Se creuser la tête

8 Classification des sols et distribution

Dan Pennock

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

À la fin de ce chapitre, vous serez en mesure :

  1. d’expliquer le rôle que jouent les horizons diagnostiques pour la classification des sols selon le Système Canadien de Classification des Sols (SCCS)
  2. d’énumérer les sept facteurs de formation d’un sol qui déterminent la distribution des sols à l’échelle régionale et nationale
  3. d’expliquer en quoi la mesure du pH d’un sol permet de distinguer l’origine des matériaux, soit ceux, acides qui dérivent des roches ignées, de ceux de pH variant de neutre à alcalin qui dérivent des roches sédimentaires
  4. de reconnaître les trois grands ordres de sols (brunisolique, podzolique, luvisolique) généralement associés aux sols des forêts canadiennes
  5. de comprendre les effets causés par les couches de pergélisol présentes dans les sols appartenant à l’ordre cryosolique des régions de l’Arctique et de la toundra
  6. de savoir reconnaître les trois grands ordres de sols (chernozémique, solonetzique, luvisolique) généralement associés aux sols des Prairies canadiennes
  7. de caractériser les deux ordres de sols des zones humides (gleysolique, organique)
  8. de choisir l’échelle cartographique des sols (découlant de l’intensité d’échantillonnage de l’inventaire des sols) qui correspond au besoin de planification requise pour une utilisation donnée des sols
  9. de savoir reconnaître les principales classes de potentiel agricole décrites dans l’Inventaire des Terres du Canada (ITC)

INTRODUCTION

Tout au cours de la seconde moitié du 20e siècle, les principales activités en science du sol ont surtout porté sur la classification des sols et de leur cartographie, cartographie d’ailleurs toujours très en usage dans divers secteurs. De plus, la classification des sols préalable, par exemple, à la mise en place de pipelines, à la restauration des mines et à la réhabilitation des sols contaminés, fait partie des activités encore très pratiquées par les experts‐conseils de cabinets privés. On comprend dès lors l’importance pour les spécialistes du sol de connaître le système de classification des sols en usage au Canada, de même que de savoir utiliser la cartographie des sols.

On classe un sol donné en fonction des horizons que l’on observe dans son profil. Chaque profil de sol porte la signature des processus de sa formation, processus soumis à l’influence des facteurs environnementaux en présence. Cette signature observable dans toute superposition particulière d’horizons peut varier sur de petites distances, par exemple, à l’intérieur des limites d’un champ, jusqu’à de très grandes distances, comme dans un comté, une région rurale voire une province. Cet ensemble de superpositions particulières d’horizons constitue le critère fondamental de différenciation des sols selon le système de taxonomie des sols utilisé au Canada, soit le Système Canadien de Classification des Sols (SCCS) (Groupe de travail sur la classification des sols, 1998). Or, comme la distribution des horizons et leurs propriétés résultent de l’influence d’un ensemble de facteurs environnementaux donné, on peut avoir une certaine idée de la distribution spatiale des sols. Après la réalisation de points de vérification sur le terrain, il est donc possible par la suite de cartographier la distribution des sols à partir de la connaissance des facteurs contrôlant la formation des sols.

Les cartes pédologiques sont une source d’information indispensable à la planification de nombreux types d’aménagement du territoire. L’échelle d’une carte doit être appropriée à son utilisation : plus elle sera détaillée, plus elle apportera de précisions sur la distribution des sols sur un site donné. Évaluer la fiabilité d’une carte pédologique (produite à partir d’inventaires de terrain) nécessite une bonne compréhension de l’influence réciproque qui s’exerce entre l’échelle et la précision des cartes. La cartographie numérique des sols, qui tire parti des outils informatique et de télédétection de pointe, est de plus en plus utilisée pour la production de cartes pédologiques, et ce, à toutes les échelles d’observation. Les produits de la cartographie numérique permettent d’estimer la précision de la carte avec plus de fiabilité (voir chapitre 17 pour en savoir davantage sur la cartographie numérique des sols).

LES HORIZONS DU SOL ET LE PÉDON

Dans le domaine des sciences naturelles, tout passe d’abord par la dénomination (ou classification) de l’objet à l’étude. Souvent, la première appellation que l’on attribue à une espèce diffère entre les régions et entre les langues (p. ex., geai bleu, pin gris). S’ensuit inévitablement l’attribution d’une appellation scientifique officielle qui sera en usage dans le monde entier (soit Cyanocitta cristata dans le cas du geai bleu et Pinus banksiana dans le cas du pin gris). On appelle officiellement « système taxonomique » tout système de classification qui permet de reconnaître et de nommer un objet.

Un sol n’est pas une entité distincte comme peut l’être un oiseau ou un arbre; il n’y a pas d’individu‐sol à proprement parler. Le sol se présente plutôt comme une entité continue à la surface de la Terre, entité dont les propriétés peuvent varier d’un lieu à l’autre, voire d’un mètre à l’autre, souvent de manière très subtile. Qui plus est, seul le millimètre supérieur de la couche de sol est visible, le dessous demeurant invisible même pour le plus complexe des dispositifs de télédétection.

Compte tenu de la grande variabilité observée dans les propriétés du sol, tenter de définir un « individu‐sol » deviendrait tout à fait arbitraire. À des fins de classification, les spécialistes du sol ont défini le concept de pédon ‐ qui répond à la définition officielle suivante :

« Le pédon est la plus petite unité tridimensionnelle à la surface de la Terre considérée comme une unité de sol. Ses dimensions latérales sont d’un mètre, pour autant que la variation des horizons pédogénétiques puisse être échantillonnée à l’intérieur de cette limite ou que ces horizons soient peu nombreux et faiblement exprimés. » (Groupe de travail sur la classification des sols, 1998, p.9).

La façon habituelle d’observer un sol consiste à creuser un trou appelé « fosse pédologique » ou « tranchée pédologique » d’observation par les spécialistes du sol. Cette fosse ou tranchée devient le lieu de description du profil de sol et de collecte d’échantillons destinés aux analyses de laboratoire.

Horizons minéraux et horizons organiques

Comme nous l’avons appris au chapitre 2, les sols sont composés d’une ou de plus d’une couche, officiellement appelée « horizon ». Les horizons se différencient par leur couleur, leur structure, leur texture (les particules dont ils sont composés) et par d’autres propriétés. Dans le Système Canadien de Classification des Sols (SCCS), on se sert des lettres de l’alphabet (majuscules et minuscules) pour décrire succinctement les caractéristiques des horizons.

Le SCCS fonde la première division hiérarchique sur la teneur en carbone organique de l’horizon : s’il en contient plus de 17 % en masse, il entre dans le groupe des horizons organiques. En dessous de 17 %, il entre dans le groupe des horizons minéraux.

Le SCCS subdivise les groupes d’horizons minéraux en quatre, chacun étant désigné par une lettre majuscule:

L’horizon A. L’horizon A est celui qui se trouve à la surface du sol ou juste en dessous. L’horizon A constitue aussi un groupe qui se trouve divisé en fonction des processus qui ont conduit à sa formation. Le premier groupe de processus porte sur l’ajout, le brassage et la transformation de matière organique qui donnent au final un horizon minéral A enrichi en matière organique; c’est l’horizon Ah. Le deuxième groupe de processus englobe les phénomènes de décoloration de l’horizon A par des acides (le plus souvent) et de perte de composantes du sol, telles que l’argile, la matière organique, le fer et l’aluminium. Cette perte de matière d’un horizon de sol est appelée « éluviation » et cet horizon s’appelle l’horizon « Ae ». On parle aussi d’horizon lessivé. Le SCCS diffère de la plupart des autres systèmes de classification en ceci qu’il définit deux types très différents d’horizons A, le Ah et le Ae. De plus, ces systèmes internationaux donnent le suffixe « E » majuscule à l’horizon éluvié.

L’horizon B. L’horizon B est la couche du sol dont les matériaux d’origine ont subi le plus de transformation. Dans les conditions aérobiques, les transformations sont attribuables à plusieurs phénomènes : enrobage des grains de minéraux, dépôt de matériaux (argile, matière organique, fer, aluminium) provenant de l’horizon Ae, perte de sels ou de carbonates très facilement altérables, formation d’unités structurales distinctes. Dans les conditions de saturation en eau (ou anaérobiques), l’horizon acquiert les propriétés gleysoliques, soit une coloration terne ou la formation de mouchetures.

L’horizon C. Dans bien des cas (surtout si les matériaux d’origine sont constitués de beaucoup de sable), l’horizon C ne subit que très peu de transformations, de sorte qu’il ressemble beaucoup aux matériaux d’origine à partir duquel le sol s’est formé. Dans les cas des sols dérivés de matériaux riches en carbonates ou en sels, les ions dissous en provenance des horizons A et B peuvent, rendus dans l’horizon C, se reconstituer en nouveaux minéraux, dits secondaires.

Le SCCS divise également les groupes des horizons organiques en deux sous‐groupes: les horizons O et LFH. Les horizons O sont les couches de matière organique caractéristiques des tourbières, fens, marécages et marais, couches que l’on appelle communément « tourbe ». Il y a d’autres divisions des horizons O fondées sur le degré de décomposition : couche de matière végétale très fibreuse très peu décomposée, dans lesquelles les plantes d’origine sont reconnaissables (Of pour fibrique); couche de matière végétale partiellement décomposée (Om pour mésique); et couche de matière végétale très décomposée (Oh pour humique).

Les horizons LFH proviennent de feuilles, de brindilles et de matériaux ligneux accumulés à la surface du sol minéral de forêts ou d’arbustaies. La couche L provient directement de la litière de feuilles très reconnaissables, la couche F est constituée de matière organique fragmentée modérément décomposée (connue sous le nom de matériel folique), la couche H est formée de matière humique extrêmement transformée.

LE SYSTÈME CANADIEN DE CLASSIFICATION DES SOLS

La taxonomie est la branche des sciences naturelles qui vise à établir une classification systématique hiérarchisée des taxons de diverses catégories selon les caractères qu’ils ont en commun, des plus généraux aux plus particuliers. Le SCCS est un système taxonomique très rigoureux. Sa méthode d’attribution d’une classe à un pédon ou à un profil de sol est détaillée; si on fait un usage adéquat du système, un pédon ne pourra correspondre qu’à une seule classe de sol. Le système est hiérarchique : chaque classe (taxon) occupe un rang (niveau) précis au sein du système. Les principaux niveaux hiérarchiques dont est constituée la classification sont présentés au tableau 8.1. Les trois premiers niveaux (ordre, grand groupe et sous‐groupe) sont utilisés pour la classification des sols sur le terrain, alors que les trois derniers niveaux (famille, série et phase) servent plutôt à la cartographie des sols.

Table 8.1. Niveaux hiérarchiques des taxons du Système Canadien de Classification des Sols en fonction des caractéristiques qu’ils ont le plus en commun, des plus générales aux plus particulières

Classe Description
Ordre Au niveau de l’ordre, les taxons sont définis en fonction des caractéristiques du pédon, caractéristiques qui reflètent la nature de l'environnement du sol et les effets des processus dominants de sa formation.
Grand groupe Le grand groupe de taxons résulte de la subdivision (les classes) des taxons d’un ordre. Le grand groupe définit les classes de taxons d’un même ordre, cette fois-ci en fonction des différences d’intensité dans les processus dominants décrits dans l’ordre ou en fonction de la contribution d’un autre processus particulier.
Sous-groupe Le sous-groupe de taxons résulte de la subdivision du grand groupe. On différencie les taxons d’un sous-groupe en fonction de 1) leur degré de ressemblance avec les caractères dominants du grand groupe (ce sous-groupe est appelé « orthique »); 2) de leur degré de ressemblance avec les caractères d’un ordre voisin; ou 3) de tout autre caractère qui singularise le pédon.
Famille La famille groupe les taxons des séries (voir ci-dessous) d’un même sous-groupe que l’on suppose présenter les mêmes réactions aux travaux techniques, à la gestion et à des usages connexes. Ce niveau hiérarchique est rarement utilisé au Canada.

On attribue une classe taxonomique à un pédon (profil de sol) en comparant les caractéristiques des horizons observés avec les caractéristiques diagnostiques présentées dans le Système. Ce sont ces caractéristiques diagnostiques définies dans le SCCS qui sont à la base de la classification des pédons (ou profils de sol) (tableau 8.2).

Table 8.2. Horizons diagnostiques et principales caractéristiques des dix ordres du SCCS

Ordre Horizon diagnostique Nature de l’environnement du sol et processus dominants de formation du sol
Horizon
Chernozémique Ah (humus) ou
Ap (labour) ou
Ahe (humus + éluviation)
Sols des Prairies canadiennes; horizon diagnostique formé par les apports élevés de matière organique provenant des racines de plantes herbacées et de la turbation des organismes fouisseurs
Solonétzique Bn (sodium) ou Bnt (sodium + argile) Sols des Prairies canadiennes à forte teneur en sodium dans l’horizon B habituellement riche en argile; horizon C enrichi en matériaux salins
Podzolique Bf (fe) ou Bh (humus) Sols forestiers habituellement associés à de la végétation de résineux ou dont les matériaux d’origine dérivent de roches ignées. Le phénomène de lessivage donne à l’horizon A son caractère très acide en plus de mener à la formation de complexes organo-minéraux qui se retrouvent dans l’horizon B
Luvisolique Bt (argile) Sols forestiers observés sur les territoires dont les matériaux d’origine dérivent des roches sédimentaires. La caractéristique dominante de l’ordre est la teneur en argile plus élevée dans l’horizon B (Bt) que dans l’horizon A (Ae), en partie en raison du lessivage des particules d’argile
Brunisolique Bm (transformation minimale) Sols forestiers dont les caractéristiques du pédon ne correspondent ni suffisamment à celles d’un pédon appartenant à l’ordre luvisolique ni à celles d’un pédon appartenant à l’ordre podzolique
Gleysolique Bg, Cg (gleyification) Sols des milieux humides de partout au Canada; la saturation en eau, qu’elle soit temporaire ou permanente, est à l’origine de la formation des caractéristiques clés du phénomène de gleyification (mouchetures, couleur gris-bleu) dans le profil
Régosolique Absence d’horizon B ou présence d’un horizon B de moins de 5 cm d'épaisseur Sol très peu développé trouvé un peu partout au Canada, là où les conditions jouent en défaveur de la formation d’un horizon B (pente instable, dune de sable, plaine inondable, etc.)
Vertisolique Bss ou Css Sols des Praires canadiennes associés aux paysages glacio-lacustres riches en argiles qui ont la propriété de rétrécir ou de gonfler
Horizon présentant des faces de glissement et des processus vertiques (Bv)
Cryosolique By, Cy, (cryoturbation) Sols des régions canadiennes de l'Arctique et de la toundra où l’on trouve des couches de sol gelées en permanence (ou pergélisol).
Cz (pergélisol)
Organique O (organique) Sols de milieux humides découlant de l’accumulation de matière organique (tourbe) dans des conditions de saturation en eau. Ce sont les sols les plus communément associés aux régions de la forêt boréale et de la toundra.

INFLUENCE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX SUR LA DISTRIBUTION DES SOLS

Au milieu du 20e siècle, de nombreux pédologues ont tenté, chacun de leur côté, d’expliquer les processus de formation des propriétés du sol qui découlent de l’influence des facteurs de l’environnement sur eux. L’explication qui a été la plus reconnue vient du pédologue américain Hans Jenny; il la présente dans son célèbre livre Factors of Soil Formation, publié en 1941. De son côté, à peu près à la même période, le célèbre pédologue Joe Ellis reconnaissait qu’il y avait selon lui sept facteurs d’influence sur les processus de formation du sol dans son livre Soils of Manitoba, publié en 1939. La part de recoupements qui a été établie par la suite à l’égard des facteurs mentionnés dans chacune des publications a permis de livrer une synthèse complète des facteurs en cause dans les processus de formation des sols.

  1. Climat : température et humidité dans le sol (facteurs climatiques).
  2. Organismes vivants : autant les végétaux, animaux que les organismes microbiens qui affectent le sol (facteurs biotiques).
  3. Matériaux d’origine : la matière minérale dans laquelle le sol se forme, matière qui donne au sol sa réserve de minéraux, sa texture, sa capacité de rétention d’eau (facteurs non biotiques)
  4. Topographie (ou relief) : la forme et la surface du terrain (facteurs non biotiques)
  5. Temps : la durée de formation d’un sol (facteur temporel)
  6. Eau souterraine : sa présence ou son absence dans le profil de sol (facteur non biotique)
  7. Activités humaines : les effets de la modification du sol résultant de l’usage de l’homme (facteur anthropique)

On notera que l’eau souterraine et les activités humaines sont les deux facteurs que les deux pédologues ont groupés différemment. Le chapitre 2 passe en revue la façon dont les cinq des sept facteurs (climat, organismes vivants, matériaux d’origine, temps et activité humaine) ont agi sur les principaux groupes de processus de formation des sols sur le territoire canadien. L’établissement des liens entre les influences réciproques de ces facteurs sur les processus de formation d’un sol a permis de mettre en lumière la distribution géographique des ordres de sols au sein du territoire canadien (figure 8.1).

 

Figure 8.1. Cartographie des ordres de sols du Système Canadien de Classification des Sols © Agriculture et Agroalimentaire Canada; utilisé avec autorisation et en vertu de la licence gouvernement ouvert – Canada. https://open.canada.ca/fr

Influence des facteurs locaux sur la distribution des sols: les associations ou caténas de sols

À l’échelle locale ‐ par exemple d’un versant de colline ou d’un bassin versant, la topographie et l’eau souterraine ont une grande influence sur la distribution des classes de sols. Tel qu’il a été décrit dans le chapitre 2, la plupart de la topographie « locale » au Canada résulte des processus géomorphologiques glaciaires et postglaciaires qui ont donné aux paysages des formes qui demeurent stables à notre échelle de temps. Le relief du terrain exerce une forte influence sur la circulation de l’eau ‐ à la fois à la surface du sol et latéralement dans le profil. La circulation de l’eau et sa concentration sont les facteurs les plus influents sur la formation d’un sol à l’échelle locale (figure 8.2).

 

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Figure 8.2. Schéma de l’écoulement de l’eau le long d’un versant de colline. Les segments de pente où l’eau diverge seront plus secs que la moyenne des autres segments et les segments où l’eau converge seront plus humides que la moyenne des autres segments. © Dan Pennock, Université de Saskatchewan, détenteur d’une attribution CC BY

Dans la plupart des sols aérobiques (c.‐à‐d. ceux dont les pores sont remplis d’air), plus il y a d’eau dans le profil de sol, plus les processus de formation du sol sont actifs, tel qu’il a été vu dans le chapitre 2.

Prenons le cas de l’hydrolyse (phénomène de décomposition chimique par fixation d’eau); il libère les ions hydrogène qui sont à l’origine d’une grande partie de l’altération chimique: ainsi, plus y a d’eau dans le profil de sol, plus il y a d’altération chimique. L’eau transporte, hors du profil, les ions mobiles et la matière organique dissoute: c’est le processus de lessivage. Encore une fois, plus il y a d’eau qui passe dans le profil de sol, plus il y a lessivage de solutés. Enfin, la décomposition de la matière organique par les microorganismes est à son meilleur dans le profil du sol dans les conditions optimales d’humidité et de température. De faibles taux d’humidité dans le sol jouent en défaveur de l’activité des communautés de microorganismes.

Cependant, dans le cas où les pores du sol sont occupés par l’eau sur une longue période de temps, les conditions anaérobiques favorisent les processus d’oxydoréduction. Dans de telles conditions, les processus de formation du sol suivent les processus de la gleyification : réduction et mobilisation du fer, émergence des tons gris‐bleu et lenteur de décomposition (ou pas du tout) de la matière organique qui s’ajoute au sol.

La circulation de l’eau le long des pentes d’un versant peut mener, sur de très courtes distances (de 10 à quelques 100 m), à toute une diversité de conditions d’humidité du sol (par conséquent de différentes classes) (figure 8.3). En général, le haut des pentes n’est guère propice à la conservation de l’humidité et par le fait même peu propice au développement des propriétés du sol. Mais à mesure que l’humidité augmente dans le descendant de la pente, le degré de développement du sol (exprimé dans l’épaisseur des horizons et de l’évolution de leurs propriétés) augmente aussi. L’augmentation d’humidité crée des conditions de plus en plus anaérobiques propices à l’apparition du phénomène de gleyification. Ce modèle de formation d’un sol le long d’une pente s’applique à tout paysage en relief; un tel modèle présentant une association de différentes unités de sol, mais dont la formation est interreliée et qui s’enchaîne le long d’une pente s’appelle une caténa de sols (caténa signifie « chaîne » en latin).

 

Figure 8.3. Exemple d’une caténa de sols le long d’un versant de colline près de Saskatoon en Saskatchewan. Le haut de la pente est l’emplacement de formation des régosols (sols très minces ne comprenant que les horizons Ah/Cca/Ck). L’horizon B gagne en épaisseur le long de la pente, favorisant la formation de la séquence typique (orthique) du profil de la classe des chernozems:(Ah/Bm/Cca/Ck). Plus on approche du bas de la pente, plus l’horizon A prend des teintes grisâtres, signe d’éluviation des chernozems (Ae); complètement en bas de la pente, les sols présentent tous les critères de la classe des sols gleysoliques (avec l’horizon Bg caractéristique). © Dan Pennock, Université de la Saskatchewan, détenteur d’une attribution CC BY.

L’eau passe à travers le profil de sol, sa course pouvant se poursuivre jusqu’au dépôt de surface et encore plus profondément, jusqu’au substratum rocheux. Ces réseaux hydrographiques souterrains peuvent faire voyager l’eau (et les solutés) sur des centaines de mètres voire plusieurs kilomètres. Certains paysages à topographie complexe peuvent induire de la pression dans le réseau de l’eau souterraine au point d’en faire remonter une partie à la surface du sol. De l’eau souterraine peut être évacuée dans l’atmosphère par évapotranspiration; souvent les solutés présents dans cette eau souterraine forment des sels minéraux ou des carbonates par précipitation. Cette réaction est en grande partie à l’origine de la salinité des sols trouvés dans les Praires canadiennes. Dans le cas des régions canadiennes où le réseau hydrographique est bien développé, l’eau souterraine réussit à le rejoindre de sorte que les sols se trouvent moins affectés par les débits d’eau.

SOLS FORESTIERS

Luvisols, podzols, brunisols

Dans les régions forestières, le critère clé de classification des sols repose sur les matériaux d’origine à partir desquels ils se sont développés. On distingue les matériaux glaciaires à texture grossière dérivés des roches ignées acides, pauvres en éléments basiques (Mg, Ca, K et Na) des matériaux glaciaires et

post glaciaires dérivés des roches sédimentaires, riches en éléments basiques. On se sert de la mesure du pH (à 0.01 M chlorure de calcium) pour établir cette distinction entre les deux types de matériaux d’origine (voir le chapitre 5 pour plus d’information sur le pH du sol et la notion d’acidité). À l’échelle du territoire canadien, les sols qui se sont formés à partir des matériaux dérivés des roches ignées ont un pH acide (pH < 5.5); ceux formés à partir des roches sédimentaires ont des valeurs de pH situées dans le gradient neutre‐alcalin (pH > 5.5). Dans ce chapitre, les sols dérivés de ces deux types de matériaux d’origine seront ci‐après désignés selon leur gradient d’acidité (soit les acides et les neutres‐ alcalins).

Quel que soit le type de matériaux d’origine dont dérive un sol, la formation débute dans ses parties supérieures que quatre processus pédogénétiques viennent modifier: l’ajout de matière organique au sol, leur transformation par les communautés de microorganismes, l’altération chimique des minéraux des matériaux d’origine et la mise en place d’une structure. Dans les premières phases de formation, l’altération ne se limite qu’à une couche très fine de la surface des matériaux d’origine. Les sols dans ces premières phases entrent dans l’ordre des régosols de la SCCS (VandenBygaart, 2011). Dans la plupart des régions forestières, les régosols se retrouvent seulement le long de pentes instables, telles que sur des dunes de sable ou sur des plaines inondables. De telles zones sont plutôt difficiles à cartographier à l’échelle du territoire canadien (figure 4).

 

Figure 8.4. Régosol formé sur une dune de sable. Les sols régosoliques sont caractérisés par l’absence d’horizon B (comme sur la photo) ou par la présence d’un horizon B de moins de 5 cm d’épaisseur. © Roly St. Arnaud, Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détenteur d’une attribution CC BY.

Dans les matériaux d’origine acides, le processus d’altération chimique qui a lieu sur l’horizon de surface a pour effet de le décolorer (d’où le Ae) et de colorer en rouge les grains de sable de l’horizon B sous‐jacent (Bm). Les sols qui ont un horizon Bm de plus de 5 cm d’épaisseur entrent dans l’ordre des brunisols (Smith et coll., 2011) (figure 8.5). Dans certaines régions, des complexes ferro‐organiques ou alumino‐organiques se forment dans la partie supérieure du sol avant de se déposer dans l’horizon B (processus de podzolisation). Ces horizons peuvent avoir une teneur élevée en fer et en aluminium (Bf) ou en matière organique(Bh) ou une teneur élevée de ces trois matières (Bfh ou Bhf), ce qui en fait des horizons diagnostiques de l’ordre des podzols (Sanborn et coll., 2011) (figure 8.6).

 

Figure 8.5. Brunisol dystrique éluvié. La litière de feuilles recouvre directement l’horizon minéral Ae. L’épais Ae repose sur un horizon qui présente quelques‐unes des caractéristiques d’un horizon Bf (enrichi en fer), mais cela n’est pas suffisant pour qu’il remplisse tous les critères d’un Bf de la SCCS; l’horizon se voit donc attribuer le suffixe j indiquant le stade juvénile du processus de podzolisation à côté du suffixe f. Cet horizon Bfj superpose un horizon Bm. Autant le Bfj que le Bm servent d’horizon diagnostique de l’ordre des brunisols. © Ken Van Rees, Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détenteur d’une attribution CC BY.

 

Figure 8.6. Podzol humo‐ferrique orthique. Les horizons Bhf (fer humo‐ferrique) et Bf (fer ferrique) sont les deux horizons diagnostiques de l’ordre des podzols. © Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détentrice d’une attribution CC BY.

Un autre critère qui distingue l’ordre des brunisols de l’ordre des podzols est la présence ou l’absence, dans l’horizon de surface, de vers de terre ou d’autres organismes fouisseurs. Ce phénomène très localisé à l’échelle du territoire canadien apporte à ce critère une dimension géographique.

L’observation d’un mélange de LFH et de matière minérale sous‐jacente est manifeste de l’activité des vers de terre; ce sont les fabricants de l’horizon Ah. À l’inverse, la distinction nette que l’on peut faire entre l’horizon LFH et l’horizon minéral Ae est signe de leur absence. Dans le SCCS, ces différences servent de critères de distinction au niveau hiérarchique du grand groupe: brunisols acides et podzols qui ont un horizon Ah (ou un Ap) d’au moins 10 cm d’épaisseur entrent dans le grand groupe des podzols sombriques (figure 8.7).

 

Figure 8.7. Podzol sombrique. Les sols appartenant au grand groupe des podzols sombriques ont un horizon Ah ou Ap d’au moins 10 cm d’épaisseur en dessous duquel on peut observer l’horizon diagnostique B enrichi en fer (Bf) ou un horizon Bm peu transformé. Photo provenant de la Station de recherche d’Abbotsford (diapositive IUSS E‐4). © Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détentrice d’une attribution CC BY.

Le climat régional est le principal facteur contrôlant la répartition des sols brunisoliques et des podzols (figure 8.1). Les podzols se trouvent généralement dans les régions forestières tempérées humides; ils se sont formés à partir de matériaux d’origine acides dérivés des roches ignées, tandis que les brunisols se trouvent plutôt dans les régions froides et moins humides de l’intérieur du continent (Smith et coll., 2011, Sanborn et coll., 2011). Les podzols dominent les régions forestières de l’écozone Maritime de l’Altantique et de la partie est du Bouclier boréal de même que les parties élevées de la Cordillère montagnarde et les zones sud de la Cordillère boréale. Les brunisols pauvres en bases et acides de l’ordre brunisolique se sont aussi formés dans les écozones de la Taïga du Bouclier et du Bouclier boréal ouest ‐ depuis le nord‐ouest de l’Ontario jusqu’au nord des provinces des Prairies. Ils sont aussi dominants dans l’écozone de la Cordillère boréale.

Il y a aussi de grandes zones du Bouclier boréal et du Bouclier de la taïga où le matériel de surface dominant (en termes de superficie) est le roc (désigné « non classé » sur la carte de la figure 8.1). Ces grandes zones représentent ces paysages emblématiques du Canada qui ont été peints au cours de la première moitié du 20e siècle par des artistes canadiens aussi célèbres que Tom Thompson et par des membres du Groupe des Sept. Ce sont des paysages qui déploient leur diversité sur des matériaux de surface variés: poches de sable et de gravier qui ont donné lieu à la formation de brunisols et de podzols, sols organiques nichés dans les dépressions qui s’invitent ça et là dans la topographie d’ensemble, laquelle repose en grande partie sur une assise rocheuse constituée de roches métamorphiques.

Les sols formés à partir de matériaux d’origine neutres‐alcalins dérivés de roches sédimentaires résultent de processus pédogénétiques très différents de ceux dont il a été question ci‐dessus. Cela dit, certains de ces sols font tout de même partie de l’ordre des brunisols. Le premier stade de formation de ces sols dérivés des roches sédimentaires fait intervenir les quatre même processus de formation du sol (soit l’incorporation de matière organique au sol et ses transformations subséquentes, altération chimique et formation de la structure). Étant donné que ces matériaux d’origine ont des carbonates et davantage de sels solubles, l’effet de l’altération est de détruire les carbonates et les sels dans la partie supérieure du sol, entrainant ainsi le transfert des ions libérés dans les parties inférieures du profil (dans le cas des ions des carbonates) ou leur lessivage hors du sol (dans le cas des sels de grande solubilité). Ce processus d’altération a pour effet d’appauvrir l’horizon B en carbonates et en sels. On l’appelle l’horizon Bm. L’horizon Bm peut prendre une teinte rougeâtre une fois les carbonates altérés. Les sols dont l’horizon Bm a un pH allant de neutre à alcalin qui fait plus de 5 cm d’épaisseur sont classés dans l’ordre des brunisols (figure 8.8), mais sont de nouveau subdivisés en différents grands groupes (p. ex. eutriques et mélaniques) plutôt que dans les grands groupes dits plus acides (dystriques et sombriques). Des variantes encore plus développées de ces brunisols présentent des débuts de lessivage, reconnaissables à la présence d’un horizon Ae.

 

Figure 8.8. Brunisol eutrique orthique. Présence, ici et là, d’un mince horizon Ae sous lequel repose un horizon Bm à la teinte rougeâtre évoluant vers un horizon BC, qui possède à la fois des caractéristiques de l’horizon B et de l’horizon C. © Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détentrice d’une attribution CC BY.

Le processus de lessivage des carbonates a aussi pour effet de détacher les particules d’argile de la masse du sol pour les entraîner verticalement vers l’horizon B, là où elles vont se déposer. Ce processus crée un contraste de texture entre l’horizon Ae lessivé et l’horizon B enrichi en argile; l’horizon se voit attribuer le suffixe t (Bt). Comme mentionné au chapitre 2, la texture de l’horizon Bt résultant de ce processus de lessivage est difficile à différencier de la texture résultant de tout autre processus de formation de cet horizon B, y compris le simple processus de stratification des matériaux d’origine. Les sols qui ont un horizon Bt entrent dans l’ordre des luvisols (Lavkulich et Arocena, 2011) (figure 8.9).

 

Figure 8.9. Luvisol gris orthique. L’horizon Ae présente une teneur plus faible en argile que l’horizon Bt. On notera la structure beaucoup plus organisée de l’horizon loameux argileux Bt par rapport à l’horizon Ae. © Roly St. Arnaud, Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détenteur d’une attribution CC BY.

Tout comme dans le cas des sols formés à partir de matériaux d’origine acides, on doit faire une autre distinction entre les brunisols neutre‐ alcalin et les luvisols dont l’horizon minéral de surface a été enrichi en matière organique (Ah) sous l’effet de l’activité des organismes vivant dans le sol ainsi que les sols caractérisés par un contraste marqué entre l’horizon A et l’horizon LFH. Le SCCS reconnaît ces différences au niveau hiérarchique du grand groupe. Le grand groupe des luvisols brun gris et des brunisols mélaniques ont un horizon Ae de plus de 10 cm d’épaisseur, ce que n’ont pas les sols appartenant au grand groupe des luvisols gris et des brunisols eutriques.

 

Figure 8.10. Brunisol mélanique. Ce sol de l’Ontario à la texture sableuse présente un épais horizon Ah qui recouvre un horizon Bm diagnostique (peu altéré). À comparer avec le sol de la figure 8.8, marqué par l’absence d’un horizon Ah. © Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détentrice d’une attribution CC BY.

Le territoire où la présence de luvisols est la plus fréquente se trouve dans l’écozone des Plaines boréales des provinces des Prairies et dans la portion sud de l’écozone de la Taïga des Plaines (figure 8.1). Ces territoires sont dominés par des forêts mixtes (forêts où les arbres de feuillus et de conifères sont codominants). Une combinaison similaire de sols et de végétation existe dans l’écozone de la Cordillère montagnarde située en Colombie‐Britannique intérieure. Les sols appartenant au grand groupe des luvisols brun gris et des brunisols mélaniques sont surtout trouvés dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes du sud de l’Ontario et dans certaines parties de l’écozone Maritime atlantique du Nouveau‐Brunswick et de la Nouvelle‐Écosse. Enfin, on trouve des sols du grand groupe des luvisols gris sur les dépôts glacio‐lacustres riches en argile dans le centre nord du Manitoba, l’est de l’Ontario et l’ouest du Québec dont le territoire de ce dernier fait partie de l’écozone du Bouclier boréal.

SOLS DES ZONES HUMIDES

Gleysols et sols organiques

Dans le SCCS, on a différencié les deux ordres de sols des zones humides en fonction de la présence ou non des horizons O. Tout sol de zone humide caractérisé par un horizon O d’une épaisseur d’au moins 40 cm appartient à l’ordre des sols organiques; tout sol de zone humide caractérisé par un horizon O de moins de 40 cm (jusqu’à son absence) appartient à l’ordre des sols gleysoliques (figure 8.11).

Comme nous l’avons vu au chapitre 2, les facteurs déterminants sur la distribution des sols des zones humides sont : (1) les conditions anaérobiques données par la période de saturation en eau et (2) les effets de ces conditions anaérobiques sur la décomposition de la matière organique et sur la chimie de l’environnement édaphique.

 

Figure 8.11. Gleysol régosolique (phase tourbeuse). L’horizon O fait moins de 40 cm d’épaisseur et il recouvre directement l’horizon Cg diagnostique. © Ken Van Rees, Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détenteur d’une attribution CC BY.

Les sols de ces deux ordres (gleysolique et organique) se trouvent dans chaque province du Canada, même s’ils sont plutôt rares sur le territoire (figure 8.1). Au sein d’un paysage, ils occupent le plus souvent les dépressions topographiques où l’eau qui s’accumule favorise les conditions de saturation du sol en eau. C’est pourquoi, partout au Canada, ces sols sont communs le long d’une caténa de sol, mais qu’ils ne sont dominants sur aucun territoire canadien, à l’exception des sols de l’ordre organique qui dominent sur le territoire de l’écozone des Plaines hudsoniennes, le plus grand territoire couvert de sols de zones humides dans le monde (Kroetsch et coll., 2011).

Ils caractérisent aussi de grandes superficies de l’écozone des Plaines boréales qui juxtaposent l’écozone du Bouclier boréal (chapitre 2, figure 2.11). Les forêts établies dans les dépressions topographiques des grands territoires forestiers de partout au Canada reposent sur ces sols saturés où l’eau circule peu.

Les sols caractérisés par une épaisseur d’horizons organiques de plus de 40 cm se trouvent au Canada dans deux autres types d’écosystèmes. Le premier type est situé en Colombie‐Britannique; il s’agit de la forêt pluviale côtière où le régime des précipitations élevées (généralement de plus de 3000 mm par année) a pour effet de saturer les sols, ce qui retarde la décomposition des feuilles tombées et autre biomasse forestière aérienne (Fox et Tarnocai, 2011). Par conséquent, ces matériaux organiques s’accumulent (généralement appelés « matériaux foliques »). Les sols de cette région forestière entrent dans le grand groupe des folisols de l’ordre des sols organiques (figure 8.12). Il existe enfin de grandes superficies dans le sud du Yukon et dans le sud‐ouest des Territoires du Nord‐Ouest couvertes de pergélisols qui ont une couche de matière organique de plus de 40 cm d’épaisseur. Ces sols sont l’objet de la section suivante, qui porte sur les sols de l’Arctique et de la toundra.

 

Figure 8.12. Le grand groupe des folisols, Côtes du centre de la Colombie‐Britannique. Ces sols ont un horizon F (fibrique) et un horizon H (humique) épais, dont la formation résulte de l’accumulation de la matière organique forestière morte dans des conditions humides. On notera les grosses racines des arbres entre 60 et 80 cm de profondeur. © Paul Sanborn, détenteur d’une attribution CC BY.

Les gleysols sont des sols minéraux qui portent la marque manifeste des conditions de gleyification : couleur gris‐bleu, mouchetures rougeâtres et couleurs faiblement saturées, tous indicateurs de saturation prolongée en eau (Bedard‐Haughn, 2011) (figure 8.13). Les horizons qui possèdent ces caractéristiques se voient attribuer le suffixe g. Le suffixe g peut être attribué aux horizons A (Aeg) ou à un large éventail d’horizons B et C. L’horizon Ah est généralement trop foncé pour que l’on puisse distinguer les signes de la gleyification.

 

Figure 8.13. Gleysol luvique humique. Ce sol est caractérisé par un horizon Ah de plus de 10 cm d’épaisseur (humique) et par deux horizons B ayant tous deux une teneur en argile (luvique, suffixe t) plus élevée que le Aeg et plus élevée qu’un horizon marmorisé (g). Le chiffre romain II indique qu’à partir de 50 cm de profondeur, le matériel en place provient de matériaux d’origine différents des matériaux au‐dessus de 50 cm. Les zones rougeâtres (fer oxydé) intercalées dans la matrice de matériaux gris (fer réduit) dans l’horizon IIBg sont caractéristiques du phénomène de marmorisation. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Kent Watson. © Kent Watson, détenteur d’une attribution CC BY.

Les sols appartenant à l’ordre des gleysols n’occupent que de petits territoires classés dans l’écozone des Plaines à forêts mixtes, tels que le territoire de l’extrême sud de l’Ontario et de celui du sud‐ouest du Québec (figure 8.1). Dans ces deux régions, les gleysols se sont formés à partir de matériaux d’origine glacio‐lacustres riches en argile ou d’origine glacio‐marins à travers lesquels les précipitations s’évacuent lentement, ce qui a créé les conditions anaérobiques propices à la formation des gleysols (Bedard‐Haughn, 2011).

Un exemple de profil de la caténa Huron située dans le sud de l’Ontario montrant la position topographique des gleysols est montré sur la figure 8.14. En position de bas de pente, on trouve les textures de loam limono‐argileux des matériaux d’origine et plus haut sur les pentes, les textures de loam et de loam sableux. L’eau, qui se concentre dans le bas des pentes, se draine plus lentement en raison de la finesse des particules; lenteur d’écoulement qui prolonge l’état de saturation favorable à l’apparition des caractéristiques de la gleyification. Les luvisols dominent en superficie, d’où la dénomination « luvisol » observable sur les cartes de sols à l’échelle du territoire canadien. La cartographie numérique des sols (présentée au chapitre 14) permet de créer des cartes numériques là où ils sont faciles à différencier.

 

Figure 8.14. Distribution des sols et des matériaux d’origine de la caténa Huron dans le comté de Waterloo en Ontario. Les conditions propices à la gleyification se créent au bas des pentes : lenteur du débit d’eau menant à de longues périodes de saturation en eau et présence de matériaux d’origine riches en argile. Schéma de Presant et Wicklund (1971; figure 9) adapté par Dan Pennock, Université de la Saskatchewan. © Dan Pennock, détenteur d’une attribution CC BY.

SOLS DE L’ARCTIQUE ET DE LA TOUNDRA

Cryosols

Le SCCS classe les sols montrant du pergélisol d’une épaisseur comprise entre 1 et 2 m dans l’ordre cryosolique. Au Canada, les cryosols abondent : ils couvrent environ 2,5 millions de km2, soit environ 35 % du territoire terrestre canadien (Tarnocai et Bockheim, 2011) (figure 8.1). Les cryosols dominent totalement la superficie de la Cordillère arctique et celle des écozones du Haut‐Arctique, de même que les parties nord des écozones de la Taïga de la Cordillère, de la Taïga des Plaines et de la Taïga du Bouclier. Dans les parties sud des écozones de la Taïga, le pergélisol devient discontinu; la superficie de ces territoires est constituée à la fois de cryosols et de brunisols.

Les cryosols résultent de trois processus de formation, processus qui ont servi, dans le SCCS, de critères de différenciation au niveau hiérarchique du grand groupe. Selon le premier processus, l’infiltration dans le sol de lentilles de glace aurait eu pour effet de perturber considérablement l’horizontalité des lignes d’horizon jusqu’à créer un profil complexe d’horizons discontinus. De tels sols font partie du grand groupe des cryosols turbiques de l’ordre cryosolique, grand groupe de sols le plus abondant en termes de superficie (figure 8.15). Décrire les horizons des cryosols turbiques peut se révéler complexe, étant donné la nature discontinue des horizons (figure 8.16). Le suffixe diagnostique y indique un sol qui a subi le phénomène de cryoturbation (tel que le montre la disposition désordonnée des horizons au sein du profil); le suffixe diagnostique z indique la présence d’une couche gelée. Ces deux suffixes peuvent être attribués à l’un ou à l’autre des principaux horizons (soit A, B, C ou O). Les horizons Ah et Bm peuvent également se retrouver dans un cryosol, çà et là sous forme de poche.

 

Figure 8.15. Cartographie des grands groupes de sols des Territoires du Nord‐Ouest et au Nunavut. Le grand groupe des cryosols turbiques de l’ordre cryosolique est la classe de sols qui domine dans la région, grand groupe qui se fait remplacer progressivement par les brunisols dystriques (c.‐à‐d. acides) à la limite sud des cryosols. Cette limite correspond à la ligne de démarcation entre la présence continue et discontinue de pergélisol. Carte créée à partir des travaux officiels publiés par le gouvernement du Canada, reproduite avec l’aimable autorisation de Darrel Cerkowniak d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. © Darrel Cerkowniak, Agriculture et Agroalimentaire Canada, détenteur d’une attribution CC BY.
Figure 8.16. Cryosol turbique. Le phénomène de cryoturbation a fait pénétrer la couche de matière organique de surface dans le sol, perturbant profondément les horizons minéraux B et C sous‐jacents. La texture fine des matériaux d’origine a facilité la rétention de l’eau et l’action du gel dans le sol. © Tarnocai et Bockheim (2011), détenteurs d’une attribution CC BY.

L’action du gel dans le sol n’a aucune emprise sur les sols dont les matériaux d’origine sont trop grossiers pour permettre à l’eau de former des lentilles de glace propices au bouleversement des horizons du sol; de tels sols caractérisent de petites superficies le long des lignes côtières. Ces sols entrent dans le grand groupe des sols dits statiques (figure 8.17). Enfin, dans les régions plus tempérées du sud du Yukon et du sud‐ouest des T.N.‐O, il est possible de trouver des cryosols qui ont en surface un humus de plus de 40 cm d’épaisseur. Le SCCS classe ces sols dans le grand groupe des cryosols organiques de l’ordre cryosolique (figure 8.15).

 

Figure 8.17. Cryosol statique brunisolique. Un humus fibrique épais (Of) recouvre un horizon Bm. L’horizon diagnostique Cz se trouve à moins d’un mètre de la surface. Les matériaux d’origine de texture grossière retiennent peu d’eau, ce qui empêche le phénomène de cryoturbation de se produire (action du gel dans le sol). © Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détentrice d’une attribution CC BY.

SOLS DES PRAIRIES CANADIENNES

Chernozems, solonetz et vertisols

Le SCCS distingue trois ordres de sols que l’on trouve seulement dans les prairies ou les régions de transition entre la forêt et la prairie: chernozémique, solonetzique et vertisolique (Anderson et Cerkowniak, 2010). L’ordre chernozémique est le dominant, les deux autres ordres étant principalement associés à des matériaux d’origine particuliers (figure 8.1). De manière générale, la les prairies canadiennes sont caractérisées par des sols à texture de loam ou de loam argileux qui se sont formés à partir de matériaux d’origine glaciaire : 35,1 millions d’hectares (Mha) de till à texture de loam à loam argileux de terres agricoles sur un total de 53,1 Mha couvrent la région (Pennock et coll., 2011). Tous les territoires de Prairies souffrent d’un important déficit en humidité, allant en importance décroissante de 200 mm dans la zone de sol brun de l’est de la Saskatchewan à 80 mm dans la zone de transition entre les prairies et les forêts mixtes de l’écozone des Plaines boréales (Pennock et coll., 2011).

Les sols des Prairies canadiennes sont en très grande majorité associés à des matériaux d’origine de pH allant de neutre à alcalin. Ils sont caractérisés par une saturation élevée en bases et par la présence de carbonates et de sels hydrosolubles dans leurs matériaux d’origine. Au cours du premier stade de formation du sol, la croissance des graminées (y compris leur abondante masse racinaire) accompagnée du brassage de la couche superficielle du sol par les petits mammifères qui y vivent donne lieu au développement d’un horizon minéral Ah, le suffixe h indiquant la présence d’humus.

L’action combinée de l’hydrolyse et des acides organiques de cette couche de sol dissout les sels et les carbonates qui se retrouvent dans la partie inférieure de l’horizon Ah avant de passer dans l’horizon B, ce qui donne lieu à un horizon Bm lessivé avant que ces mêmes ions reforment une couche de carbonate de calcium (Cca) plus profondément dans le sol. Dans le cas de ces sols où le Ah et le Bm sont très minces, le SCCS les classe dans l’ordre des régosols (figure 8.18); avec le temps ‐ quelques centaines d’années, ces sols auront suffisamment évolué pour appartenir à l’ordre chernozémique.

 

Figure 8.18. Régosol humique dans un till de texture loameuse. L’apport abondant de racines de graminées et leur transformation subséquente par les microorganismes ont pu créer en quelques centaines d’années un horizon Ah. L’altération du carbonate de calcium (Ck) hérité des matériaux d’origine nécessaire à la formation d’un horizon B est en revanche un processus qui s’étend bien au‐ delà de quelques centaines d’années. © Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détentrice d’une attribution CC BY.

L’horizon diagnostique de l’ordre chernozémique est défini par la présence d’un horizon Ah de couleur foncée (en raison de l’enrichissement en matière organique) caractérisé par une teneur élevée en bases (du calcium principalement) et d’une épaisseur d’au moins 10 cm (figure 8.19). La partie la plus sèche des Prairies canadiennes est située dans la région sud‐est de la Saskatchewan et dans le sud‐ ouest d’une portion de l’Alberta; à mesure que l’on se déplace vers le nord de ces territoires, les sols gagnent en humidité et en matière organique emmagasinée, conférant à l’horizon Ah une couleur de plus en plus foncée. Il arrive souvent qu’on trouve des indices de la présence de petits animaux fouisseurs. Le suffixe u rend compte de cette présence (p. ex., Ahu, Bmu). Les chernozems ont aussi généralement un horizon C bien développé qui contient du carbonate de calcium secondaire (on attribue alors le suffixe ca à l’horizon C), lequel recouvre un autre horizon C, contenant cette fois‐ci du carbonate de calcium primaire, soit celui provenant des matériaux d’origine (horizon Ck).

 

Figure 8.19. Chernozem noir orthique. L’activité des petits animaux fouisseurs est manifeste quand on observe les terriers établis dans l’horizon Bmu2 remplis du matériel qu’ils ont rapporté de l’horizon Ah. L’enrichissement en carbonate de calcium secondaire dans le haut de l’horizon C est tout aussi manifeste. Photo reproduite avec l’aimable autorisation de Kent Watson. © Kent Watson, détenteur d’une attribution CC BY.

L’accumulation de matière organique déterminée par le climat mène à une zonation nette de la distribution des sols, qui se reflète dans les grands groupes de chernozems de l’ordre chernozémique (brun, brun foncé, noir, brun gris) (figure 8.20). L’extension la plus septentrionale de l’ordre chernozémique atteint les basses terres de Peace River en Alberta et la zone de transition entre les graminées et les forêts qui longe le sud de l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. La situation géographique de cette zone de transition se trouve régulée par le mouvement dominant des masses d’air de la région, mouvement qui vient se briser sur la barrière de la Cordillère en basse altitude ouest de la région de Peace River avant de se diriger en direction sud‐est.

 

Figure 8.20. Répartition régionale des grands groupes de chernozems de l’ordre chernozémique dans l’Ouest canadien. Les superficies caractérisées par des chernozems brun foncé et des chernozems noirs situées dans le sud‐ouest de la Saskatchewan et dans le sud‐est sont associées aux hautes terres des collines du Cyprès. Carte créée à partir des travaux officiels publiés par le gouvernement du Canada, reproduite avec l’aimable autorisation de Darrel Cerkowniak d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. © Darrel Cerkowniak, Agriculture et Agroalimentaire Canada, détenteur d’une attribution CC BY.

Pas mal partout dans la région des Prairies canadiennes le long de la zone de transition, les chernozems perdent en importance au profit des luvisols dans l’écozone de la Plaine boréale. Les sols en présence dans cette zone de transition présentent souvent un horizon A porteur d’indices d’ajout de matière organique et de lessivage (horizon Ahe) sous lequel on peut observer un horizon peu développé (jeune) de texture très différente de l’horizon Ahe. On lui attribue les suffixes t (enrichi en argile) et j (jeune). Ces sols correspondent, selon les critères de classification du SCCS, au grand groupe des chernozems gris foncé ou à ceux des luvisols gris foncé.

La géomorphologie de beaucoup de régions des Prairies canadiennes résulte de la fonte de calottes glaciaires immobiles, telle que le montrent les formes en bosses et creux du terrain et la présence d’innombrables petites zones humides. Une caténa caractéristique de sols s’étend le long de ces petits bassins versants, depuis le régosol ou le mince chernozem situé en haut de pente qui évoluent en descendant la pente en chernozems dotés d’un horizon Ah de plus en plus épais pour au final laisser place aux gleysols dans les dépressions (figure 8.3).

Les deux autres ordres de sols (solonetzique et vertisolique) sont associés à des types particuliers de matériaux d’origine. Les vertisols se sont formés à partir de matériaux d’origine glacio‐lacustres argileux à haute teneur en minéraux argileux du type smectite (Brierley et coll., 2011). Une telle composition de matériaux confère à ces sols la propriété de se rétrécir en période de sécheresse et menant ainsi à la formation de fissures, dont la profondeur peut dépasser un mètre (Anderson, 2010). En période humide en revanche, les argiles gonflent et bouchent les fissures ‐ en plus de produire un effet de turbation dans le sol (modification de la disposition des matériaux). La turbation nuit à la formation d’horizons bien définis. On attribue le suffixe v aux horizons perturbés de la sorte (p. ex., Bv, Cv). Le déplacement de matériel le long des fissures a aussi pour effet d’en polir les surfaces (surface appelée « miroir de faille ») par glissement d’une masse de sol contre l’autre. Le suffixe ss est attribué aux horizons touchés par le phénomène (p. ex., Bss). Pour être classé dans l’ordre vertisolique, un horizon doit porter les marques de turbation (suffixe v ) et avoir été soumis au phénomène de polissage de ses surfaces fissurées (suffixe ss) (figure 8.21).

 

Figure 8.21. Vertisol orthique. Le phénomène de turbation des horizons résultant du rétrécissement et du gonflement des argiles empêchent la formation d’horizons bien définis des sols de l’ordre vertisolique. © Roly St. Arnaud, Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détenteur d’une attribution CC BY.

L’ordre solonetzique groupe les sols qui présentent des horizons bien définis grâce à leur haute teneur en sodium (Na+) (Miller et Brierley, 2011) (figure 8.22). Généralement, dans le cas des chernozems, le rapport calcium échangeable/sodium échangeable est de 30 ou plus, mais dans dans le cas des solonetz, il est en dessous de 10. Les hautes teneurs en sodium des solonetz résultent des relations complexes qui se sont établis au cours du temps entre les matériaux d’origine, la topographie et le régime d’écoulement de l’eau souterraine. Les horizons montrant un rapport Ca:Na inférieur à 10 se voient attribuer le suffixe n (p. ex., Bn). On peut constater sur le terrain la teneur élevée en argile de ces horizons, leur structure dense et imperméable (souvent appelée de façon non officielle « horizon durci »), auquel cas, on leur attribue le suffixe supplémentaire t (Bnt). L’engorgement d’eau sur la partie supérieure de l’horizon Bnt peut mener à la destruction de cette partie et à la formation d’une couche Ae/AB.

 

Figure 8.22. Solonetz solodisé noir. Un épais horizon Ah recouvre un horizon Ae blanchi. La structure colonnaire caractéristique au sommet arrondi (non toujours visible) de l’horizon Bnt est en train de blanchir. On peut voir les mouchetures blanches de sels dans l’horizon Csk. © Roly St. Arnaud, Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détenteur d’une attribution CC BY.

La salinité est sans doute une propriété du sol de grand intérêt pour les producteurs, bien qu’il demeure très difficile d’en déterminer les caractères au sein de la hiérarchie taxonomique du SCCS. Les horizons qui contiennent des sels primaires provenant des matériaux d’origine se voient attribuer le suffixe s (p. ex., Csk) et ceux qui contiennent des sels secondaires qui se sont formés par précipitation d’ions en provenance de l’eau souterraine se voient attribuer le suffixe sa (p. ex., Asa, Bsa). Les sols constitués de tels horizons ne sont toutefois pas reconnus aux niveaux hiérarchiques de l’ordre, du grand groupe ou du sous‐groupe dans le SCCS; ils sont seulement considérés comme une phase dans l’évolution du sol ‐ par exemple, chernozem brun orthique, phase saline.

INFLUENCE DE L’HOMME SUR LA DISTRIBUTION DES SOLS

Régosols et anthroposols

L’impact le plus considérable de l’activité humaine sur l’« horizonation » des sols (et par le fait même la classification) est l’augmentation de l’érosion, en particulier l’érosion causée par le travail du sol sur les terres agricoles (FAO, 2019). Le travail du sol consiste à retourner la terre à la surface du sol sur une profondeur qui se situe entre 10 et 25 cm, selon la machinerie utilisée. La partie du sol labourée se voit attribuer le suffixe p (de l’anglais ploughed). C’est l’horizon Ap. Tout en exerçant une action érosive sur la surface du sol, le labourage se trouve aussi à incorporer les horizons B et C à l’horizon Ap, ce qui peut contribuer à diminuer la croissance des plantes là où un horizon B ou C poserait des limites de croissance à la végétation. Souvent, l’érosion et le bouleversement des horizons que cause le travail du sol a pour effet d’éliminer complètement l’horizon B. Le SCCS classe de tels sols dans l’ordre régosolique selon la séquence d’horizons observés Ap/C ou Ap/Cca. Dans un paysage de terres agricoles, une caténa de sols comprend généralement des régosols sur les positions topographiques propices à l’érosion. La terre qui se dépose au bas des pentes a pour effet d’épaissir l’horizon A dans les positions topographiques favorables à l’accumulation, mais ce phénomène n’est généralement pas considéré dans le SCCS.

 

Figure 8.23. Régosol orthique. Dans son état d’origine, ce sol aurait été reconnu comme un chernozem peu épais selon le SCCS. L’érosion du sol causée par le travail du sol a éliminé l’horizon B et a incorporé l’horizon Cca dans l’horizon de surface Apca. Une telle situation a donné lieu à la formation de régosols sur les buttes érodées des champs cultivés à travers le Canada. © Dan Pennock, Université de la Saskatchewan (Centre de recherche sur le sol), détenteur d’une attribution CC BY.

Un autre impact tout aussi considérable de l’activité humaine sur les sols est l’élimination, l’entreposage et le remplacement de leurs matériaux constitutifs associés à diverses formes d’exploitation des ressources ‐ par exemple, le creusement de tranchées pour le passage des pipelines ou l’élimination de la surface du sol à des fins d’exploitation du bitume dans les sables bitumineux ou d’autres ressources minérales. Les sols extrêmement perturbés ou reconstitués ne peuvent être décrits adéquatement à partir de la terminologie adoptée par le SCCS. Naeth et coll. (2011) ont proposé de créer un nouvel ordre de sols appelé « anthroposol »pour les décrire. L’horizon diagnostique d’un anthroposol pourrait être désigné par la lettre D (pour disturbed en anglais). Il existe de nombreux systèmes de classification des sols ‐ autant à l’échelle nationale qu’internationale qui ont déjà défini de nouveaux ordres qui permettent de différencier les anthroposols des autres sols. Au moment de la rédaction de ce manuel (été 2019), le SCCS n’avait toujours pas présenté de critères à cette fin.

SOLS DU MONDE ENTIER

Étant donné la jeunesse relative des sols canadiens et de l’amplitude climatique limitée que l’on peut trouver au Canada, beaucoup de classes de sols observées ailleurs dans le monde ne se trouvent pas ici. Le SCCS visait uniquement à établir une classification des sols canadiens, c’est pourquoi nous devons recourir à d’autres systèmes de classification des sols pour connaître les sols qui ne se trouvent pas sur le territoire canadien.

Malheureusement, il n’existe pas un système international unique de classification des sols sur lequel les pays se soient mis d’accord jusqu’à aujourd’hui. Il existe tout de même deux systèmes internationaux de classification des sols: la Taxonomie du sol (Soil Taxonomy), élaborée par le ministère de l’Agriculture des États‐Unis (United States Department of Agriculture [USDA]) et la Base mondiale de référence des ressources en sols (WRB‐World Reference Base), qui avait d’abord été publiée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et qui a été rééditée depuis par un groupe de travail de l’Union internationale des sciences du sol (IUSS).

Malheureusement, la classification dans ces deux systèmes ne concorde pas tout à fait, notamment au niveau hiérarchique de l’ordre, les classes se chevauchant. Néanmoins, on peut dresser un tableau suffisamment concordant des classes des deux systèmes en vis‐à‐vis accompagnés du SCCS le cas échéant (tableau 8.3). Pour la suite du texte, nous ne recourrons qu’aux classes de sols du Soil

Taxonomy du USDA étant donné que c’est le système de classification que les étudiants du Canada utiliseront le plus souvent. L’absence d’un système de classification des sols unique mène à beaucoup de confusion chez ceux qui ont besoin d’information sur les sols; confusion entre étudiants, entre générations d’étudiants, de scientifiques et de décideurs politiques.

Table 8.3. Correspondance entre les classes de sols de trois systèmes de classification: Soil Taxonomy, Base mondiale de référence des ressources en sols, Système canadien de classification des sols

  Système Canadien de Classification des Sols World Reference Base Soil Taxonomy1
Ordre Référence Soil Group Ordre2
Sols fortement influencés par l’humain
Modifié par l’usage de l’Homme sur une longue durée anthrosol
Contient beaucoup d’artéfacts technosol
Pergélisols
affectés par le gel cryosol cryosol geligélisolssol
Sols de prairies
Sous-sol enrichi en argile, haute teneur en sodium solonétzique solonetz grands groupes natriques
Argiles à fort rétrécissement/gonflement, miroirs de faille vertisol vertisol vertisol
Haute teneur en sels solubles solonchak salids
Foncé, Ah bien structuré, CaCO3 ‎secondaire chernozem (noir GG) chernozemic mollisol
(udolls)
Foncé, Ah, CaCO3 ‎secondaire chernozémique kastanozem mollisol
(brun foncé, brun GG) (ustolls, xerolls)
Foncé, Ah, pas de CaCO3 phaeozem mollisol
(udolls, albolls)
Ah foncé, faible contenu en bases brunisol umbrisol
(sombrique)
Sols des zones arides
Accumulation et cimentation par la silice durisol aridisol
durides
Accumulation de gypse secondaire gypsisol aridisol
gypsides
Accumulation de carbonates secondaires calcisol aridisol
calcides
Sols de zones humides
Couche épaisse de matière organique organique histosol histosols
Sol minéral, indices de gleyification gleysolique gleysol sous-ordres aquiques
Eau stagnante, différence texturale contrastée planosol albaqualfes,
albaquultes,
argiabolls
Eau stagnante, pas de contraste textural stagnosol
Sols forestiers, jeunes sols (en surface)
Illuviation de fer et d'aluminium podzolique podzol spodosol
Teneur élevée en argile dans l’horizon B luvisolique luvisol alfisols (argiles à haute activité)
Rougissement de l’horizon B brunisolique cambisol inceptisol
Vieux sols (en surface)
Illuviation et accumulation de fer, durcissement irréversible dans l’état sec plinthosol descripteurs qualificatifs
Argiles de faible activité, beaucoup d’oxydes de fer nitisol alfisols, ultisols (kandic GG)
Dominance de kaolinite et d’oxydes ferrasol oxisol
Matériel interdigité avec la couche rouge rétisol descripteurs qualificatifs
Sous-sol enrichi en argile, argiles de faible activité, teneur faible en bases acrisol ultisols (avec argiles à faible activité)
Sous-sol enrichi en argile, argiles de faible activité, teneur élevée en bases lixisol alfisols (avec argiles à faible activité)
Sous-sol enrichi en argile, argiles à haute activité, teneur faible en bases alisol ultisols (avec argiles à haute activité)
Sols peu ou pas différenciés
Sols très sableux arénosol psamments
Sédiments stratifiés : fluviatiles, lacustres ou marins sediments régosol (cumulique) fluvisol fluvents
Pas de profil véritablement développé régosol régosol entisols
Sol mince avec ou sans fragments grossiers leptosol entisols
Sols de sédiments volcaniques, minéraux d’aluminium complexes andosols andisols
1Correspondance entre le USDA et le WRB du Groupe de travail de travail de l’IUSSS sur le WRB, 2015. World Reference Base for Soil Resources 2014 mis à jour en 2015. International soil classification system for naming soils and creating legends for soil maps. World Soil Resources Reports No. 106. FAO, Rome. (http://www.fao.org/3/i3794en/I3794en.pdf)
2Les sols qui correspondent au niveau hiérarchique inférieur selon la Soil Taxonomy sont indiqués en italique.

Correspondance entre le USDA et le WRB du Groupe de travail de travail de l’IUSSS sur le WRB, 2015. World Reference Base for Soil Resources 2014 mis à jour en 2015. International soil classification system for naming soils and creating legends for soil maps. World Soil Resources Reports No. 106. FAO, Rome. (http://www.fao.org/3/i3794en/I3794en.pdf)

Les sols qui correspondent au niveau hiérarchique inférieur selon la Soil Taxonomy sont indiqués en italique.

Le nombre plus élevé de classes de sols dans les systèmes USDA/WRB par rapport aux classes de sols du SCCS s’explique par le degré d’altération chimique beaucoup plus élevé dans les sols que l’on observe partout dans le monde comparativement aux sols du territoire canadien, dont le faible degré d’altération s’explique par leur début de formation relativement récent, soit après la dernière glaciation. Les deux systèmes de classification, soit USDA et WRB, déterminent le degré d’altération d’un sol à partir de deux critères. Le premier critère concerne l’état de saturation en bases d’un sol; un état de saturation en bases élevée (c.‐à‐d. un complexe d’échange du sol dominé par le calcium, le magnésium, le potassium et le sodium) est indicateur d’altération et de lessivage limités; un état de saturation en bases faible (c.‐à‐d. le remplacement des quatre bases par l’aluminium et l’hydrogène) est indicateur d’un degré élevé d’altération et de lessivage. Le second critère concerne la capacité d’échange cationique ou l’activité des minéraux argileux: les minéraux argileux complexes du sol dérivés des matériaux d’origine, tels que l’illite ou la smectite, sont des argiles à haute activité, alors que les minéraux argileux secondaires simples, tels que la kaolinite, sont de faible activité. La formation des argiles et des oxydes à faible activité est associée aux vieux sols fortement altérés.

Au Canada, la plupart des sols forestiers dérivés de matériaux d’origine de pH neutre à alcalin sont des luvisols. Toutefois, dans les luvisols des vieux territoires qui n’ont pas subi de glaciation, les minéraux argileux ont été soumis à davantage d’altération, de sorte que les argiles d’origine se sont progressivement transformées en variantes d’argiles à faible activité, une caractéristique de l’ordre alfisolique (figure 8.24). Dans une phase subséquente d’évolution du sol, l’altération chimique transforme les minéraux primaires d’origine en oxydes de fer et d’aluminium secondaire, ce qui confère au sol des horizons bien développés à la texture très contrastée et à haute teneur en oxydes. De tels sols sont classés dans l’ordre des ultisols de la Soil Taxonomy (figure 8.24). Une fois l’altération des minéraux argileux primaires d’origine complétée, le sol devient dominé par la simple argile minérale kaolinite et par des oxydes de fer et d’aluminium de la taille d’une particule d’argile. Ces sols sont souvent soumis à de la forte turbation de la part des organismes vivant dans le sol, tels que des fourmis et des termites. De manière générale, ces sols souvent très épais présentent des horizons relativement peu développés. Le système de l’USDA fait entrer ces sols dans les oxisols (figure 8.24). Il peut encore arriver qu’un horizon à haute teneur en oxydes se forme, le matériel résultant étant appelé plinthite; exposé à l’atmosphère, ce matériel peut sécher de façon irréversible, créant une matière dure comme de la roche, la pétroplinthite. Ces sols sont appelés non officiellement « latérites».

 

Figure 8.24. Principales classes de sols vieux et fortement altérés. Les alfisols et les ultisols de ces régions tropicales ont un horizon Bt et contiennent des argiles à faible activité. Dans le cas des oxisols, les minéraux argileux ont été détruits par le processus de désilicification, les sols devenant alors dominés par les oxydes de fer et d’aluminium. Note : ligne bleue continue = 1 m. Photo reproduite avec l’aimable autorisation du Service de conservation des ressources naturelles du USDA, détenteur d’une attribution de domaine publique.

L’ordre ultisolique est le principal ordre de sols observé dans le sud‐ouest des É.‐U. de même qu’un peu partout dans le sud‐est de l’Asie (figure 8.25). On les trouve aussi juxtaposés aux sols de l’ordre oxilique sur les vieux territoires de l’Amérique du Sud et de l’Afrique équatoriale. Beaucoup des alfisols trouvés en Amérique du Sud et en Afrique dans la région du Sahel seraient des variantes à argiles de faible acidité. Paton et coll. (1996) soutiennent qu’un système de classification des sols comme le Soil Taxonomy du USDA ne peut être appliqué aux sols des pays comme l’Australie, généralement caractérisés par de vieux territoires porteurs d’une histoire des plus complexes.

 

Figure 8.25. Carte mondiale des ordres de sols selon la Soil Taxonomy Carte reproduite avec l’aimable autorisation du Oak National Laboratory. Photo reproduite avec l’aimable autorisation du Service de conservation des ressources naturelles du USDA, détenteur d’une attribution de domaine public.

Ce bref aperçu sur la formation des vieux sols fortement altérés donne une représentation simplifiée des processus de formation qui ont eu lieu sur ces territoires qui ont été soumis au cours du temps à des changements substantiels de conditions environnementales (Paton et coll., 1996). Il permet toutefois de mettre en lumière les principales différences entre les « jeunes » sols canadiens et les « vieux » sols fortement altérés, notamment leur disponibilité en continu de minéraux nutritifs pour la croissance des plantes. En effet, beaucoup de sols canadiens sont dotés d’une haute teneur en minéraux primaires (c.‐à‐d. résultant de l’héritage direct des matériaux d’origine), tels que le calcium, le magnésium et le potassium. Dans le cas des sols agricoles des Prairies canadiennes à titre d’exemple, point n’est besoin d’ajouter de l’engrais potassique contrairement aux sols plus fortement altérés qui requièrent ces apports d’engrais pour l’optimisation du rendement des cultures.

On ne trouve aucun vrai sol désertique au Canada. Dans la Soil Taxonomy, les sols désertiques font partie de l’ordre aridisolique. Les sols désertiques présentant des couches cimentées de silice, de gypse et de carbonate de calcium correspondent à la classe du niveau hiérarchique de classification le plus bas du système USDA (tableau 8.3). De nombreuses zones désertiques ont aussi des sols minces faiblement développés qui appartiennent à l’ordre entisolique ‐ les entisols. Ils partagent une ressemblance avec les régosols décrits dans le SCCS.

Les deux systèmes de classification, soit celui du WRB et celui du USDA, ont aussi des classes qui permettent de décrire des sols qui se sont formés à partir de sédiments volcaniques, principalement des cendres volcaniques. Ces sols montent une série distincte de propriétés qui répondent aux critères d’identification des sols de l’ordre andisolique. On les trouve dans de petites zones associées à des zones de volcans actifs dans des régions frontières de plaques tectoniques (p. ex., le Japon et le sud du Chili).

INVENTAIRE DES SOLS

La raison principale pour laquelle on met au point un système de classification des sols est pour en produire une cartographie uniforme. L’inventaire des sols à des fins de classification et leur cartographie subséquente partagent une histoire inextricablement liée. Tout a commencé au début du 20e siècle au moment où les pays se sont mis à procéder à des inventaires systématiques de leurs ressources naturelles. Les activités de cartographie des sols ont toujours désigné l’activité de l’inventaire des sols comme telle, et les cartes elles‐mêmes en présentent le résultat, d’où leur appellation de « cartes de l’inventaire des sols ».

Au Canada, les inventaires des sols ont commencé en Ontario en 1914, suivis par la Colombie‐ Britannique et les Prairies dans les années 1920; le Québec et les provinces de l’Atlantique s’y sont mis dans les années 1930, suivis, dans les années 1940‐1950 par le Yukon, les Territoires du Nord‐Ouest et le Nunavut (Anderson et Smith, 2011; SCWG, 1998, chapitre 1). La participation du gouvernement fédéral aux inventaires des sols s’est maintenue jusqu’au début des années 1990, mais certaines provinces avaient décidé de les poursuivre.

Cette histoire met en lumière le fait qu’on a procédé à des inventaires de sols bien avant la mise sur pied d’une classification systémique des sols à l’échelle du Canada ‐ la publication de la première édition du SCCS datant de 1970. La deuxième édition paraissait en 1987 (2e éd.) et la troisième, en 1998 (3e éd.). Cette situation peut aujourd’hui mener à la confusion pour qui décide de consulter les anciennes publications papier de la grande période des inventaires de sols (de 1945 jusqu’au début des années 1990), car la classification peut ne plus correspondre à celle de l’édition la plus récente du SCCS, soit celle de 1998. La numérisation des inventaires de sols de cette période (accessibles en ligne) a permis de mettre à jour les classifications du passé (tel qu’il sera présenté ci‐dessous).

Les sols des différentes provinces n’ont pas tous été inventoriés avec la même intensité d’échantillonnage et par conséquent n’ont pas tous été représentés à la même échelle cartographique. L’utilité d’une carte de sols en vue de la planification et de l’évaluation des ressources est tributaire de l’intensité d’échantillonnage à laquelle l’inventaire des sols a été effectué; généralement plus l’échantillonnage est faible, moins la carte résultante sera utile à des fins de planification. De manière générale, les inventaires des sols qui ont été menés en Colombie‐Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Québec, en Nouvelle‐Écosse, au Nouveau‐Brunswick, à l’Î.‐P.‐É. et à Terre‐Neuve ont été représentés aux échelles cartographiques de 1:20 000 et de 1:63 360 (c.‐à‐d. découlant de l’intensité d’échantillonnage de l’inventaire (IÉI) respective de 2 et de 3; tableau 8.4). Les cartes d’inventaires des sols de l’Alberta ont été produites à des échelles variant de 1:50 000 à 1:126 730 (soit en fonction de l’IÉI). Les cartes d’inventaires des sols de la Saskatchewan, du Yukon et des Territoires du Nord‐Ouest ont été produites à l’échelle de 1:100 000 ou plus. On trouvera de plus amples informations sur les inventaires des sols en ligne à https://sis.agr.gc.ca/siscan/publications/surveys/index.html.

Sur le terrain, le processus de base d’un inventaire pédologique est à peu près le même partout au Canada à quelques variantes près entre les provinces. En premier lieu, il faut choisir l’intensité d’échantillonnage de l’inventaire (IÉI) en fonction de l’usage qu’on fera des données collectées (tableau 8.4). C’est l’IÉI qui détermine le nombre de profils de sols (fosses pédologiques) qui seront vérifiés (description complète) par unité de surface. Habituellement, un responsable choisit un endroit de vérification qu’il juge représentatif des sols que l’on aura à décrire. La description des caractéristiques et des propriétés du sol sera effectuée à partir d’une liste normalisée prévue à cette fin. À chaque profil (de fosses pédologiques, de sols exposés le long des routes ou de tranchées), on commence par diviser les horizons avant de procéder à la description. On attribue à chaque horizon le suffixe qui correspond à la description présentée dans le SCCS; l’identification de tous les horizons permet par la suite de classer un sol dans le bon ordre, le bon grand groupe et le bon sous‐groupe du SCCS. D’autres données sont aussi collectées sur le terrain : position géographique, modelé du relief environnant, nature des matériaux d’origine, etc.

Le responsable de l’inventaire doit ensuite procéder à la délimitation de la superficie du terrain qu’il juge représentative du profil de sol qui a été décrit. Comme il a été mentionné au chapitre 2, les matériaux d’origine sont, au Canada, d’une importance primordiale dans la détermination des caractéristiques et propriétés du sol ‐ de sorte qu’il faut espérer que la description d’un profil (fosse pédologique) livre une bonne représentation des matériaux d’origine dont il est constitué. La distribution terrestre des matériaux d’origine est normalement présentée sur une cartographie qui a été établie à partir de photos aériennes, car il arrive souvent qu’une morphologie de terrain particulière traduise la présence d’un type de matériaux d’origine donné (tableaux 2.1 et 2.2).

Une série de sols résulte de la combinaison d’une classe de sols donnée avec les matériaux d’origine qui la caractérisent. Cette combinaison d’information constitue l’unité de base qui est utilisée dans la cartographie des sols de partout au Canada (bien que le terme « série de sol » ne soit pas le seul terme employé au Canada pour désigner cette unité, ce qui peut créer de la confusion). Néanmoins, il est d’usage au pays de désigner une série de sols du nom de la localité la plus proche de l’endroit où elle a été décrite la première fois. Cela signifie que la désignation des séries est propre à chaque province; mais en recourant à la classe taxonomique et à la nature des matériaux d’origine, il est assez facile d’établir les correspondances entre les séries de sols de chaque province. Certaines provinces ont adopté le critère « phase du sol » pour différencier des séries de sols; par exemple, la classe de drainage est un critère de phase utilisé dans les provinces du centre du pays et de l’Atlantique.

Il est impossible de montrer chaque série de sols sur une carte papier, car les séries correspondent à la plus grande IÉI (intensité 1, impossible à reproduire sur une carte papier). On contourne la difficulté en recourant à des cartes de séries regroupées. L’information représentée sur ces cartes (dites unités cartographiques) correspond souvent à l’information donnée par les caténas de sols que nous avons décrites précédemment (les unités peuvent varier entre les provinces). Une unité cartographique dite simple correspond à la représentation d’une série dominante; les unités dites complexes présentent deux séries ou plus. Dans ce dernier cas, l’appellation de chaque périmètre délimité (appelé polygone) sur une carte s’accompagne d’une estimation du pourcentage de chaque série présente dans le polygone.

Avec l’augmentation de l’IÉI sur le terrain, le nombre de séries de sols présentes dans un polygone cartographique augmente aussi, reflet direct de la présence d’une variabilité de sols. Une telle variabilité pose des limites à l’utilisation de la carte à des fins de planification spécifique. Les grands inventaires de reconnaissance exploratoire ne servent qu’à des fins de planification générale de l’utilisation des sols (tableau 8.4).

Table 8.4. Échelle cartographique courante, intensité de points de vérification et objectif général de chaque intensité d’échantillonnage d’inventaire des sols en usage au Canada. Tiré de Agriculture et Agroalimentaire Canada (1987).

Intensité d’échantillonnage de l’inventaire (IÉI) et appellation Échelle cartographique courante Intensité des points de vérification (fosse pédologique) Objectif
IÉI 1
Très détaillée
1:5,000
(1 cm sur la carte égale 50 m sur le terrain)
1 point par 1-5 ha estinée à la planification très intensive, p. ex., production de cultures de grande valeur (pépinières), la mise en œuvre de champs d’épuration et à l’élaboration de méthodes d’évaluation des canalisations après dommage
IÉI 2
Détaillée
1:20,000
(1 cm sur la carte égale 200 m sur le terrain)
1 point par 2-20 ha Utilité limitée à la planification locale de regroupement de fermes, de gestion des bassins versants, des petits parcs et de l’irrigation
IÉI 3
Reconnaissance
1:50,000
(1 cm sur la carte égale 500 m sur le terrain)
1 point par 20-200 ha Utilité limitée à la planification à l’échelle du comté, à la gestion des grands parcs, des principaux bassins versants et des zones d’irrigation
IÉI 4
Reconnaissance générale 
1:100,000
(1 cm sur la carte égale 1 000 m [1 km] sur le terrain)
1 point par 100-1000 ha Utilité limitée à l’évaluation de pertinence au niveau provincial et à la planification régionale
IÉI 5
Reconnaissance exploratoire
1:250,000
(1 cm sur la carte égale 2 500 m [2,5 km] sur le terrain)
Plus grand que 1 point par 1 000 ha; points souvent très éloignés les uns des autres Utilité ne servant que la planification régionale ou provinciale générale

L’approche de cartographie spécifique à chaque province et territoire rend difficile l’élaboration d’une cartographie des sols à l’échelle du territoire canadien fondée sur les inventaires de sols de chaque province et territoire. Pour surmonter cette difficulté, Agriculture et Agroalimentaire Canada a produit une cartographie des pédo‐paysages à l’échelle 1:1 000 000 https://sis.agr.gc.ca/siscan/nsdb/slc/index.html. Il s’agit de la seule carte complète des sols du territoire canadien. Chaque polygone de cette carte représente un ou plus d’un type de sol délimité par le paysage auquel il est associé. La version 3.2 de la carte des pédo‐paysages du Canada est devenue publique en mars 2011; cette version constitue la carte de référence des cartes utilisées dans ce manuel (figure 8.1).

INVENTAIRE DU TERRITOIRE CANADIEN

L’Inventaire des Terres du Canada (ITC) résulte du travail colossal de cartographie et de classification des ressources naturelles du Canada qu’ont effectué de nombreux organismes du gouvernement fédéral. L’ITC a été mis sur pied à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’aménagement rural et le développement agricole de 1961; l’année 1963 marquait le début des travaux de cartographie, qui pour l’essentiel étaient presque terminés en 1975‐1976. L’ITC couvrait à l’époque environ 2.6 millions de km2, (soit environ 25 % de la couverture terrestre du Canada) et comprenait des évaluations qui portaient autant sur l’agriculture, la foresterie, les activités de plein air que sur la conservation de la faune (Pierce et Ward, 2013). Chaque zone cartographiée présentait le potentiel d’utilisation de chaque activité suivant 7 classes, la classe 1 exprimant le plus haut potentiel et la classe 7, le plus faible. Les terres, qui pour une activité donnée, présentaient des potentiels d’utilisation des classes 1, 2 et 3 étaient considérées comme primordiales.

La détermination des classes de potentiel d’utilisation de chaque zone cartographique avait débuté par l’évaluation de leurs limitations et la sévérité de ces limitations. Une fois l’évaluation complétée, on est ensuite parti de la limitation la plus grave jusqu’à la limitation la plus faible sur une échelle de 1 à 7, la classe 1 étant celle présentant le moins de limitations au potentiel d’utilisation pour montrer l’éventail possible des potentialités.

L’information se rapportant aux sols a été d’une grande utilité dans la détermination des classes de l’ITC portant sur les activités rattachées à l’agriculture et à la foresterie. Par exemple, avec l’information sur les sols, on a pu dégager dix critères qui ont permis de déterminer les classes de l’activité « agriculture » : qualité de structure du sol (ou perméabilité), présence d’érosion, qualité de fertilité naturelle, risque d’inondation, capacité de rétention de l’humidité, pierrosité de surface, qualité du climat (degré‐jour de croissance ou d’humidité), présence de salinité, profondeur du substratum rocheux et situation topographique. L’information sur des aspects de l’exploitation agricole (p. ex., distance des marchés, infrastructure routière) n’a pas été considérée. On notera que le système de l’ITC n’a utilisé aucun système de taxonomie des sols dans son évaluation des classes rattachées à l’activité « agriculture », une omission qui a grandement limité l’usage de l’ITC, ce qui a contribué au retrait du financement fédéral des inventaires des sols dans les années 1990.

Les classes de l’activité « foresterie » de l’ITC ont été déterminées avec de l’information sur les sols qui provenaient de l’activité « agriculture ». D’autres critères relatifs aux sols ont aussi été considérés: humidité du sol (d’excessive à déficitaire), perméabilité et profondeur des racines (restriction physique au développement des racines en raison d’horizons trop denses ou de la faible profondeur du substratum rocheux). Divers facteurs climatiques ont aussi été inclus pour la détermination des classes.

Les classes de potentiel d’utilisation de l’ITC sont encore aujourd’hui en usage dans certaines provinces canadiennes à des fins de planification d’utilisation des terres. En Ontario par exemple, en vertu de la Déclaration de principe provinciale aux termes de la Loi sur l’aménagement du territoire, on exige que les zones agricoles de premier ordre (classes de potentiel d’utilisation 1, 2 et 3) soient protégées et réservées à des fins d’agriculture à long terme.

Matière à réflexion

“Oh, give me land, lots of land under starry skies above….”

Comment pouvons‐nous comparer la richesse des différentes provinces, voire des différents pays en termes de terres agricoles ? Le point de comparaison réside dans la mesure de la superficie de terre arable par personne (en ha/personne). Au Canada, on peut facilement recourir à l’ITC pour établir facilement les comparaisons entre les provinces. La Saskatchewan est de loin la province détenant la plus grande valeur de superficies de terre arable par personne, avec 14.67 ha par personne; la valeur la plus faible revient au Québec (seulement 0.28 ha par personne) suivi de près par la Colombie‐ Britannique et l’Ontario. Toutefois, le Québec détient une plus grande valeur d’hectares de terre arable par personne que la valeur moyenne mondiale, qui était en 2016 de seulement 0.19 ha par personne selon la Banque mondiale. Cette moyenne mondiale était de 0.37 ha par personne en 1961. Seulement quelques pays ont une plus grande richesse naturelle de terres arables que le Canada (dont la moyenne d’ha par personne est de 1.21 selon la Banque mondiale). Parmi les plus importants pays, seuls le Kazakhstan (1.65 ha/personne) et l’Australie (1.90 ha/personne) dépassent le Canada.

Ressources en sols au Canada (Inventaire des terres du Canada, classes 1, 2 et 3*‡) par rapport à la population (estimation de 2019). Tableau compilé par Tim Moore de l’Université McGill

 

CARTOGRAPHIE NUMÉRIQUE ET INVENTAIRE DES SOLS DE L’AVENIR

Dans certaines régions du monde, y compris certaines régions du Canada, l’inventaire traditionnel des sols a été remplacé par les approches cartographiques d’inventaire assisté par ordinateur, que l’on appelle communément « cartographie numérique des sols » (CNS). L’approche CNS tire profit de l’information existante (y compris des cartes de sols et des données sur les profils de sols) et s’en sert pour prédire à un endroit donné la gamme de propriétés du sol et de classes taxonomiques qui ont le plus de probabilité de s’y trouver. Les prédictions gagnent en précision s’il y a parmi l’information des données de topographie à haute résolution, telles que celles produites par les couvertures au laser (c.‐ à‐d. télédétection par laser ou LiDAR). Les algorithmes qui génèrent les prédictions et les cartes peuvent aussi donner une estimation de l’erreur associée à chaque prévision, de sorte que les usagers sont au courant de la part d’imprécision rattachée à la carte. On trouve au chapitre 17 de plus amples informations sur les techniques associées à la cartographie numérique des sols.

RÉSUMÉ

  1. Les sols trouvés au Canada ont été classés selon le Système Canadien de Classification des Sols (SCCS), le système taxonomique officiel en usage au Canada; il est constitué de six niveaux (ou classes) hiérarchiques.
  2. L’ordre constitue la classe supérieure du SCCS. La détermination d’un ordre est basée sur les effets des processus dominants de la formation d’un sol, tels que les révèlent les caractéristiques et propriétés des horizons, alors qualifiés de « diagnostiques ». Le système définit dix ordres de sols. La détermination de la classe sous‐jacente à l’ordre, le grand groupe, est basée sur les différences d’intensité observées dans les processus de formation du sol ou sur l’apport d’éléments découlant de processus de formation autres.
  3. La distribution des sols à différentes échelles (p. ex., d’une pente, d’un bassin versant, d’une région, d’une province) est déterminée par les sept facteurs de formation d’un sol : climat, organismes vivants, matériaux d’origine, topographie, temps, eau souterraine et activités humaines.
  4. On distingue différentes classes de sols forestiers sur l’un ou l’autre des deux principaux matériaux d’origine trouvés au Canada. Dans le SCCS, on distingue les sols formés à partir de matériaux d’origine de pH acide (pH < 5.5) de ceux formés à partir de matériaux d’origine de pH neutre à alcalin (pH > 5.5).
  5. Le SCCS classe les sols forestiers formés à partir des matériaux d’origine acides dans l’ordre podzolique et l’ordre brunisolique; dans ce dernier cas, le classement repose sur la présence d’une concentration donnée de fer, d’aluminium et de matière organique présente dans l’horizon B.
  6. Le SCCS classe les sols forestiers formés à partir des matériaux d’origine allant de neutre à alcalin dans l’ordre brunisolique et dans l’ordre luvisolique; dans ce dernier cas, le classement repose sur la différence existant entre la teneur en argile présente dans l’horizon B et celle trouvée dans l’horizon minéral au‐dessus.
  7. La présence de couches de pergélisol est un critère d’appartenance (ou diagnostique) à l’ordre cryosolique; la présence de portions de sol gelé un peu partout dans le profil répond au critère d’appartenance du grand groupe de l’ordre.
  8. Le critère diagnostique de l’ordre chernozémique repose sur la présence d’un enrichissement en matière organique dans l’horizon de surface des sols des Prairies. Le SCCS classe dans l’ordre vertisolique les sols des Prairies qui se sont formés à partir de matériaux d’origine riches en argile dontles propriétés gonflantes induisent un brassage mécanique des horizons; si ces sols présentent de hautes teneurs en sodium, ils satisfont le critère diagnostique de l’ordre solonetzique.
  9. Les sols des zones humides dont l’épaisseur de tourbe dépasse 40 cm sont classés dans l’ordre des sols organiques; les sols minéraux trouvés dans les zones humides définissent l’ordre gleysolique.
  10. Le SCCS ne porte que sur la classification des sols que l’on trouve sur le territoire canadien. Pour classer tout autre sol non trouvé au Canada, il faut recourir soit au système américain de l’USDA – le Soil Taxonomy ou au système de l’ONU ‐ le World Reference Base. La présence simultanée de multiples systèmes de classification des sols ne sert pas les intérêts de la science du sol.
  11. Les sols du territoire canadien ont été inventoriés par échantillonnage et cartographiés à différentes échelles depuis le début du 20e siècle. L’utilité d’un outil de planification de l’utilisation des sols, comme un inventaire des sols et la cartographie qui en découle, est fonction de l’intensité d’échantillonnage de cet inventaire et de l’échelle cartographique à laquelle elle correspond.
  12. Les données sur les sols ont beaucoup servi dans la mise sur pied de l’Inventaire des Terres du Canada (ITC), notamment dans la cartographie dans les années 1960 et 1970 pour déterminer des potentiels d’utilisation des zones cartographiques aux fins d’agriculture et de foresterie. Les produits cartographiques de l’ITC sont encore utilisés aujourd’hui par certaines provinces à des fins d’aménagement du territoire.

LECTURES CONSEILLÉES

Classification et description des sols canadiens:

On peut trouver des images des sols canadiens et de l’information sur les caractéristiques des sols permettant de les classer dans la banque d’images du site Soils of Canada à : https://soilsofcanada.ca/ (en anglais seulement)

On peut trouver de l’information sur les ordres de sols et des clés de classification des sols dans le guide terrain des sols de l’Ouest canadien (Field HandbooK for the Soils of Western Canada [en anglais seulement]) à https://soilsofcanada.ca/links.php

Classification taxonomique de l’USDA (Soil Taxonomy) : l’université de l’Idaho présente un bon aperçu des propriétés des ordres de sols de la Soil Taxonomy à : https://www.uidaho.edu/cals/soil‐orders

En plus du guide terrain sur les sols de l’Ouest canadien, on peut recourir à deux autres livres qui peuvent se révéler très utiles dans la description des sols sur le terrain :

Heck, R., Kroestch, D.J., Lee, H.T., Leadbetter, D.A., Wilson, E.A. et Winstone, B.C. 2017. Characterizing Sites, Soils & Substrates in Ontario – Volume 1 Field Description Manual. École des sciences de l’environnement, Université de Guelph.

On peut trouver de plus amples informations sur ce livre à : https://www.uoguelph.ca/ses/sites/default/files/CSSSO%20Vol1%20Announcement.pdf

Watson, Kent. 2007 (Revised 2009, 2014). Soils Illustrated. International Remote Sensing Surveys Ltd., Kamloops, B.C.

On peut trouver de plus amples informations sur ce livre à : https://www.edwardkentwatson.com/soils‐illustrated.html

 

EXERCICES PRATIQUES

  1. Quels sont les sept facteurs de formation d’un sol ? Quel est le principal facteur de formation dans la séquence de sols présentée à la figure 8.3 ?
  2. L’ajout de matière organique à un horizon est à l’origine de la formation de trois horizons diagnostiques. Quels sont ces trois horizons dans le milieu d’implantation d’une forêt, de la toundra, d’une zone humide ?
  3. Quels sont les deux horizons diagnostiques qui résultent du phénomène de turbation dans le sol ? Selon vous, quel est le facteur le plus déterminant dans la formation de chacun de ces horizons ?
  4. Dans les années 1930, certaines régions des Prairies canadiennes ont été soumises à un épisode de forte érosion éolienne. Quels sols auraient eu la surface la plus érodée par cet épisode ? Selon vous, quel est le facteur de formation le plus déterminant dans la formation de ces sols ?
  5. La présence de sels dans un sol est reliée à la sécheresse et pourtant comment se fait‐il que leur distribution au sein d’un paysage ait été largement déterminée par l’eau ?
  6. Le SCCS recourt à une propriété du sol pour différencier les sols forestiers qui se sont formés à partir de l’un ou de l’autre de deux types de matériaux d’origine. Quelle est‐elle ? Et quel est le point de différenciation clé ?
  7. Le grand pédologue canadien Paul Sanborn a toujours soutenu que la plus difficile des fosses pédologiques à creuser était constituée de folisols. En vous servant de la figure 8.12, expliquez pourquoi il faudrait donner raison à M. Sandborn.
  8. Quels sont les deux facteurs essentiels de la formation de la zone de sols (figure 8.20) caractéristiques des Prairies canadiennes ?
  9. Quels sont les deux critères d’altération employés par la Soil Taxonomy et le World Reference Base System ?
  10. On vous a demandé de trouver une route pour faire passer un pipeline en vous servant d’un inventaire des sols d’intensité d’échantillonnage 4. Est‐ce possible ? Justifiez brièvement votre réponse.

 

RÉFÉRENCES

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L’ auteur

Dan Pennock, professeur émérite du Département de la science du sol de l’Université de Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan, Canada

Dan Pennock (sous licence CC-BY-NC-ND)

Dan est un professeur émérite (autrement dit, un professeur à la retraite) du Département des sciences du sol de l’Université de Saskatchewan. Il a focalisé ses travaux de recherche sur l’influence des formes de paysages sur la genèse des sols et sur les processus (comme l’érosion et le mouvement de l’eau) qui opèrent au sein de ces paysages. Il a enseigné plusieurs disciplines des sciences du sol et de la géographie. Il a reçu le Master Teacher Award en 2006 de son université en guise de reconnaissance de la qualité de son enseignement. Il a été nommé membre de la Société canadienne de la science du sol en 2010. Depuis sa retraite, il collabore à de nombreux projets sur la gestion durable des sols du Partenariat mondial sur les sols de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

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Introduction à la science du sol : de la théorie à la pratique en sols canadiens Copyright © 2021 by Canadian Society of Soil Science is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International License, except where otherwise noted.

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