomes O du feuillet octaédrique. Les phyllosilicates composés d’un feuillet tétraédrique et d’un feuillet octaédrique sont appelés phyllosilicates de type 1:1. Ceux composés de deux feuillets tétraédriques prenant en sandwich un feuillet octaédrique sont appelés phyllosilicates de type 2:1. Les phyllosilicates se composent de plusieurs couches (de type 1:1 ou de type 2:1) empilées les unes sur les autres et stabilisées par une sorte de liaison chimique. La région située entre deux couches 1:1 ou 2:1 adjacentes est appelée « région intercalaire ». Certains phyllosilicates de type 2:1 peuvent également contenir un feuillet octaédrique supplémentaire composé entièrement d’hydroxydes dans la région intercalaire. Ceux-ci sont appelés phyllosilicates de type 2:1:1 ou 2:2. Le comportement de base et les propriétés des différents phyllosilicates sont dictés en grande partie par les caractéristiques de la région intercalaire des argiles d’un sol donné.

Substitution Isomorphe

En plus de leur SS extrêmement élevée, les phyllosilicates sont également chargés électriquement en raison de la substitution des cations centraux des feuillets tétraédriques ou octaédriques par d’autres cations de taille similaire mais de valence différente (Tableau 14.2). Le tableau 14.3 fournit des gammes de ratios de rayons correspondant aux nombres de coordination communs et à leurs unités structurelles correspondantes. Les ions sont généralement interchangeables au sein d’une structure si leur taille ne diffère pas de plus d’environ 15 % et leur valence de plus d’une unité. La substitution se produit au moment où les phyllosilicates se forment. La substitution d’un cation par un autre de valence inférieure mais de taille similaire confère une charge négative nette à la structure du minéral car la charge sur les atomes O environnants n’est pas complètement équilibrée. Par exemple, l’aluminium trivalent (Al3+) peut remplacer certains des atomes de silicium tétravalent (Si4+) dans le feuillet tétraédrique. La charge moindre de Al par rapport à Si crée un déficit de charge qui résulte en une charge négative nette dans le feuillet tétraédrique de la structure. De même, dans les feuillets dioctaédriques, Mg2+, Fe2+ ou d’autres cations divalents peuvent remplacer certains Al3+, produisant une charge négative supplémentaire associée au feuillet octaédrique de la structure. De même, Li+, bien que présent en faible quantité (Tableau 14.1), se substitue aussi parfois au Mg2+ dans les phyllosilicates trioctaédriques (lépidolite).

Pour neutraliser les charges négatives produites par les substitutions isomorphes au sein de la structure des phyllosilicates, des cations de la solution du sol chargés positivement sont attirés à la surface des minéraux. Ces cations neutralisants qui migrent dans la région intercalaire des phyllosilicates sont appelés capacité d'échange cationique (CEC). L’abondance des sites de charges négatives (la densité de charges), l’emplacement des charges négatives (feuillets tétraédriques et/ou octaédriques) et le type de cations neutralisants dans la région intercalaire (par exemple, Na+, Ca2+, Mg2+, K+ ou autre) déterminent la capacité d’expansion du phyllosilicate (argile gonflante) et sa capacité à retenir les éléments nutritifs du sol.

La Région Intercalaire

En plus d’attirer et de retenir les cations, la nature de la région intercalaire de certains phyllosilicates peut également être contrôlée par des liaisons hydrogène. Dans les minéraux argileux de type 1:1, les groupes hydroxyles associés au feuillet octaédrique de la structure font face à une couche d’atomes O apicaux de la couche 1:1 adjacente (Figure 14.10). Ainsi, la liaison hydrogène maintient les couches 1:1 étroitement ensemble en une structure très stable. Par conséquent, tous les phyllosilicates de type 1:1 ne se dilatent pas et ne sont pas gonflants.

En revanche, il n’y a pas de liaison hydrogène dans les minéraux argileux 2:1 car les atomes d’O basaux dans les deux couches adjacentes se font face en l’absence de groupes OH (Figure 14.11). Ainsi, les couches unitaires sont maintenues ensemble par des forces électrostatiques plus faibles. Ces forces électrostatiques faibles résultent de la présence d’un cation dans la région intercalaire qui neutralise les charges négatives causées par les substitutions isomorphes au sein des structures en couches. Les cations intercalaires correspondent à n’importe quelle combinaison de Ca2+, Mg2+, Na+, K+, NH4+, Zn2+, Cu2+, Mn2+, Ni2+, de fer (Fe2+, Fe3+), d’aluminium (Al3+) ou autres. Ces cations sont généralement échangeables et sont associés à une certaine quantité d’eau.

Le degré d’expansion d’un minéral argileux 2:1 dépend de la charge totale de la couche, de l’emplacement des charges (sites tétraédriques face aux sites octaédriques) et de la nature des cations échangeables. Les phyllosilicates 2:1 ayant une faible charge – généralement associés aux feuillets octaédriques – présentent généralement une capacité de gonflement. Les propriétés de gonflement d’un sol sont généralement associées à la présence de smectite (voir Tableau 14.7). Les phyllosilicates 2:1 avec une charge de couche plus élevée (> 0,6 par unité de formule) – généralement associés aux feuillets tétraédriques – sont beaucoup moins susceptibles de présenter des propriétés de gonflement. Les phyllosilicates non-gonflants 2:1 sont les vermiculites et les micas (Tableau 14.7).

L’eau est une molécule polaire, ce qui lui permet le développement de sphères d’hydratation avec le cation échangeable. Les cations divalents tels que Ca2+ et Mg2+ sont généralement associés à deux couches d’eau dans la région intercalaire des minéraux argileux 2:1 dont la charge de couche totale est inférieure. Les gros cations monovalents tels que Na+ et K+, ayant une charge plus faible, n’ont pas le même potentiel que les cations divalents pour maintenir ensemble les structures 2:1; ils permettent donc l’incorporation d’une quantité plus importante de molécules d’eau dans la région intercalaire. Les structures 2:1 peuvent se séparer d’une distance plusieurs fois supérieure à celle de leur configuration d’origine (c’est-à-dire lorsque la structure est « sèche »). De ce fait, on dit que l’argile est une argile gonflante. Ceci est typique du groupe des smectites des phyllosilicates 2:1 (voir ci-dessous). Notez qu’en plus de l’eau, des molécules organiques polaires peuvent également migrer dans la région intercalaire.

Dans certains cas, le cation intercalaire dans les phyllosilicates de type 2:1 peut être hydroxylé six fois (coordination octaédrique). C’est le cas pour Al, Mg et Fe. Dans ce cas, la couche intercalaire se remplit d’un feuillet octaédrique supplémentaire qui ne partage pas d’atomes d’O avec la couche 2:1 principale mais est liée par une liaison hydrogène aux surfaces d’oxydes adjacentes, formant un phyllosilicate de type 2:1:1 (ou 2 :2). Ces types de phyllosilicates appartiennent au groupe des chlorites ou, plus généralement, aux chlorites.

Phyllosilicates communs

Il existe environ 50 espèces de phyllosilicates, mais la plupart sont rares ou se trouvent dans des sols associés à des gisements géologiques spécifiques (par exemple, l’halloysite dans les sols de cendres volcaniques dans les régions humides). Un schéma de classification général des phyllosilicates les plus courants est présenté dans le tableau 14.7. Les cinq espèces de phyllosilicates (kaolinite, smectite [montmorillonite et beidellite], micas [y compris mica hydraté ou illite], vermiculite et chlorite) couramment identifiées dans les sols canadiens sont présentées en détail ci-dessous.

Table 14.7. Classification générale de certains phyllosilicates

Type Groupe
x = charge par unité de formule
Sous-groupe Exemple d’espèces Formule unitaire idéalisée*
1:1 Kaolinite
x~0
Kaolinite Kaolinite Si2,Al2O5(OH)4
Halloysite Si2,Al2O5(OH)4 2H2O
Serpentines Serpentine Si2,Mg3O5(OH)4
2:1 Pyrophyllite-talc
x~0
Pyrophyllite Pyrophyllite Si4,Al2O10(OH)2
Talc Talc Si4,Mg3O10(OH)2
Smectite
x ≈ 0.25–0.6
Dioctaèdre Montmorillonite 0.33M+Si4(Al1.67,Mg0.33)O10(OH)2
Beidellite  0.33M+(Si3.67Al0.33)(Al2.00)O10(OH)2
Nontronite  0.33M+(Si3.67Al0.33)(Fe(III)2.00)O10(OH)2
Trioctaédrique Saponite  0.33M+(Si3.67Al0.33)(Mg3.00)O10(OH)2
Hectorite 
Vermiculite 
x ≈ 0.6–0.9
Dioctaédrique   Vermiculite dioctaédrique   0.86M+(Si3.47Al0.53)(Al1.67Mg0.33)O10(OH)2
Trioctaédrique Vermiculite trioctaédrique 0.86M+(Si3.47Al0.53)(Al1.67Mg0.33)O10(OH)2
Micas 
x ≈ 1
Dioctaédrique  Muscovite  K1.00(Si3.00Al1.00)(Al2.00)O10(OH)2
Paragonite
Trioctaédrique Biotite  K1.00(Si3.00Al1.00)(Fe(II)3.00)O10(OH)2
Phlogopite 
2:1:1 Chlorite 
x = variable
Di-Dioctaédrique Donbassite (Al2(OH)6)(Si,Al)4Al2O10(OH)2
Tri-Dioctaédrique Sudoite (Mg3(OH)6)(Si,Al)4 Al2O10(OH)2
Di-Trioctaédrique Ferri-sudoite (Al2(OH)6)(Si,Al)4(Mg,Fe)3O10(OH)2
Tri-Trioctaédrique Clinochlore (Mg3(OH)6)(Si,Al)4(Mg,Fe)3O10(OH)2
*La séquence d'éléments dans l'unité de formule idéalisée suit l'ordre : cation échangeable (le cas échéant) ou feuillet octaédrique intercalaire ; cations tétraédriques; cations octaédriques; oxygènes et hydroxyles. Dans chaque feuillet, le cation majeur (par exemple la silice) est suivi du ou des cations de substitution isomorphe.

La kaolinite est un minéral argileux de type 1:1 constitué d’un feuillet tétraédrique et d’un feuillet octaédrique (Figure 14.10). Les couches 1:1 sont maintenues ensemble par des liaisons hydrogène intercalaires. En conséquence, la structure n’est pas extensible car les molécules d’eau ne peuvent pas pénétrer dans la région intercalaire. La kaolinite gonfle très peu lorsqu’elle est mouillée et se rétracte peu lorsqu’elle est sèche. La couche intercalaire n’est pas exposée, ce qui réduit la surface spécifique. Le minéral n’a presque pas de substitution isomorphe; par conséquent, les minéraux de kaolinite ont une faible charge de surface et une faible CEC, bien qu’ils aient quelques sites de charge variable en bordure. La kaolinite est le phyllosilicate de type 1:1 le plus courant et est omniprésente dans les sols canadiens.

Figure 14.10. Structure idéalisée de la kaolinite. © Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg est sous licence CC BY (Attribution).

La smectite est un phyllosilicate de type 2:1 à forte capacité d’expansion (Figure 14.11). Il existe deux espèces communes de smectite : la montmorillonite et la beidellite. La quantité de substitution isomorphe dans les deux minéraux est modérée par rapport aux autres phyllosilicates de type 2:1. La charge de couche pour les smectites est de l’ordre d’environ 0,25 à 0,6 site par unité de formule (Mx+(Si,Al)4(Al,Mg)2O10(OH)2) où Mx+ fait généralement référence à des cations échangeables (par exemple, Na+, Mg2+, K+, Ca2+, etc.). La montmorillonite et la beidellite ont des charges de couche totales comparables mais se différencient par l’emplacement des charges de couche dans la structure (Tableau 14.7). Dans la montmorillonite, la majeure partie de la charge de couche est logée dans le feuillet octaédrique tandis que pour la beidellite, la majeure partie de la charge est associée au feuillet tétraédrique. Leur surface spécifique est élevée (environ 800 m2 g-1) et les molécules d’eau et les cations peuvent pénétrer dans l’espace intercalaire.

Les sols riches en smectite sont collants lorsqu’ils sont humides et forment de grandes fissures dans des conditions sèches. Les sols à texture argileuse contenant plus de 60 % d’argile, dont au moins la moitié est de la smectite, sont classifiés comme des Vertisols au Canada (SCGW, 1998). Ces sols sont décrits comme des sols « d’auto-paillage » car des cycles répétés d’humectation et de dessiccation forment des faces de glissement. Ces dernières sont des surfaces polies au contact de peds opposés. Les peds se trouvent le long de fissures causées par des mouvements de matériaux lors de la rétractation et de la dilatation en réponse aux cycles d’humectation et de dessiccation. Le processus pédogénétique à l’origine de la formation de faces de glissement est appelé argilipédoturbation, lequel est particulièrement courant dans les sols vertisoliques qui se forment à partir de matériaux parentaux glacio-lacustres riches en smectite reytrouvés généralement dans les provinces des Prairies canadiennes.

Figure 14.11. Structures idéalisées de la smectite et de la vermiculite. © Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg est sous licence CC BY (Attribution).

Les micas, y compris le mica/illite hydraté, sont des minéraux argileux de type 2:1 avec deux feuillets tétraédriques prenant en sandwich un feuillet octaédrique. Les couches 2:1 sont maintenues étroitement ensemble par un ion K+ (de grand rayon) dans la région intercalaire (Figure 14.12). La structure des micas est similaire à celle des smectites sauf que la charge de la couche est beaucoup plus élevée (environ 1 par unité de formule) et les substitutions isomorphes se produisent presque exclusivement dans les feuillets tétraédriques. Le potassium occupe presque exclusivement la région intercalaire. La charge de couche très élevée, combinée à l’emplacement de la charge dans les feuillets tétraédriques très près de la région intercalaire, empêche l’expansion du minéral. Les micas sont des minéraux primaires dérivés du granite et des roches métamorphiques du Bouclier Canadien. Des mica/illites hydratés se forment dans le sol à partir de l’altération partielle des micas. Les micas et le mica/illite hydraté se trouvent dans presque tous les sols du Canada. Il existe deux espèces communes de micas qui se distinguent par la nature du feuillet octaédrique, à savoir la muscovite dioctaédrique et la biotite trioctaédrique (Tableau 14.7).

Le mica/illite hydraté est un produit d’altération partielle des micas, dont une partie (jusqu’à 20 à 30 %) des ions K+ de la couche intercalaire a été éliminée et remplacée par d’autres cations échangeables. Des ions Al3+ tétraédriques sont aussi absents de la structure. Le mica/illite hydraté est généralement produit par l’altération de la muscovite dioctaédrique, tandis que la structure de la biotite trioctaédrique se décompose généralement en totalité en raison de la relative vulnérabilité aux attaques chimiques du fer (Fe(II)) de la structure.

Bien que la structure de base des micas et du mica/illite hydraté soit similaire à celle de la smectite, leurs propriétés sont très différentes, principalement en raison de la plus grande quantité de substitution isomorphe dans le feuillet tétraédrique, où Al3+ remplace Si4+ (Figure 14.12). La forte charge négative située dans les feuillets tétraédriques près de la surface intercalaire est équilibrée par des ions K+, bloquant les couches adjacentes ensemble. Ainsi, le minéral a une expansion limitée car les molécules d’eau ne peuvent pas pénétrer dans l’espace intercalaire. Puisque le piégeage des ions K+ entre les couches adjacentes empêche l’expansion, la CEC est faible.

Figure 14.12. Structure idéalisée d’un mica muscovite. © Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg est sous licence CC BY (Attribution).

La vermiculite est un phyllosilicate de type 2:1 dont la structure est similaire à celle de la smectite et des micas. La charge de la couche est comprise entre 0,6 et 0,9 site par unité de formule (Mx+(Si,Al)4Al2O10(OH)2),

ce qui est intermédiaire entre les micas et la smectite (Figure 14.13). Comme dans les micas, la charge de couche est située presque exclusivement à l’intérieur du feuillet tétraédrique. La capacité d’expansion de la vermiculite est limitée et ses capacités de gonflement et de rétraction sont modérées. Une charge de couche inférieure à celle des micas mais supérieure à celle de la smectite combinée à des substitutions isomorphes majoritairement localisées dans le feuillet tétraédrique, confère à la vermiculite une charge de surface et une CEC élevées. Du fait de sa structure similaire à celle des micas, la vermiculite est capable de piéger les ions K+ dans la région intercalaire.

La chlorite est le nom d’un minéral, ainsi que d’un groupe de phyllosilicates de type 2:1:1 (ou 2:2) constitués d’une structure en couches 2:1 avec une couche d’hydroxydes dans la région intercalaire (Kohut et Warren 2002). La chlorite minérale est l’espèce la plus commune au sein du groupe des chlorites. La structure est composée d’une couche d’hydroxyde d’Al, de Mg ou de Fe en coordination sextuple (octaédrique) dans la région intercalaire entre les couches de type 2:1 (Figure 14.13). Cette couche hydroxyle intercalaire ne partage pas d’atomes O avec la couche principale 2:1. La couche d’hydroxyde est liée aux couches 2:1 adjacentes par une liaison hydrogène et n’est pas expansible (Figure 14.13). La quantité de substitutions isomorphe est variable, mais comme la structure n’est pas expansible, la CEC globale est faible.

Figure 14.13. Structure idéalisée d’une chlorite tri-dioctaédrale. © Darshani Kumaragamage, Univ. de Winnipeg est sous licence CC BY (Attribution).

Capacité d’Échange et Surface Spécifique

La fraction argileuse de la plupart des sols canadiens contient généralement un mélange des cinq phyllosilicates courants ainsi que de petites quantités d’aluminosilicatesamorphes et d’oxyhydroxydes de Fe et/ou d’Al. Les proportions sont principalement fonction de l’origine des matériaux d’origine du sol. Les variations des propriétés globales d’échange d’ions et d’adsorption des sols dépendent du mélange de phyllosilicates en présence. Les deux principales différences entre les phyllosilicates, c’est-à-dire leur CEC et leur surface spécifique, sont résumées dans le tableau 14.8. La kaolinite a très peu de substitutions isomorphes et n’est pas expansible. Par conséquent, elle a une CEC très faible et toute la surface réactive est associée aux surfaces externes de la structure. Le mica/illite hydraté et les chlorites ont une quantité significative de substitutions isomorphes. Cependant, comme leurs régions intercalaires contiennent respectivement des K+ fermement liés et une couche d’hydroxyde supplémentaire, l’expansion de la couche est inhibée. Ainsi, la CEC est limitée et les structures ne sont pas expansibles. Les smectites ont un nombre de substitutions isomorphes intermédiaire couplé à la capacité d’accueillir des cations échangeables dans la région intercalaire. Par conséquent, la CEC et la superficie totale sont élevées. Les sols contenant des smectites sont connus pour leur forte plasticité, leur cohésion et leur capacité caractéristique à gonfler lorsqu’ils sont humides et à rétrécir lorsqu’ils sont secs. Les vermiculites ont davantage de substitutions isomorphes par rapport aux smectites, et ont donc une CEC plus élevée; cependant, la plupart de la charge dans les vermiculites est concentrée dans les feuillets tétraédriques proches de la région intercalaire, ce qui lui confère une plus grande attraction électrostatique pour les cations échangeables de la région intercalaire. En conséquence, bien que la surface spécifique totale de la vermiculite soit similaire à celle des smectites, l’expansion de la couche des structures de vermiculite est limitée en raison de l’entrée restreinte de l’eau dans la région intercalaire.

Table 14.8. Gammes de Capacité d’Échange Cationique (CEC), et surfaces internes et externes dans des phyllosilicates et autres colloïdes communs. (Adapté de Weil et Brady, 2017)

Phyllosilicate/Colloïde CEC 
(cmol(+) kg-1)
Surface spécifique externe
(m2 g-1)
Surface spécifique interne
(m2 g-1)
Kaolinite 2-16 5-15 ~0
Chlorite 10 - 40 5-20 ~0
Mica/Illite hydraté 20 - 40 100 - 125  ~0
Smectite 60 - 120 80 - 140 570 - 660
Vermiculite 100 - 150 70 - 120 600 - 700
Aluminosilicates amorphes 5 - 350 500 - 1450 ~0
Fe/Al ~0 - 3 200 - 500 ~0
oxyhydroxides

Pouvez-vous creuser!

Bien que cela ne soit pas confirmé, certaines données suggèrent que les phyllosilicates pourraient avoir été un catalyseur important à l’origine de la vie sur notre planète (Berman, 2019). Les minéraux argileux agissent comme des catalyseurs très efficaces dans la polymérisation des acides aminés et des nucléotides. L’ARN adsorbé sur des minéraux argileux peut être encapsulé dans des vésicules. Une fois formées, ces vésicules pourraient croître et se diviser en incorporant des acides gras, assurant ainsi la médiation de la réplication des vésicules à travers des cycles de croissance et de division (Brack, 2013)

DISTRIBUTION DES PHYLLOSILICATES DANS LES SOLS CANADIENS

La répartition des phyllosilicates dans les sols canadiens varie selon la région physiographique (Kodama, 1979); la plupart des phyllosilicates sont hérités des matériaux parentaux déposés par le retrait des glaciers continentaux à la fin du Pléistocène. Par exemple, certains minéraux argileux comme la kaolinite, le mica (c’est-à-dire la biotite et la muscovite) et la chlorite sont hérités directement du Bouclier canadien. Dans la région de la Cordillère et des plaines intérieures, d’autres minéraux argileux sont dérivés de la dégradation glaciaire des sédiments de la période du Crétacé (il y a 65 millions d’années). La comparaison des données pour les fractions argileuses des sols, par exemple entre celles des plaines intérieures de l’ouest et celles trouvées dans l’est du Canada (basses terres du Saint-Laurent), montre une différence marquée dans la suite de minéraux argileux (Tableau 14.9). La région des plaines intérieures de l’ouest du Canada contient généralement de la smectite, du mica de taille argileuse, de la chlorite et un peu de kaolinite (Kodama, 1979; Dudas et Pawluk, 1982; Spiers et al. 1989a; Spiers et al. 1989b; Warren et Dudas, 1992). En revanche, la fraction argileuse des sols des basses terres de l’ouest du Saint-Laurent (Ontario) provient de sédiments beaucoup plus anciens formés au cours du Dévonien (359 millions) et du Silurien (443 millions) et est dominée par le mica, la chlorite, la vermiculite et la kaolinite avec quelques traces de smectite (Kodama, 1979). Le matériel parental a reçu des contributions du Bouclier canadien dans les deux régions. Il n’y a que très peu d’évidence d’altération dans les divers assemblages de minéraux argileux des diverses régions physiographiques, et la corrélation entre les types génériques de sol est négligeable. Les sols podzoliques  et, dans une moindre mesure, les sols brunisoliques et gleysoliques où les minéraux de chlorite hérités semblent s’altérer en phyllosilicates expansibles, font exception (Kodama, 1979).

Table 14.9. Gamme d’abondance des phyllosilicates typiquement trouvés dans la fraction argileuse des sols des plaines intérieures et de l’ouest des basses terres du St-Laurent

Région des plaines intérieures Basses terres du St-Laurent
Phyllosilicate g kg-1 Phyllosilicate g kg-1
Kaolinite 70-110 Kaolinite 120-150
Muscovite distincte 250-340 Muscovite distincte 350-450
Montmorillonite 470-490 Vermiculite 180-220
Chlorite 120-160 Chlorite 240-300
Vermiculite trace Smectite trace

Aluminosilicates Amorphes

D’autres aluminosilicates hydratés se trouvent également dans le sol mais ceux-ci sont structurellement différents des phyllosilicates. Ils sont décrits comme amorphes (sans forme) ou nanocristallins et contrairement aux phyllosilicates n’ont pas de structure cristalline ordonnée précise. L’allophane et l’imogolite sont des exemples de minéraux aluminosilicatés amorphes, couramment formés lors d’une altération rapide dans les sols de cendres volcaniques trouvés dans les climats humides de pays comme la Nouvelle-Zélande, le Chili et le Japon. Les cendres volcaniques s’altèrent rapidement et se dissolvent généralement en libérant de grandes quantités d’aluminium et de silice solubles, qui peuvent précipiter sous forme d’allophane ou d’imogolite. Les aluminosilicates amorphes ne sont pas expansibles, mais sont extrêmement petits (<4 nm de diamètre) et ont une surface spécifique (700-1500 m2 g-1) et une capacité d’échange d’ions très élevées. Bien qu’on les trouve essentiellement dans les sols de cendres volcaniques, ils peuvent être présents en petites quantités dans certains sols aux côtés des phyllosilicates. La présence d’imogolite, par exemple, est documentée dans certains sols podzoliques humo-ferriques de Colombie-Britannique (Grand et Lavkulich, 2013; 2015), ailleurs au Canada (McKeague et Kodama, 1981; Wang et al., 1991) et dans les sols solonetziques Solodisés en Alberta (Spiers et al., 1984).

OXYHYDROXYDES DE FER ET D’ALUMINIUM

Les argiles oxyhydroxydes (sesquioxydes) sont des oxydes secondaires, des hydroxydes et des minéraux d’oxydes hydratés de Fe, d’Al et de Mn. Certains sont bien cristallisés (par exemple, la gibbsite, l’hématite, la goethite), tandis que d’autres sont amorphes. Ces minéraux sont habituellement responsables des teintes rouges, jaunes, brunes et bleuâtres observées dans les sols. Les argiles d’oxydes cristallines sont composées de feuillets de groupes O et/ou hydroxyle dans un arrangement octaédrique avec Fe, Al ou Mn. Elles n’ont pas de feuillets tétraédriques de Si dans leurs structures. Les structures octaédriques de ces minéraux sont maintenues ensemble par une liaison hydrogène; elles ne se dilatent pas. Les oxydes et hydroxydes de fer autrefois appelés « limonite » se sont révélés plus tard être en fait un mélange de minéraux d’oxyhydroxyde de fer.

Ces minéraux ne portent pas de charges négatives permanentes identifiables, mais ont une forte charge de surface associée à des groupes hydroxyles de surface. La capacité d’échange des oxyhydroxydes dépend fortement du pH. À faible pH, la protonation des groupes hydroxyles produit des charges positives. À pH élevé, la dissociation des groupes hydroxyles produit des charges négatives. Les minéraux oxyhydroxylés sont qualifiés d’amphotères (peuvent agir comme une base ou un acide) du fait de leur CEC variable. Ces minéraux ont généralement une CEC nette à pH élevé, et une capacité d’échange anionique nette à pH faible.

Les oxyhydroxydes se trouvent généralement en petites quantités dans les sols canadiens (Grand et Lavkulich, 2013; 2015; Spiers et al., 1984). Ils sont très réactifs en raison de leur surface spécifique très élevée. La présence de ces minéraux influence de manière significative certaines propriétés du sol telles que l’adsorption et l’échange des ions. Par exemple, les oxyhydroxydes de Fe sont capables d’adsorber et de retenir de grandes quantités d’ions phosphate, molybdate et borate de la solution du sol, ainsi que de piéger des métaux tels que Cu, Pb, Zn, Co, Cr et Ni. Certains oxyhydroxydes de Fe courants sont répertoriés dans le tableau 14.10.

Table 14.10. Quelques-uns des oxyhydroxydes secondaires communément trouvés dans le sol

Minéral Formule Remarques
Goethite α-FeOOH Le plus commun et abondant oxyhydroxyde des sols. Jaune à ocre. Granulométrie très fine. Précipite très vite à partir du Fe3+ en solution. Très petits cristaux(<0.5 um) aciculaires. 
Lepidocrocite γ-FeOOH Trouvé dans les sols mal drainés sous forme de monticules orange vif mais PEU commun. Formé par l’oxydation de précipités de Fe(II)(OH)2 en absence de CO2 à pH 5-7.  Cristaux lamellaires extrêmement petits (0.1-0.5 um). 
Hématite α-Fe2O3 Deuxième en abondance après la goethite. Prévalent dans les sols tropicaux. Se forme par déshydratation de la goethite et de la ferrihydrite. De très petites quantités confèrent au sol une couleur rouge.
Ferrihydrite
(ou hydroxyde de fer hydraté)
(Fe(III))2O3·0.5H2O
mais aussi
5Fe2O3·9H2O
Composition très variable. Précipite directement à partir d'eau oxygénée riche en Fe ou en lien avec l’activité biologique de bactéries. Rouge-orange. Forme des nanocristaux. Métastable.

CARBONATES

Certains minéraux carbonatés communément trouvés dans les sols sont présentés dans le tableau 14.11. La majorité des carbonates du sol proviennent de sources primaires, c’est-à-dire de roches sédimentaires, alors que certains sont des précipités secondaires, généralement trouvés dans les horizons souterrains. La structure cristalline de nombreux minéraux carbonatés reflète la symétrie trigonale de l’ion carbonate qui se forme généralement en combinaison avec Ca, Na, U, Fe, Al, Mn, Ba, Zn, Cu, Pb et d’autres éléments. Il existe environ 80 minéraux carbonatés connus; cependant, les minéraux carbonatés de loin les plus courants dans les sols canadiens sont la calcite (CaCO3) et la dolomite ([Ca,Mg]CO3) provenant principalement du substratum rocheux datant du Paléozoïque. La plupart des minéraux carbonatés contiennent généralement des traces d’autres éléments liés au carbonate (voir ci-dessus) dans leurs structures.

La calcite est peu soluble, mais la solubilité augmente à bas pH; elle ne se trouve généralement pas dans les sols dont le pH est inférieur à 6,0. La calcite présente dans le solum se dissout généralement et est lessivée avant de se redéposer dans le profil inférieur du sol, parfois sous forme de nodules de calcite secondaires (Miller et al., 1987; Wang et Anderson, 2000). L’aragonite et les autres minéraux associés au carbonate de calcium ne sont pas communs dans les sols en raison de leur faible stabilité.

Table 14.11. Quelques-uns des carbonates les plus communs

Minéral Formule idéalisée Remarques
Calcite* CaCO3 Composant minéral principal du calcaire. Typiquement instable et se dissout dans le solum supérieur mais peut précipiter dans l'horizon C, généralement sous des régimes climatiques subhumides ou plus secs
Aragonite* CaCO3 Issu des coquillages fossilisés d’origine géologique. Instable et se dissout dans le sol
Dolomite (Ca,Mg)CO3 Issu de roches sédimentaires (dolomie) d’origine géologique. Instable et se dissout dans le sol
Sidérite Fe(II)CO3 Issu de roches sédimentaires ou métamorphiques. Instable dans le sol mais dissolution dans le sol très lente
Magnésite MgCO3 Très soluble dans le sol
Trona Na2CO3 Très soluble dans le sol. Trouvé le plus souvent dans les sols Solonetziques à pH élevé (~9.5)
*La calcite et l’aragonite sont polymorphes. Ils ont des formules chimiques similaires mais des structures crystallines différente.

La dolomite (Ca,Mg(CO3)2) est un minéral de carbonate de calcium-magnésium communément trouvé dans les sols dérivés d’un substratum rocheux de dolomie. Comme la calcite, la dolomite se dissout dans le profil supérieur, apportant du Ca lors de la formation de calcite secondaire par précipitation dans le profil inférieur; le composant de magnésium est quant à lui principalement lessivé ou absorbé par les racines des plantes. Une partie du Mg2+ peut se substituer au Ca2+ dans les carbonates secondaires si la lixiviation est limitée, mais la quantité est mineure (<10%) (St. Arnaud, 1979).

Les carbonates confèrent un certain nombre de propriétés au sol, notamment :

  • le maintien d’une saturation en bases élevée;
  • le maintien d’une quantité de Ca et de Mg échangeables élevée;
  • le maintien d’un pH >7 ;
  • l’adsorption/précipitation des ions PO43-;
  • l’adsorption/précipitation de métaux (par exemple, Al, Zn, Pb, Fe, Ni, Mn); et,
  • la stabilisation des argiles et de la structure du sol.

MINÉRAUX PHOSPHATÉS

Minéraux Phosphatés Primaires

L’abondance moyenne du P dans la croûte terrestre est de 1050 mg kg-1, tandis que la teneur totale en P dans les sols est généralement comprise entre 400 et 800 mg kg-1. Le phosphate peut facilement se combiner avec environ 30 éléments différents pour former plus de 300 minéraux phosphatés (Bleam, 2017). Certains sont des minéraux phosphatés primaires dérivés de roches sédimentaires et ignées, mais la plupart sont des minéraux contenant du phosphate sous forme de PO4 substitué dans leurs structures, ce qui est considéré comme une « impureté ».

Les minéraux phosphatés primaires « purs » les plus courants appartiennent au groupe « apatite » et ont la formule chimique générale : Ca5(PO4)3(F,Cl,OH).

L’apatite se présente généralement sous forme de très petits cristaux hexagonaux avec une variété de couleurs, notamment le vert, le vert bleuâtre, le brun, le blanc, le jaune, le rouge, le gris et autres selon la présence d’impuretés. Les noms spécifiques des minéraux contenant les trois membres terminaux les plus communs de l’apatite sont les suivants :

  • fluoroapatite Ca5(PO4)3F
  • chloroapatite Ca5(PO4)3Cl
  • hydroxyapatite Ca5(PO4)3OH

Dans la nature, ces minéraux sont mélangés, mais l’un des trois composants (F, Cl et OH) domine dépendamment de la source. Le phosphate rocheux ou la phosphorite contient généralement de fortes concentrations en ces minéraux et est extrait principalement pour la production d’engrais phosphatés. Dans les sols, l’apatite peut provenir de presque toutes les roches ignées ou métamorphiques présentes à l’état de phase accessoire (Nezat et al., 2007) mais rarement à l’état de phase majeure dans la roche. La structure minérale de l’apatite peut également contenir des substitutions avec une grande variété d’atomes, notamment le carbonate (CO32-), l’arséniate (AsO42-), le V, le Th, le Pb, le Sr, le Ba, l’U et les éléments de terres rares.

Minéraux Phosphatés Secondaires

En général, le phosphate dans le sol (dérivé de sources minérales primaires et les engrais phosphatés) réagit facilement avec Ca2+, Al3+, and Fe2+ and Fe3+ en formant une variété de précipités secondaires (Tableau 14.12). Les phosphates de fer (vivianite et strengite) sont plus courants dans les sols suboxiques où le fer dissous est plus abondant. Les phosphates d’aluminium (varisite) sont le plus souvent associés aux sols acides où le phosphate précipite d’abord sous la forme d’un intermédiaire amorphe qui finit par se transformer en varisite (Lindsay et al., 1959). Les phosphates de calcium secondaires sont généralement présents dans les sols calcaires contenant de la calcite minérale comme source de calcium (Kar et al., 2012). La brushite secondaire se trouve généralement sous forme de précipité dans les sols calcaires en raison des fortes concentrations d’engrais qui sont apportés pour la production agricole (McLaughlin et al., 2011).

Table 14.12. Quelques-uns des minéraux phosphatés secondaires les plus communément trouvés dans le sol

Groupe Nom du minéral Formule idéalisée Présence
Fer Vivianite Fe(II)3(PO4)·2.8H2O Sols humides/inondés
Phosphates   Strengite Fe(III)(OH)2(H2PO4) or FePO2·2H2O Sols humides/inondés
Phosphates d’aluminium Variscite Al(OH)2(H2PO4) or AlPO4·2H2O Sols acides
Phosphates de calcium Brushite CaHPO4·2H2O Sols calcaires

SULFATES ET SULFIDES

Les minéraux sulfurés sont absents dans les sols bien à imparfaitement drainés, mais peuvent être présents dans certains sols Glgleysoliques ou organiquesmal drainés. La pyrite minérale sulfurée (FeS2) est un minéral primaire très commun dans les déchets miniers, mais peut aussi se trouver dans les schistes et sous forme de précipité dans certains sols de marée en réponse à des conditions fortement réductrices. La pyrite, une fois exposée à l’atmosphère, s’oxyde facilement en libérant du fer et de l’acide sulfurique :

2FeS2 + 7O2 + 2H2O → 2Fe2+ + 4H+ + 4SO42-

Au fur et à mesure que le fer réduit (Fe(II)) dans la structure sulfurée est libéré, il s’oxyde et précipite sous forme d’oxyhydroxyde. Le S oxydé (SO42-) se combine ensuite avec l’eau pour produire un acide (H2SO4). L’exposition anthropique de minéraux sulfurés lors d’opérations minières ou d’autres excavations entraîne un drainage minier acide (DMA). Des valeurs de pH du sol inférieures à 2,0 peuvent résulter de l’oxydation des sulfures. Le sulfate dérivé de l’oxydation de sulfures ou d’autres sources produit du gypse (Tableau 14.13), généralement en réponse à un pH élevé et à la présence de Ca soluble.

Table 14.13. Quelques-uns des minéraux soufrés

Type Minéral Formule idéalisée
Sulfures Pyrite FeS2
Pyrrhotite Fe(1-x)S (x = 0 to 0.2)
Sphalérite ZnS
Galèna PbS
Chalcopyrite CuFeS2
Arsénopyrite FeAsS
Pentlandite (Fe,Ni)9S8
Cinabre HgS
Marcasite FeS2
Sulfates Gypse CaSO4·2H2O
Barytine BaSO4

RÉSUMÉ

En résumé, le matériau parental de la plupart des sols minéraux du Canada a été déposé par l’action physique des glaciers. La plupart des minéraux de ces sols sont dérivés soit du Bouclier canadien, soit du remaniement et des dépôts d’autres sources au cours des glaciations antérieures à la dernière glaciation du Wisconsinien. Les minéraux primaires qui composent la majorité de la fraction sableuse des sols canadiens sont généralement dominés par le quartz et les feldspaths, avec une petite quantité de minéraux lourds. L’altération chimique des sables contribue à la formation de minéraux secondaires et d’éléments nutritifs des plantes. Les phyllosilicates dominent la fraction argileuse et constituent la phase inorganique la plus chimiquement active du sol. Les différences de composition en phyllosilicates de la fraction argileuse des régions de l’ouest et de l’est du Canada sont principalement dues à l’origine des matériaux parentaux. Les limons, dont la taille est intermédiaire entre les fractions sableuse et argileuse, sont constitués d’un mélange physique de minéraux provenant de ces deux fractions.

 

RÉFÉRENCES

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À Propos des Auteurs

C. James (Jim) Warren, Ph.D. P.Geo., Spécialiste des Ressources Terrestres, Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario, Guelph, Ontario, Canada.

Jim Warren (licensed under a CC BY-NC-ND license)

Jim est un pédologue environnementaliste avec une expérience diversifiée dans la recherche, le conseil et l’enseignement. Je suis diplômé de l’Université de Guelph (B.Sc. (Agr), Science du sol) et de l’Université de l’Alberta (M.Sc. Science du sol; Ph.D. Chimie du sol). J’ai mené des recherches en agronomie, géochimie et minéralogie à l’Université de Guelph et à l’Université de Waterloo avant de devenir consultant privé en drainage minier acide. Je suis actuellement employé en tant que spécialiste des ressources terrestres et effectue des suivis des sols et des travaux de recherche en pédologie avec le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario; je suis également professeur auxiliaire à l’Université de Guelph. J’ai été chargé de cours en science du sol, minéralogie du sol, chimie du sol, géochimie et pédologie dans quatre universités (Alberta, Guelph, Waterloo et Toronto). J’ai écrit ou co-écrit plus de 100 publications dans des revues à comité de lecture; chapitres de livres, actes de conférences et rapports.

Comment me suis-je intéressé aux sols ? Eh bien, j’ai grandi dans une ferme où, adolescent, je passais beaucoup de temps sur un tracteur à faire des travaux de labour pendant lesquels j’avais beaucoup de temps pour réfléchir. Une des questions que je me suis posée pendant de longues journées sur le terrain était : « Qu’est-ce qui fait pousser les plantes ? J’ai passé les décennies suivantes à essayer de comprendre les sols pour répondre à cette question. La quête continue

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Graeme Spiers, Chaire de Surveillance Environnementale et Professeur à l’École de l’Environnement, Département des Sciences de la Terre / Département de Biologie, Université Laurentienne, Sudbury, Ontario, Canada.

Graeme Spiers (licensed under a CC BY-NC-ND license)

Graeme Spiers enseigne actuellement à l’École de l’Environnement, dans le Département des Sciences de la Terre et au Département de Biologie de l’Université Laurentienne. J’ai obtenu un B.Sc. en Sciences de la Terre et Botanique à l’Université de Waikato en Nouvelle-Zélande, et un M.Sc. et Ph.D. de l’Université de l’Alberta, avec pour spécialités la pédologie, la minéralogie de l’argile et la chimie. Du fait de mon expérience en laboratoire commercial et de consultant à travers le Canada, j’ai été associé à des programmes de recherche aux universités de l’Alberta, de Guelph, de Waterloo, des Laurentides et du Nouveau-Brunswick. Mes recherches ont donné lieu à de nombreuses publications et présentations techniques et scientifiques en chimie analytique, chimie aquatique, géologie environnementale, écologie, biologie végétale et science du sol. J’ai été éleveur laitier en Nouvelle-Zélande pendant 10 ans avant d’aller à l’université à temps plein. J’y ai obtenu mon diplôme de premier cycle sur le long terme, comme passe-temps entre les traites. À Sudbury, je participe à des travaux de recherche ayant pour but d’examiner les effets sur les sols, les rivières, les lacs et la végétation, des émissions anthropiques passées et actuelles de métaux par la fonderie de Sudbury. Je suis activement impliqué dans une variété de programmes de recherche à travers le Canada et collabore activement avec des chercheurs basés en Russie (Université d’État de Moscou et Académie des Sciences de Russie), Australie, Nouvelle-Zélande, Chine, Pérou et Afrique du Sud.

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Introduction à la science du sol : de la théorie à la pratique en sols canadiens Copyright © 2021 by Canadian Society of Soil Science is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International License, except where otherwise noted.

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