Se creuser la tête

4 La physique du sol

Sandra Brown; Asim Biswas; Jean Caron; Miles Dyck; and Bing Si

OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE

À la fin de ce chapitre, l’étudiant devrait être en mesure:

  1. d’expliquer les liens qui existent entre texture du sol, densité apparente, porosité et compaction
  2. de décrire la façon dont les sols retiennent l’eau et les forces qui la font circuler dans le sol
  3. d’établir le lien entre la rétention en eau, les propriétés du sol et la disponibilité en eau pour les plantes
  4. de comprendre les variations de la circulation de l’eau dans le sol en fonction de son potentiel hydrique et de la distribution volumétrique des pores
  5. de décrire le mécanisme principal qui régit les échanges gazeux dans les sols
  6. d’énumérer les principaux mécanismes qui régissent le transport des solutés dans le sol de même que leur importance pour les plantes
  7. de décrire les propriétés thermiques du sol et les facteurs qui influencent sa température et le flux de chaleur
  8. d’expliquer l’effet de l’eau du sol sur sa consistance

INTRODUCTION

La physique du sol consiste à étudier ses phases solide, liquide et gazeuse de même que leurs interactions. Sa texture, sa structure et sa densité apparente reflètent la façon dont les particules minérales et organiques se combinent pour former le tout « sol », constitué d’une matrice et d’interstices non occupés par de la matière minérale solide, appelés « pores ». Ces interstices peuvent être occupés par l’air, par l’eau ou par d’autres matières gazeuses ou liquides. Les phénomènes de rétention en eau du sol et de mouvement de l’eau du sol sont déterminants dans (1) la disponibilité en eau pour les plantes et les organismes du sol, (2) l’infiltration et le drainage, (3) le ruissellement et l’érosion. Le transport des solutés — constitués de nombreux éléments nutritifs — a lieu dans la solution de sol. La circulation de l’air dans le sol et les échanges gazeux régissent les émissions de CO2 dans sol et la disponibilité de l’O2 pour les racines des plantes. Les propriétés thermiques du sol régulent la température à différentes profondeurs. Elles sont aussi en cause dans la vitesse de réchauffement du sol au printemps. La résistance du sol est influencée par sa texture et sa teneur en eau, et détermine la vulnérabilité d’un sol aux glissements de talus et à la compaction.

Les propriétés physiques du sol subissent les impacts de l’utilisation des terres à des fins d’agriculture, de foresterie ou de développement urbain. Comprendre ces impacts aide à trouver des solutions d’atténuation et de réhabilitation des sols qui concernent ces écosystèmes (agricole, forestier, urbain). La compaction du sol au cours des opérations forestières est un exemple d’impact créé sur la résistance du sol, particulièrement dans l’aire de dépôt où l’on stocke les grumes avant leur chargement par de la machinerie lourde dans des camions. Les types de sols ne présentent pas tous la même vulnérabilité à la compaction, de sorte qu’ils peuvent ne pas tous nécessiter de l’ameublissement mécanique avant la plantation d’arbres. Les aménagistes forestiers doivent tenir compte des propriétés physiques du sol, telles que sa résistance (fonction de la texture et de la teneur en eau) dans leur évaluation de ces mesures couteuses à adopter en matière de réhabilitation du sol.

Les propriétés physiques du sol subissent les impacts de l’utilisation des terres à des fins d’agriculture, de foresterie ou de développement urbain. Comprendre ces impacts aide à trouver des solutions d’atténuation et de réhabilitation des sols qui concernent ces écosystèmes (agricole, forestier, urbain). La compaction du sol au cours des opérations forestières est un exemple d’impact créé sur la résistance du sol, particulièrement dans l’aire de dépôt où l’on stocke les grumes avant leur chargement par de la machinerie lourde dans des camions. Les types de sols ne présentent pas tous la même vulnérabilité à la compaction, de sorte qu’ils peuvent ne pas tous nécessiter de l’ameublissement mécanique avant la plantation d’arbres. Les aménagistes forestiers doivent tenir compte des propriétés physiques du sol, telles que sa résistance (fonction de la texture et de la teneur en eau) dans leur évaluation de ces mesures couteuses à adopter en matière de réhabilitation du sol.

Par ailleurs, l’agriculture crée des impacts sur toutes les propriétés du sol. L’application de fumier de ferme dans les champs, par exemple, constitue une large part des 85% des émissions d’ammoniaque (NH3) qui proviennent de l’agriculture au Canada (Bittam et al., 2017). Une telle pratique découle souvent de l’excès de fumier qui se retrouve dans les champs cultivés, faute d’un meilleur usage. Cette pratique est fréquente dans les régions qui comptent beaucoup de fermes laitières et avicoles, comme la région de la vallée du Fraser en Colombie-Britannique. À des fins de diminution des impacts de l’épandage, des chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada à Agassiz ont mis en application leur compréhension des échanges gazeux dans le système sol-plante-atmosphère. Ils ont réussi à mettre au point un épandeur de fumier qui injecte le fumier de vaches laitières dans le sol suivant une largeur entre deux rangs de maïs. L’usage de ce type de machinerie pour les épandages dans les champs cultivés aide non seulement à réduire les émissions d’oxyde nitreux (N2O) dans l’atmosphère, mais aussi à réduire les nitrates qui sont lessivés dans les eaux souterraines.

Dans les milieux urbains, la compaction du sol et le bouleversement de sa surface affectent également toutes ses propriétés. Construire une maison, par exemple, suppose (1) l’enlèvement de la végétation et la couche arable sur le chantier et (2) le compactage délibéré du sol pour réduire la sédimentation. Une fois la construction terminée, on étale dans le périmètre du chantier une fine couche de terre et l’on sème du gazon. Mais la capacité de rétention d’eau de cette mince couche de sol ne suffit pas, en été, à répondre au besoin en eau du gazon. Dans les régions les plus sèches du Canada, des villes comme Ouest Kelowna en Colombie-Britannique ont fait passer à 30 cm l’épaisseur de recouvrement obligatoire de terre arable sur un chantier de façon à augmenter la capacité de rétention d’eau pour les plantes, réduisant du coup la consommation d’eau pour les besoins extérieurs.

Ces trois exemples montrent à quel point la résolution des enjeux environnementaux rattachés au sol est impensable sans la compréhension de la physique du sol.

Le sol est un système à trois phases

Le sol intègre les trois phases de la matière : solide (matière minérale et matière organique), liquide (eau du sol, éléments nutritifs, produits chimiques) et gazeuse (p. ex. N2, O2, CO2) (Figure 4.1). L’importance relative des trois phases et leurs interactions déterminent le comportement et la fonctionnalité du sol.

 

Figure 4.1. Le sol est un système triphasé ; solide, liquide et gazeux. La proportion de chaque phase peut varier, mais idéalement, elle se compose de 50 % de solide, 25 % de liquide et 25 % de gaz. © Asim Biswas, Univ. de Guelph est concédé sous licence CC BY (attribution).

Phase solide

La phase solide du système de sol peut à la fois comprendre de la matière minérale (roches, pierres, galets, gravier, sable, limon, argile) et organique (matière organique du sol). Dans le cas idéal, la phase solide occuperait environ 50 % du volume total du système de sol (fig. 4.1). En réalité, le volume occupé par la phase solide peut toutefois varier de 30 à 60 % du volume total du sol en fonction de ses propriétés physiques et des impacts de la gestion sur lui. Par exemple, les grosses particules d’un sol sableux occupent plus de volume dans le sol que les fines particules d’un sol argileux. De même, la compaction peut faire augmenter le volume des particules solides dans un volume donné. La teneur en minéraux solides est généralement stable dans le temps, tandis que la teneur en matière organique du sol peut changer relativement rapidement. Les minéraux du sol sont constitués de particules dites primaires, telles que les minéraux cristallins (p. ex. quartz, aluminosilicates) et les gels amorphes (p. ex. oxydes, hydroxydes et oxydes hydratés de fer, d’aluminium et de manganèse). Ces particules de sol primaires interagissent. Par exemple, les gels amorphes peuvent enrober des particules cristallines pour former des particules secondaires ou des agrégats (voir chapitre 2). Les minéraux se trouvent donc constitués de particules dont la forme, la taille et la composition chimique diffèrent. Les matériaux organiques sont aussi des constituants de la phase solide du sol, mais ils occupent généralement une plus petite proportion (3 à 5 %) dans les sols minéraux. La matière organique du sol est généralement composée d’organismes vivants et de la matière résiduelle morte générée par la décomposition (à divers stades) de végétaux et d’animaux. Toute cette matière organique peut se lier avec d’autres matières organiques ou minérales pour former des unités secondaires que l’on appelle « agrégats ». Les agrégats font aussi partie de la phase solide du sol. La composition de la matière solide du sol et les caractéristiques de ses surfaces conditionnent le comportement du sol, de même que les interactions de la phase solide avec les phases liquide (eau du sol, éléments nutritifs pour les végétaux) et gazeuse (air du sol).

Phase liquide

La phase liquide du sol comprend l’eau dans laquelle se trouvent divers éléments nutritifs dissous et autres produits chimiques (les solutés du sol), le tout formant la solution de sol. La phase liquide du sol est considérée autant dans son aspect quantitatif (quantité d’eau présente dans le sol) que dans son aspect qualitatif (composition chimique de la solution de sol). Dans le cas idéal, la phase liquide occuperait 25 % du volume total du sol. La phase liquide présente un dynamisme de variation en volume que la phase solide n’a pas. Le volume de solution de sol peut varier de moins de 1 % (conditions de sécheresse totale) à près de 50 % (la solution de sol occupe tous les interstices compris entre les particules solides). Ces interstices (on dit aussi espaces ou vides) dans le sol sont connus sous le nom de « pores ». On dit qu’un sol est saturé lorsque tous ses pores sont remplis de solution de sol. Les pores non occupés par la solution de sol seront occupés par les constituants de la phase gazeuse du système (l’air du sol). On constate que les pores peuvent être occupés autant par les constituants de la phase liquide que de ceux de la phase gazeuse du sol.

Phase gazeuse

La phase gazeuse d’un sol, appelée communément « l’air du sol », est composée d’un mélange d’azote (N2), d’oxygène (O2), de vapeur d’eau et de dioxyde de carbone (CO2). Dans le cas idéal, les gaz du sol occuperaient environ 25 % du volume total du sol, mais leur nature dynamique apporte beaucoup de variations à ce volume. Les pores non occupés par la solution de sol (phase liquide) sont remplis de l’air du sol (phase gazeuse). Les gaz montrent des variations de quantité, de composition et de mobilité en fonction du temps et de leur position dans le profil du sol, et non pas en fonction de l’air atmosphérique. L’air du sol contient en général une plus grande quantité de dioxyde de carbone et une plus faible quantité d’oxygène qu’en contient l’air atmosphérique.

Fractions du sol et texture du sol

Fractions du sol

La phase (ou matière) solide du système de sol est composée de diverses particules primaires et secondaires — minérales ou organiques — dont la forme, la taille et la composition chimique ou minéralogique peuvent varier considérablement. Certaines particules sont assez grosses pour être vues à l’œil nu, tandis que d’autres ne peuvent être vues qu’au microscope. Ces dernières possèdent des propriétés colloïdales.

Les particules minérales ont été classées suivant leur grosseur (dimension ou taille). On distingue les fragments grossiers > 2 mm des fractions de terre fine (< 2 mm). On subdivise les fragments grossiers en trois classes:

  • le gravier, qui comprend les particules de sol dont le diamètre varie de 2 mm à 8 cm ;
  • les galets, qui comprennent les particules de sol dont le diamètre varie de 8 à 25 cm ;
  • les pierres ou rochers, qui comprennent les particules de sol dont le diamètre est plus grand que 25 cm.

Si les fragments grossiers s’imposent en critère prépondérant dans l’aménagement des terres (p. ex., pour sélectionner des outils de travail du sol), ils n’ont qu’un rôle secondaire dans la capacité du sol à retenir l’eau de même qu’à stocker et à libérer les éléments nutritifs pour les plante.

On subdivise la fraction de terre fine (2 mm) en trois classes : les sables, le limon, et les argiles. Le tableau 4.1 présente les limites des classes de diamètre des particules du sol définies suivant le système canadien de classification des sols (SCCS)

Table 4.1. Désignation des fractions de sol du Système canadien de classification des sols (SCCS) définie en fonction de leur diamètre

Fraction de sol Diamètre des particules
mm μm
Sable très grossier 2.0-1.0 2000-1000
Sable grossier 1.0-0.5 1000-500
Sable moyen 0.5-0.25 500-250
Sable fin 0.25-0.10 250-100
Sable très fin 0.10-0.05 100-50
Limon 0.05-0.002 50-2
Argile ≤0.002 ≤2
Argile fin ≤0.0002 ≤0.2

Le terme “fraction du sol” décrit les particules minérales (sable, limon, argile) qui composent la fraction de terre fine. Le schéma de séparation des tailles de particules de sol selon le système canadien de classification des sols est présenté dans le tableau 4.1.

Sable la plus grande division des fractions du sol, soit les particules minérales variant de 2 mm à 0.05 mm selon le SCCS. La fraction sable est subdivisée en cinq sous-fractions (très grossière, grossière, moyenne, fine et très fine). Les particules de sable sont principalement constituées de quartz minéral, mais peuvent également contenir des fragments d’autres minéraux primaires, tels que le feldspath, le mica et autres minéraux. Les particules de sable sont le plus souvent de forme sphérique, dont les bords irréguliers, durs et abrasifs, nous les font sentir granuleuses au toucher et faciles à séparer. Le sable est l’un des facteurs déterminants de la vitesse d’évacuation de l’eau dans le sol, par conséquent sur la disponibilité de l’eau pour les plantes. La part de sable d’un sol est associée à du drainage excessif et à des quantités d’eau insuffisantes pour les plantes.

Limon – fraction composée des particules de taille intermédiaire entre celles du sable et celles de l’argile. La taille des particules de limon varie de 0.05 mm à 0.002 mm (SCCS). Les particules de limon sont constituées des mêmes minéraux que ceux du sable. Elles prennent une consistance farineuse lorsqu’on les presse entre les doigts. En raison de sa plus petite taille (diamètre) que de celles du sable, la surface spécifique du limon par unité de masse est plus grande que celle du sable (notion de surface spécifique décrite plus loin).

Argile – fraction qui comprend les particules minérales de la plus petite taille (de plus petit diamètre). Aussi appelée la « fraction colloïdale ». Le diamètre des particules d’argile est inférieur à 0.002 mm et le diamètre des fines particules d’argile est inférieur à 0.0002 mm (SCCS). Les particules d’argile présentent généralement une forme qui s’apparente à une plaquette ou à une aiguille. Elles sont le plus souvent constituées de minéraux secondaires (aluminosilicates). Parmi les fines particules de terre, les particules de la taille de l’argile ont la plus grande surface spécifique par unité de masse. De plus, leur activité physico-chimique est unique. Les particules d’argile portent généralement une charge négative. Elles ont la propriété d’être souvent très réactives. Au toucher, les argiles sont très collantes, ce qui leur confère une certaine plasticité. Les particules d’argile ont la propriété d’absorber l’eau, ce qui a pour effet de faire gonfler un sol argileux, mais de le faire se rétrécir en situation de sécheresse. Tandis que des fractions de sable et de limon relativement inertes peuvent constituer le squelette du sol, les argiles sont considérées comme en étant la matière même de ce squelette.

Ensemble, ces trois fractions — sable, limon, argile — présentes suivant diverses configurations définissent ce qu’on appelle la “matrice du sol”.

Texture du sol

La texture du sol définit la composition granulométrique de la matrice que l’on établit à partir de l’évaluation des proportions relatives de chacune de ses trois fractions. Cette évaluation est quantitative. La texture du sol est aussi évaluée de manière qualitative par le recours à des tests qui font appel à diverses sensations tactiles, visuelles et gustatives. Pour faciliter l’évaluation des proportions relatives de chacune des fractions de sol (sable, limon, argile) le SCCS distingue 13 classes de texture (ou classes texturales ; Figure 4.2).

La classe texturale appelée “loam” (L) est la classe qui contient des proportions à peu près égales de sable, de limon et d’argile. De manière générale, une classe texturale composée en majorité de particules d’une même taille (sable) est moins favorable à la croissance des plantes que le loam. L’information apportée par l’évaluation des classes texturales se révèle indispensable dans bien des aspects de l’utilisation des terres : détermination de la vocation des sols, gestion des sols, évaluation de leur capacité de production, etc. Nombre de propriétés du sol sont influencées par la texture : mouvement et rétention de l’eau et des solutés (éléments nutritifs) ; transfert de chaleur et aération.

L’abaque de classification texturale des sols du SCCS (Figure 4.2) permet de déterminer rapidement la classe texturale d’un échantillon de sol donné. On localise d’abord le pourcentage de sable de l’échantillon le long de l’axe inférieur de l’abaque en procédant de gauche à droite, puis on localise le pourcentage d’argile de l’échantillon le long de l’axe vertical en procédant du bas vers le haut. Depuis l’endroit correspondant à la valeur de pourcentage de sable obtenue, on projette une ligne parallèle à l’axe vertical jusqu’au point d’intersection d’une deuxième ligne projetée horizontalement à partir de la valeur de pourcentage d’argile. Le point d’intersection des deux lignes indique la classe de texture de l’échantillon de sol. Dans le cas où le point d’intersection tombe directement sur une ligne de séparation entre deux classes, on choisit habituellement la classe texturale qui contient le % d’argile le plus élevé. Le troisième axe de l’abaque présente les valeurs de pourcentage de limon. Bien souvent, il n’est pas nécessaire de connaître le pourcentage de limon puisqu’on peut déterminer la classe texturale avec seulement les pourcentages de sable et d’argile.

 

Fig. 4.2. Soil textural triangle following Canadian system of soil classification. The figure is created in R using package ‘soiltexture’. © Asim Biswas is licensed under a CC BY (Attribution) license.

Surface spécifique d’un sol : définit la surface totale des particules par unité de masse de sol ou par unité de volume de particules de sol. On l’exprime généralement en mètre carré par gramme de sol (masse) ou par centimètre cube (volume) de particules de sol. La surface spécifique dépend autant de la taille des particules que de leur forme. Plus la taille des particules est petite, plus leur surface par unité de masse ou de volume est grande. Les particules de sol de forme aplatie ou allongée exposent une plus grande surface par masse ou par volume que les particules de sol de forme cubique ou sphérique. Les particules d’argile, en plus d’avoir une petite taille, revêtent la forme d’une plaquette qui leur confère une grande surface par unité de masse ou de volume de sol. Alors que les particules de sable peuvent avoir une surface spécifique d’environ 1 m2 g-1, les particules d’argile peuvent avoir une surface spécifique pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres carrés par gramme de sol. La caractéristique fondamentale qu’est la surface spécifique de tout matériau du sol se trouve corrélée à des propriétés tout aussi importantes, telles que la capacité d’échange cationique, la rétention de l’eau, la disponibilité des éléments nutritifs et les propriétés mécaniques, y compris la plasticité, la cohésion et la résistance.

Structure du Sol

Dans le sol, les particules de matière minérale et organique sont liées par diverses forces pour former une unité structurale consistante appelée « agrégat » ou « ped ». La structure du sol renvoie à l’arrangement spatial en agrégats des particules de sable, de limon, d’argile et de particules organiques. Ces agrégats influencent la répartition des pores dans le sol. La structure du sol joue donc un rôle majeur dans le mouvement de l’eau et de l’air, dans la croissance des racines de même que dans les déplacements de la macro et méso faune.

Comment se forment les agrégats?

L’agrégation résulte de nombreux processus biologiques, physiques et chimiques qui se produisent à différentes échelles : atomique ou moléculaire, microscopique et macroscopique (échelle de perception visible par l’œil humain). La floculation, la première étape de la formation des agrégats est celle où les particules s’attirent les unes les autres grâce aux forces naturelles en présence (p. ex., liaisons électrostatiques, ponts hydroxydes OH¯, etc.).  Les liaisons se produisent à l’échelle moléculaire et microscopique. La cimentation, deuxième étape de formation des agrégats permet de stabiliser les unités ainsi formées.

La figure ci-dessous illustre la formation des agrégats à différentes échelles de perception.

 

Figure 4.3. Formation d’agrégats à différentes échelles. Modifié de Tisdale et Oades (1982) et adapté de Krzic et al., SoilWeb200 CC-BY. Adapté et modifié par Lewis Fausak et sous licence CC BY (Attribution).

À l’échelle moléculaire, les particules d’argile (porteuses de charges négatives en surface) attirent les cations et les molécules d’eau qui ont une nature polaire. Les cations polyvalents et les molécules d’eau ont la capacité de former des liaisons électrostatiques avec les particules d’argile, tels des ponts. Lorsque le sol s’assèche, le nombre de molécules d’eau participant à la création de ces ponts diminue, de sorte que les particules d’argile se rapprochent, s’agglutinent. C’est ce qui donne lieu au phénomène de floculation.

D’autres substances participent à la création de ponts entre les particules d’argile, les composés organiques notamment. Par exemple, les molécules à longue chaîne comme les polysaccharides peuvent entrer en contact avec les particules d’argile qui les font se rassembler en une masse compacte autour d’eux. Les oxydes et hydroxydes d’aluminium et de fer peuvent jouer un rôle similaire, en créant des liens complexes entre les particules d’argile, contribuant ainsi à la formation d’agrégat.

Diverses conditions contribuent au phénomène de floculation :

  • le cycle mouillage/séchage
  • le gonflement/rétrécissement des particules d’argile
  • le gel/dégel

Ce sont surtout dans les sols à forte teneur en argile (c.-à-d. les sols à texture plus fine) que se produira le phénomène de floculation dans ces conditions.

De leur côté, les particules de sable et de limon ne portent presque aucune charge à leur surface, mais peuvent former des microagrégats détectables à l’échelle microscopique (≤ 250 microns) en raison des particules d’argile qui les recouvrent ou des composés organiques sur lesquels elles adhèrent

Dans les sols sableux, la formation d’agrégats dépend entièrement des processus biologiques et mécaniques, qui comprennent :

  • les activités d’enfouissement par les vers de terre
  • la production de gels organiques par les bactéries et les champignons qui servent d’agents de cimentation et stabilisent les agrégats ; par exemple, les hyphes des champignons qui produisent une substance collante, appelée glomaline, qui agit comme agent de cimentation
  • l’enchevêtrement des particules minérales (p. ex., dans un réseau de racines fines et d’hyphes fongiques

La deuxième étape, celle de la cimentation fait intervenir des processus détectables autant à l’échelle microscopique qu’à l’échelle macroscopique (≥ 250 microns), dont certains concernent également les agrégats d’argile. Ces processus favorisent la formation de gros agrégats, dits macroagrégats.

Les principaux agents de cimentation dans le sol sont :

  • les composés organiques
  • les revêtements d’argile
  • les oxydes de Fe/Al
  • les carbonates

On remarquera que ces agents jouent aussi un rôle à l’échelle moléculaire et microscopique de par leur nature moléculaire au pouvoir attractif.

On retiendra que agrégation = flocculation + cimentation, où la :

floculation définit le phénomène de rapprochement des particules de sol (surtout d’argile) par les forces naturelles. Ces forces qui comprennent les forces électrostatiques, les forces de Van der Waals, les liaisons hydrogène, les ponts hydroxydes conduisent à la formation d’agrégats microscopiques (ou amas); et où la cimentation définit l’étape de stabilisation des agrégats par un agent de cimentation, tel que les composés organiques, les carbonates, les oxydes de Fe et d’Al ou les particules d’argile.

Dispersion des argiles

La charge nette négative des particules de phyllosilicate a tendance à les faire se repousser. Lorsque ces forces répulsives sont fortes, les particules ne peuvent pas se rapprocher et on les dit dispersées. Cette répulsion mutuelle est renforcée par les cations monovalents à de faibles concentrations, car dans ces conditions, la neutralisation des charges négatives repoussantes est faible. Par conséquent, un sol dominé par les ions Na+ aura des particules d’argile à l’état dispersé, plus qu’un sol où le Ca2+ ou d’autres cations polyvalents domineront. La dispersion des particules de sol n’est pas souhaitable, car les particules dispersées conduisent à la formation de petits pores. Les infiltrations d’eau sont ainsi fortement réduites, entraînant la stagnation de l’eau à la surface du sol.

Types d’agrégats

Les sols peuvent être soit sans structure, soit n’être qu’un amas indifférencié d’agrégats. Les sols particulaires sont un exemple de sol sans structure. Ces sols sont dominés par des particules de sable et il n’y a pas de formation d’agrégats. Le manque de structure dans un sol sableux est attribuable au fait que les particules de sable, constituées de minéraux primaires tels que le quartz, portent une charge limitée, ce qui a pour effet de limiter les processus de floculation et de cimentation, particulièrement dans les sols à texture grossière.

Les sols massifs sont un autre exemple de sol sans structure. Ces sols n’ont pas d’agrégats visibles et sont typiques des argiles massives. Le manque de structure dans un sol argileux peut empêcher la croissance des plantes, car une argile massive manque suffisamment de pores moyens et gros nécessaires au développement des racines. Ce type de sol a donc un taux d’infiltration d’eau très lent.

Dans les sols structurés, les particules de sol sont constituées en agrégats ou peds distincts. Les agrégats de sol peuvent être caractérisés en termes de : forme (ou type), de taille (fine, moyenne ou grossière) et de consistance (ou de force, telle que forte, modérée ou faible). De nombreux types d’agrégats se trouvent dans les sols, dont les quatre formes principales sont sphérique, lamellaire, polyédrique (angulaire avec des bords tranchants et subangulaire avec des bords arrondis) et en forme de prisme (agrégats colonnaires orientés verticalement avec des sommets arrondis ou prismatiques à sommets plats). Ces types structurels (et certains sous-types) sont illustrés ci-dessous (Figure 4.4).

 

Figure 4.4. Types ou formes d’agrégats de sol trouvés dans les sols minéraux. Source : © Krzic et al. 2013. SoilWeb200 est sous licence CC BY-NC-SA (Attribution NonCommercial ShareAlike).

La forme des agrégats est affectée en partie par leur composition et en partie par les différences dans les processus de genèse du sol. Par exemple, les sols argileux ont souvent une structure polyédrique ; la structure colonnaire est fréquemment associée aux argiles sodiques dans les climats semi-arides ; la structure lamellaire se produit souvent près de la surface du sol en raison de l’activité de gel-dégel.

Structure du sol et espace interstitiel (ou poral)

La structure influence directement le type d’espace interstitiel dans un sol. Les pores peuvent être classés comme suit : les macropores (diamètre > 0,08 mm) se trouvent entre les agrégats ou les grains individuels dans le sol à texture grossière. Les macropores facilitent le mouvement de l’air, le drainage de l’eau et offrent de l’espace aux racines et aux organismes du sol. Les micropores (diamètre < 0,08 mm) se trouvent à l’intérieur des agrégats ou entre des particules individuelles de la taille de l’argile. Les micropores sont généralement remplis d’eau et trop petits pour permettre une bonne circulation de l’air. Le mouvement de l’eau dans les micropores est lent et une partie de l’eau qui est étroitement retenue par les colloïdes du sol n’est pas disponible pour les plantes.

Un sol argileux ayant des agrégats bien formés a tendance à avoir un équilibre entre les gros pores « d’aération et de drainage » et les petits pores de « rétention d’eau » (Figure 4.5). Une bonne structure du sol est associée à des agrégats de petite ou moyenne taille avec des pores abondants à la fois à l’intérieur des agrégats eux-mêmes qu’entre eux.

 

Figure 4.5. Schéma d’un horizon A avec une structure granulaire poreuse, des pores entre les peds ou des pores inter-agrégats (représentés par des espaces triangulaires dans la loupe) et à l’intérieur des peds ou des pores intra-agrégats (représentés par des points arrondis bleus). Source : © Krzic et al. 2013. SoilWeb200 est sous licence CC BY-NC-SA (Attribution NonCommercial ShareAlike).

Structure du sol et mouvement de l’eau

La structure du sol influe directement sur la taille des pores ; ainsi, elle a un impact sur d’autres propriétés importantes du sol, telles que le taux d’infiltration et la rétention de l’eau, l’aération et le drainage (Figure 4.6). Un sol ayant une structure massive et des agrégats lamellaires peut inhiber l’écoulement de l’eau, tandis que l’eau se déplacera rapidement à travers les pores des sols ayant des agrégats granulaires ou particulaires.

 

Figure 4.6. Mouvement de l’eau en fonction du type (forme) des agrégats. Source : USDA 1991. Modifié par Lewis Fausak et sous licence CC BY (Attribution).

Impact de la gestion des sols sur la structure

La structure du sol est une propriété très importante, car elle influence l’écoulement de l’eau et son aération. Pourtant, elle est facilement sujette à détérioration lorsque l’on applique des contraintes sur le sol. La contrainte peut être imposée par la culture, le piétinement par les animaux, la circulation intense attribuable à l’exploitation forestière, les motos tout-terrain, les VTT, etc. Une bonne structure (c.-à-d. un équilibre entre la présence des macropores et des micropores) est importante pour la croissance des plantes, car elle améliore le drainage et l’aération, tout en maintenant dans les agrégats de l’eau disponible pour celles-ci. Si le sol est soumis à des pratiques de gestion impliquant l’utilisation de machinerie, il peut devenir vulnérable à la compaction (réduction de l’espace poral total par broyage des agrégats et remplissage de l’espace poral). La structure peut facilement se détériorer sous les contraintes imposées par les tracteurs et les instruments et même par l’impact des gouttes de pluie ou la circulation piétonnière. La compaction est particulièrement grave lorsque les sols sont soumis à plusieurs reprises à de la machinerie lourde. Pour cette raison, les gens qui gèrent les sols pour la culture doivent respecter de nombreux principes de gestion pour maintenir une bonne structure du sol :

  1. Ne pas faire passer la machinerie sur le sol lorsqu’il est très humide. Lorsque la teneur en eau est très élevée, le sol ne peut pas offrir beaucoup de résistance au stress. L’équipement lourd peut facilement s’embourber dans les sols humides.
  2. Maintenir une teneur adéquate en calcium ou en Ca2+ en appliquant un peu de chaux (CaCO3), ce qui permet de maintenir les argiles floculées. Le calcium est un cation divalent qui crée des ponts (liaisons électrostatiques) entre les particules du sol, favorisant la formation de micro- et macro- agrégats.
  3. Maintenir ou ajouter de la matière organique au sol peut contribuer à améliorer la résistance des agrégats en formant des liens avec les particules du sol et à favoriser l’activité microbienne qui génère des substances qui aident à lier et stabiliser les particules.

Le travail du sol répété, en particulier dans des conditions humides, provoque la réorientation des particules et la compaction du sol juste en dessous du talon de la charrue et les roues du tracteur. La couche de sol dense qui en résulte, appelée « semelle de labour », peut entraver le drainage et l’enracinement. Un labourage en profondeur occasionnel avec une « sous-soleuse » lorsque le sol est sec peut se révéler efficace pour casser une telle semelle de labour.

Relations masse-volume

L’établissement des relations masse-volume sert à mettre en lumière de nombreuses propriétés physiques du sol, notamment sa porosité, sa densité apparente et les proportions relatives d’eau et d’air qui occupent les pores.

 

Figure 4.7. Illustration des relations masse-volume entre les trois phases du sol. © Asim Biswas, Univ. de Guelph est concédé sous licence CC BY (attribution).

La masse totale de sol (fig. 4.7) comprend sa masse solide (Ms), sa masse liquide (Ml) et sa masse gazeuse (Mg). Notons cependant que la masse gazeuse est négligeable, de sorte qu’on la suppose égale à zéro.

(1)   \begin{equation*}M_{t} = M_{s} + M_{l} + M_{g}\end{equation*}

De même du volume total de sol V_{t}, qui est composé de son volume de solide (V_{s}), de liquide (V_{l}), et sa masse gazeuse (V_{g}). Étant donné que les volumes de liquide et de gaz constituent le volume des interstices ou pores,

(2)   \begin{equation*}V_{f} = V_{l} + V_{g}\end{equation*}

et, le volume total de sol,

(3)   \begin{equation*}V_{t} = V_{s} + V_{l} + V_{g}\end{equation*}

Dans le système SI, l’unité de masse est le kilogramme (kg) et l’unité de volume est le mètre cube (m3). De même, dans le système centimètre-gramme-seconde (CGS), l’unité de masse est le gramme (g) et l’unité de volume est le centimètre cube (cm3).

Densité (\rho):

La relation masse-volume d’un matériau est liée à sa densité, quelle que soit sa phase (solide, liquide ou gazeuse). On peut décrire cette relation comme suit :

(4)   \begin{equation*}Masse = {Volume} \times {densité}\end{equation*}

(5)   \begin{equation*}Densité = \frac{Masse}{Volume}\end{equation*}

L’unité de la densité est l’unité de masse sur le volume ou kg m-3 (unité SI) ou g cm-3 (unité CGS).

 

Densité des particules (\rho_{p}) : on calcule la densité des particules solides (ou du sol) comme suit :

(6)   \begin{equation*}\rho_{p} = \frac{M_{s}}{V_{s}} = \frac{\text{Masse of solide}}{\text{Volume of solide}}\end{equation*}

L’unité de \rho_{p} est le kg m-3 (unité SI) ou g cm-3 (unité CGS). Il est plus difficile d’obtenir une valeur de \rho_{p} parce que l’évaluation du volume des solides dans le sol est elle-même difficile, contrairement à l’évaluation du volume total de sol qui est beaucoup plus facile, car il comprend aussi le volume d’air et d’eau. Les valeurs de \rho_{p} d’un sol minéral varieraient de 2600 kg m-3 à 2700 kg m-3 (ou de 2.6 g cm-3 à 2.7 g cm-3) si on se fonde sur les valeurs des minéraux les plus couramment trouvés dans le sol (quartz et feldspath). En règle générale, on utilise la valeur moyenne de 2650 kg m-3 (ou 2.65 g cm-3) pour calculer d’autres propriétés physiques du sol. De même, les valeurs de \rho_{p} es matériaux organiques sont d’environ 1300 kg m-3 (ou 1.30 g cm-3).

 

La masse volumique de l’eau (\rho_{l}) : on calcule la masse volumique de liquide (ou de l’eau) comme suit :

(7)   \begin{equation*}\rho_{l} = \frac{M_{s}}{V_{l}} = \frac{\text{Masse of liquide}}{\text{Volume of liquide}}\end{equation*}

L’unité de \rho_{l} est la kg m-3 (unité SI) ou g cm-3 (unité CGS). Dans la plupart des calculs, on établit la densité de l’eau à 1000 kg m-3 (ou 1.0 g cm-3).

 

Densité apparente sèche (\rho_{b}) : on calcule la densité apparente sèche comme suit :

(8)   \begin{equation*}\rho_{b} = \frac{M_{s}}{V_{t}} = \frac{\text{Masse of solide}}{\text{Volume du sol total}}\end{equation*}

L’unité de \rho_{b} est la kg m-3 (unité SI) ou g cm-3 (unité CGS). Notons que \rho_{b} ne représente que la masse des solides. Comme sa désignation l’indique, ρb comprend seulement la masse de sol sec. Les valeurs de, \rho_{b} de la plupart des sols minéraux varient de 1000 à 1800 kg m-3. Cependant, les processus naturels (rétrécissement/gonflement, agrégation, gel/dégel) et les pratiques de gestion telles que le travail du sol, l’exploitation forestière ou le pâturage peuvent aussi faire varier les valeurs de \rho_{b}. C’est pourquoi on considère la densité apparente comme étant une propriété dynamique à la surface du sol (ou un peu en dessous de celle-ci), et plus statique plus bas dans le profil de sol. Contrairement aux sols minéraux, les sols organiques (sols avec matière organique >30% en poids) ont généralement des valeurs de \rho_{b} qui varient de 800 à 1000 kg m-3, y compris des valeurs aussi faibles que 500 kg m-3 dans des sols à haut pourcentage de matière organique non décomposée (sols tourbeux).

 Teneur en eau(\theta)

La teneur en eau est la quantité d’eau (ou de liquide) présente dans un sol donné. On peut la calculer à partir de sa masse (connue sous l’appellation « teneur en eau de gravité », \theta_{w}) ou de son volume (connue sous l’appellation « teneur en eau volumétrique », \theta_{v}), en tant que rapport M_{w}/{M_{t} ou V_{w}/{V_{t}. La valeur numérique obtenue de ce rapport est indépendante de toute unité. On la dit adimensionnelle. Cependant, il est d’usage de conserver les unités du numérateur et du dénominateur pour indiquer à partir de quel « type » de teneur en eau (gravimétrique ou volumétrique) on l’a calculée. Par exemple, l’unité de \theta_{w} est en kg kg-1 ou g g-1 et l’unité de \theta_{v} est en m3 m-3 ou cm3 cm-3. L’unité indique le type de teneur en eau utilisé dans le calcul. Par exemple, la valeur de 0.22 kg kg-1 du sol indique qu’il s’agit de la teneur en eau de gravité qui a été utilisée dans le calcul, soit une \theta_{w} de 0.22. Sans indication d’unités ou du type de teneur en eau utilisé dans le calcul (gravimétrique ou volumétrique), la seule valeur de 0.22 pourrait mener à des erreurs d’interprétation. La valeur numérique de 0.22, en étant multipliée par 100, donne la teneur en eau en pourcentage (obtenue dans notre exemple à partir de sa masse ou teneur gravimétrique).

Teneur en eau calculée en fonction de la masse ou teneur en eau de gravité (\theta_{w}) : on calcule comme suit la teneur en eau de gravité en fonction de la masse du sol :

(9)   \begin{equation*}\theta_{w} = \frac{M_{l}}{M_{s}} = \frac{M_{t} - M_{s}}{M_{s}} = \frac{\text{Masse de liquide (eau)}}{\text{Masse de solide}}\end{equation*}

Cette valeur est adimensionnelle, mais les unités de l’équation indiquent qu’il s’agit de la teneur en eau de gravité exprimée en kg kg-1 ou g g-1.

Teneur en eau calculée en fonction du volume ou teneur en eau volumétrique (\theta_{v}) : on calcule comme suit la teneur en eau volumétrique :

(10)   \begin{equation*}\theta_{v} = \frac{V_{l}}{V_{t}} = \frac{\text{Volume de liquide (eau)}}{\text{Volume de sol}}\end{equation*}

Cette valeur est adimensionnelle, mais les unités de l’équation indiquent qu’il s’agit de la teneur en eau volumétrique exprimée en m3 m-3 ou cm3 cm-3. On notera toutefois qu’il est très difficile de mesurer le volume de liquide dans le sol. C’est pourquoi on estime le plus souvent la teneur en eau volumétrique à partir de la simple relation existant entre la teneur en eau de gravité et la densité apparente (voir eq. 14 ci-dessous).

Porosité

Dans le sol, la porosité est la fraction du sol qui n’est pas occupée par les particules solides, mais par les fractions (ou phases) liquide et gazeuse. L’appellation « volume de vide » est aussi employée. La porosité totale (f) donne en quelque sorte une indication du volume relatif que les pores (ou les interstices) occupent dans le sol, pores autant occupés par la fraction liquide que gazeuse du sol. Les pores occupés par la fraction de gaz portent l’appellation « porosité d’air » (ou aération) et les pores occupés par la fraction de liquide sont appelés « porosité d’eau ». La proportion de sol occupée par les pores est exprimée dans la mise en rapport du volume de porosité totale sur le volume de sol. Les unités sont exprimées en m3 m-3 (unité SI) ou cm3 cm-3 (unité CGS). On obtient la valeur du rapport en pourcentage en la multipliant par 100.

Porosité (f) : indique le volume total de pores (ou de vide) dans le sol ; on le calcule comme suit :

(11)   \begin{equation*}f = \frac{V_{f}}{V_{t}} = \frac{V_{l} + V_{g}}{V_{t}} = \frac{\text{Volume de vide (liquide + gaz)}}{\text{Volume de sol}} = \frac{V_{t} - V_{s}}{V_{t}}\end{equation*}

Les unités de f en m3 m-3 (unité SI) ou en cm3 cm-3 (unité CGS). On obtient les valeurs en pourcentage en les multipliant par 100. En général, les valeurs de f varient de 0.3 à 0.6 m3 m-3 dans le cas d’un sol minéral. Dans le cas des sols sableux ou de ceux dotés d’une grande proportion de particules de grande taille, les valeurs de f tendent à être plus petites, tandis que les sols à dominance argileuse ou comprenant des particules plus fines présentent des valeurs de f plus élevées que dans les autres sols. On gardera à l’esprit que la présence de grands pores est de loin plus corrélée avec la présence de particules de grande taille qu’avec les particules de petite taille. En revanche, les sols contenant des particules fines comptent non seulement plus de pores que les sols possédant des particules de grande taille, mais leur volume est aussi plus grand. On notera que la porosité totale ne fournit aucune information sur la distribution de la taille des pores. La partie supérieure des sols (sols superficiels ou sols de surface) a tendance à avoir une plus grande porosité que dans la partie plus profonde du profil ; le volume des pores diminue aussi, car la densité apparente du sol a tendance à augmenter avec la profondeur.

Porosité d’eau (f_{w}) : on calcule comme suit les pores d’eau dans le sol :

(12)   \begin{equation*}f_{w} = \frac{V_{l}}{V_{t}} = \frac{\text{Volume de liquide (eau)}}{\text{Volume de sol}} = \theta_{v}\end{equation*}

Les unités de f_{w} sont exprimées en m3 m-3 (unité SI) ou cm3 cm-3 (unité CGS).

Porosité ou porosité d’aération (f_{a}) : on calcule comme suit les pores d’air dans le sol :

(13)   \begin{equation*}f_{a} = \frac{V_{g}}{V_{t}} = \frac{\text{Volume de gaz (air)}}{\text{Volume de sol}}\end{equation*}

Les unités de f_{a} sont exprimées en m3 m-3 (unité SI) ou cm3 cm-3 (unité CGS). La porosité d’air définit la proportion de sol occupé par l’air. La porosité d’air est liée à la porosité totale et à la teneur en eau volumétrique, car l’air et l’eau partagent la même disponibilité de pores. On peut ainsi déterminer la porosité d’air en soustrayant la teneur en eau volumétrique de la porosité totale du sol. Comme la teneur en eau du sol varie en fonction du temps et de la profondeur dans le sol, il en va de même pour la porosité d’air. Les valeurs de porosité d’air seront au minimum à la suite de précipitations importantes ou de l’irrigation. En règle générale, les valeurs optimales de f_{a} à la capacité au champ, après drainage, devraient être supérieures à 0.10 – 0.15 cm3 cm-3.

Relations entre les propriétés physiques du sol

S’il est possible de calculer de nombreuses grandeurs physiques à partir des relations masse-volume des trois phases du sol, il demeure parfois difficile d’évaluer la masse et les volumes des phases. Dans ces conditions, on utilise des propriétés plus faciles à mesurer pour estimer celles qui sont plus difficiles à mesurer. Les quelques équations présentées ci-dessous sont en ce sens très utiles.

 

On peut recourir à l’équation suivante pour exprimer la relation entre la teneur en eau volumétrique (\theta_{v}), la teneur en eau de gravité (\theta_{w}) et la densité apparente (\rho{b}) :

(14)   \begin{equation*}\theta_{v} = \theta_{w}\rho_{b}\end{equation*}

 

On peut recourir à l’équation suivante pour exprimer la relation entre la porosité totale (f), la densité apparente (\rho_{b}), et la densité des particules (\rho_{p}) :

(15)   \begin{equation*}f = 1 - \frac{\rho_{b}}{\rho_{p}}\end{equation*}

 

Enfin, on aura recours à cette équation pour exprimer la relation entre la porosité totale (f), la porosité d’air (f_{a}), et la teneur volumétrique en eau (\theta_{v}) :

(16)   \begin{equation*}f_{a} = f - {\theta_{v}\end{equation*}

Compaction

La compression d’un sol s’exerce sur ses pores qui, sous l’effet de la pression, réduisent de volume en expulsant partiellement l’air ou l’eau qu’ils renferment, d’où l’augmentation de la densité. Par exemple, sous l’action de la pression statique ou par des vibrations, les particules se trouvent réorientées à l’intérieur du même volume selon une disposition plus serrée. Un des effets de la réorientation est notamment de faire diminuer la macroporosité, ce qui réduit par le fait même la porosité totale. Dans les conditions de sol saturé, l’effet de diminution vient de l’expulsion de l’eau des macropores ; dans le cas d’un sol sec, l’effet de diminution résulte de l’expulsion de l’air. L’air s’expulse plus rapidement que l’eau, l’expulsion de l’eau résultant d’un processus en deux temps : les pores de grande taille se vident en premier suivi des autres, dans l’ordre décroissant de leur taille. Dans les conditions de sol à teneur intermédiaire en eau, l’air se trouve expulsé avant l’eau. Le terme « compaction » désigne la compression de la matrice d’un sol non saturé qui cause la réduction du volume d’air. Le terme « consolidation » désigne la compression de la matrice d’un sol saturé qui fait évacuer l’eau.

Dans le contexte de l’agriculture, un sol est considéré comme « compacté » lorsque sa porosité totale, surtout sa porosité d’air, est faible au point que l’aération du sol s’en trouve restreinte et que sa densité est forte au point de gêner 1) la pénétration des racines et 2) le drainage, en raison de la taille réduite des pores. La compaction constitue un important problème de gestion des cultures, et particulièrement le travail du sol. Le phénomène de compaction peut se produire en surface (couche durcie) ou sous la surface (horizon durci). L’usage de machinerie lourde en agriculture opérationnelle demeure une grande cause de compaction des sols attribuable à l’activité humaine. Dans les entreprises agricoles traditionnelles par exemple, jusqu’à 90 % de la superficie d’un champ peut être traversé par des roues de tracteur. Par ailleurs, l’usage de machinerie lourde en exploitation forestière est également une cause importante de compaction des sols, surtout dans les aires de dépôt (espaces dégagés en forêt où l’on débarde les arbres récoltés et où on les façonne avant leur transport hors de la forêt). Il faudra alors intervenir là où le sol compacté nécessitera une remise en état et là où la compaction aura eu pour effet de restreindre ou d’empêcher la régénération naturelle ou artificielle. La compaction des sols existe aussi en milieu urbain. Nous n’avons qu’à penser au passage répété des piétons et des bicyclettes à des endroits restreints ou aux incessantes allées et venues de la machinerie lourde en zone de construction.

Matière à réflexion !

Activité de plein air et impact sur le sol

Site de camp. © Benjamin Hollis est sous licence CC BY (Attribution).

Fouler le sol en randonnée, rouler en vélo tout-terrain, piquer sa tente dans le sol. Ces activités créent-elles un impact important sur le sol ? À la marche, le seul poids de notre corps suffit à comprimer le sol. Compression, compaction, tassement du sol… Peu importe le terme employé, l’impact créé sur le sol demeure le même : la porosité diminue et, réciproquement, la densité apparente du sol augmente. La chaîne de causes à effets enclenche les phénomènes suivants : sous la pression les macropores vont s’effondrer, empêchant ainsi l’eau de s’infiltrer, qui ne pourra plus circuler dans le sol. L’eau va plutôt ruisseler en surface pouvant aller jusqu’à provoquer le phénomène d’érosion lors d’événements de fortes pluies. Les effets de la réduction des pores priveront aussi le sol d’air. Or, un sol moins bien aéré aura des conséquences néfastes sur les microorganismes du sol et la croissance des végétaux en général. Qui plus est, la compaction créée par le piétinement à un même endroit, par exemple, le long des sentiers de randonnée et sur les sites de camping, pourra entraîner la perte de végétation. Selon des études, environ 10 m2 de superficie des sites de camping seraient caractérisés par une zone de compaction à fort impact.

Réduction de l’espace poreux en raison du compactage. © Lewis Fausak est sous licence CC BY (Attribution).

Les sols des sites de camping très fréquenté subissent rapidement les conséquences néfastes de la compaction. Leur restauration complète peut prendre des décennies. On assiste toutefois à une volonté grandissante de diminuer les impacts de la compaction dans les aires de camping. Dans les campings où l’on autorise le libre emplacement des tentes, on peut exiger qu’on les déplace quotidiennement de façon à réduire l’impact potentiel de compaction sur le long terme. Des études ont montré que ces campings dits à faible impact ont réussi à réduire la compaction de la surface du sol, au point de ne plus nuire à la croissance des racines de la végétation environnante. Planter sa tente sur un sol sableux créera moins d’effet de compaction que planter sa tente sur un sol à texture plus fine. Selon les études, on conseille d’éviter de camper dans les zones plus sensibles à la compaction, de demeurer sur les sentiers de randonnée et de se rappeler que le camping écologique, c’est plus que de juste « rapporter ses déchets »!

References:
Brevik, E.C. and Tibor, M.A. 2014. Impact of camping on soil properties of Strawberry Lake, North Dakota, USA. EGU General Assembly Apr 27-May 2, 2014. Vienna, Austria.

Eagleston, H., and Marion, J.L. 2017. Sustainable campsite management in protected areas: A study of long-term ecological changes on campsites in the boundary waters canoe area wilderness, Minnesota, USA. Journal for Nature Conservation 37: 73-82. doi:10.1016/j.jnc.2017.03.004

Leave No Trace Canada. 2009. Leave no trace principles. https://www.leavenotrace.ca/principle-travel-camp-durable-surfaces

Marion, J.L. and Cole, D.N. 1996. Spatial and temporal variation in soil and vegetation impacts on campsites. Ecological Applications 6(2): 520-530.

 Rétention d’eau dans les sols

Comprendre le phénomène de rétention de l’eau dans le sol et le rôle de réservoir d’eau qu’il joue pour le maintien de la vie terrestre se révèle d’une importance capitale. La capacité du sol à retenir l’eau sur une longue période permet aux plantes et aux organismes du sol à subvenir à leur besoin en eau. L’effet gravitationnel fait que l’eau du sol s’évacue de façon continue dans le sol, mais l’eau apportée par les précipitations ou l’irrigation y demeure généralement suffisamment longtemps pour que les racines des plantes aient le temps de l’absorber. Le comportement de l’eau dans le sol est tel que le déplacement des gaz qu’il induit dans les pores permet aux racines de capter l’oxygène. On distingue deux caractéristiques importantes de l’eau du sol : la quantité d’eau présente dans une quantité de sol donné (teneur en eau du sol) ; la nature des forces qui retiennent l’eau dans la matrice du sol (potentiel hydrique du sol). L’eau du sol exerce son influence sur de nombreux processus du sol : échanges gazeux avec l’atmosphère, mouvement des éléments nutritifs et des produits chimiques vers les racines des plantes, fluctuation de la température du sol, gonflement et rétrécissement. De même, les forces exercées par la matrice solide sur l’eau influenceront la façon dont l’eau (1) sera absorbée par les racines des plantes (2) sera évacuée par gravité (drainage) (3) et les solutés vaincront la gravité en adoptant une trajectoire ascendante. De tels processus sont possibles dans le sol, car il s’agit d’un milieu où l’eau se comporte très différemment de l’eau dans un verre ou dans une piscine. L’eau du sol est fortement associée aux particules solides du sol, particulièrement aux colloïdes. Les interactions produites entre les molécules d’eau et les particules du sol se trouvent à modifier le comportement des deux.

Propriétés de l’eau

L’eau influence de nombreux processus dans le sol, principalement du simple fait de sa structure moléculaire unique. L’eau est un composé moléculaire simple formé d’un atome d’oxygène lié par colavence (mise en commun d’électrons) à deux atomes d’hydrogène disposés en forme de V. Cette configuration en V non symétrique des atomes de la molécule d’eau a pour effet de produire un champ électrique. Les atomes d’hydrogène ont tendance à présenter un comportement électropositif, tandis que l’atome d’oxygène tend à présenter un comportement électronégatif, conférant à la molécule d’eau son caractère bipôle. Si la molécule d’eau présente ce caractère de polarité, c’est en raison de la répartition inégale de sa densité électronique. Une telle caractéristique dote la molécule d’eau de nombreuses propriétés qui la font jouer un rôle unique dans le sol. De par leur charge positive, les atomes d’hydrogène chargés positivement d’une molécule d’eau attirent l’atome d’oxygène chargé négativement d’une autre molécule d’eau ; de cette attirance qui se produit entre toutes les molécules d’eau résulte la formation d’une sorte d’entité groupée à l’image d’une chaîne. De plus, les molécules d’eau, de par leur polarité, se trouvent attirées par les ions (Na+, K+, Cl) et par les colloïdes du sol (argile ou matière organique du sol).

Liaison hydrogéne

De par sa polarité, l’électronégativité de l’atome d’oxygène d’une molécule d’eau peut attirer fortement l’électropositivité de l’atome d’hydrogène d’une autre molécule d’eau à proximité. Cette force d’attraction crée un lien intermoléculaire entre les protons de l’atome d’hydrogène d’une molécule d’eau et de l’atome d’oxygène de l’autre molécule d’eau. On appelle ce lien « liaison hydrogène ». Cette force d’attraction maintient ensemble les molécules d’eau.

Forces d’adhésion et de cohésion

Les liaisons hydrogène créent les deux forces en cause dans la rétention et le mouvement de l’eau dans un sol (fig. 4.8a). On appelle « force d’adhésion» (force entre deux matières différentes) la force qui attire les molécules d’eau et les particules solides. On appelle « force de cohésion » (force entre deux matières similaires) la force qui attire les molécules d’eau entre elles. Les forces d’adhésion sont en général beaucoup plus fortes que les forces de cohésion dans le cas des molécules d’eau, car elles se trouvent fermement retenues par les solides du sol (phénomène aussi appelé « adsorption »). Ces molécules d’eau fermement adhérées aux particules solides peuvent aussi s’attacher par lien de cohésion à d’autres molécules d’eau. Ensemble, force d’adhésion et force de cohésion permettent aux solides du sol de retenir l’eau et de permettre le mouvement de l’eau dans le sol. Plus la distance augmente entre une molécule d’eau et la surface d’un solide (colloïdes du sol) plus la force d’adhésion entre les deux diminue. L’eau du sol, dans une position plus éloignée des particules de sol, peut ne pas être retenue sur leur surface.

 

Figure 4.8. Illustration (a) des forces de cohésion et d’adhésion présentes entre l’eau et les particules de sol, et (b) montée capillaire de l’eau dans des pores de différents diamètres présents dans diverses textures de sol. © Asim Biswas, Univ. of Guelph est autorisé sous une licence CC BY (attribution).

Montée capillaire

La figure 4.8b) montre différents tubes de verre placés dans un bassin d’eau ouvert. L’eau remonte dans les tubes par capillarité, un phénomène associé à la tension de surface de tout liquide, particulièrement dans les tubes capillaires où existe l’interface gaz-liquide-solide. Comme la force d’adhésion est plus forte que la force de cohésion, l’attraction entre les molécules d’eau et la paroi de verre est plus forte que la force de cohésion entre les molécules d’eau, d’où la montée de l’eau sur la paroi de verre. C’est ce qu’on appelle le phénomène de « montée capillaire » (fig. 4.8b). La hauteur de montée capillaire de l’eau sera déterminée par le diamètre des tubes. Plus le diamètre sera petit, plus l’attraction (adhésion) entre la paroi interne (de petit périmètre) et les molécules d’eau sera forte, plus forte encore que la gravité. L’eau sera en quelque sorte maintenue par cette force d’adhésion, plus forte que la force de cohésion. À l’inverse, plus le diamètre des tubes sera grand, moins grande sera la force d’attraction (adhésion) entre la paroi interne et les molécules d’eau et, les forces de cohésion l’emportant sur les forces d’adhésion, l’eau remontera moins haut dans le tube. Par analogie, on peut voir les pores dans le sol comme autant de tubes assemblés en faisceaux. Les particules de petite taille (argile) créeront des faisceaux de plus petits pores que les particules de grande taille (sable), d’où la montée de l’eau plus importante dans les pores des premiers.

Teneur en eau du sol

La teneur en eau du sol est la quantité d’eau présente dans le sol. La quantité maximale d’eau qu’un sol peut contenir est égale au volume total des pores. Lorsque tous les pores sont remplis d’eau, on dit que le sol est saturé d’eau. On désigne alors la teneur en eau de celui-ci comme étant la teneur maximale en eau (fig. 4.9). Lorsqu’un sol saturé d’eau entre dans un processus d’assèchement, divers facteurs contribuent à le freiner, tels que la force d’attraction (force d’adhésion) qui agit entre les molécules d’eau et la surface des particules de sol. Dans les conditions de saturation, on observe deux phénomènes : les pores sont tous remplis d’eau et des couches de molécules d’eau superposent la surface des particules du sol. La force d’adhésion qui agit entre les différentes couches de molécules d’eau et les particules du sol n’est pas la même pour toutes les couches. Les couches de molécules d’eau les plus proches de la surface des particules de sol seront plus fortement attirées que les couches les plus éloignées. La force d’adhésion diminue donc avec la distance : plus une couche de molécules d’eau est loin de la surface des particules, moins forte est la force d’adhésion entre les deux. Dans un sol caractérisé par des pores de grande taille, les molécules d’eau qui se trouvent les plus éloignées de la surface des particules de sol sont faiblement retenues par elles ; la force d’adhésion est donc faible. Dans des conditions où un sol saturé peut se drainer librement, la force gravitationnelle dépasse la force d’adhésion entre les particules de sol et les molécules d’eau. Le sol se draine jusqu’à ce que la force gravitationnelle et la force d’adhésion entre les particules de sol et les molécules d’eau s’égalisent. La quantité d’eau qui peut être drainée par la force gravitationnelle est appelée «eau de gravité ou eau gravitationnelle» (fig. 4.9). L’eau de gravité sort rapidement d’un sol, si tant est que les plantes ou les microbes ne puissent en faire usage.

 

Figure 4.9. Termes courants utilisés pour décrire la teneur en eau du sol. Adapté de Brady et Weil (2002) et McCauley et al. (2005). Modifié par Asim Biswas. CC PAR. © Devine et O’Geen (2019) adapté par Asim Biswas, Univ. de Guelph est concédé sous licence CC BY (attribution).

Une fois l’eau de gravité drainée, l’eau encore présente dans le sol demeure retenue à l’intérieur des pores de petite taille (micropores ou capillaires). En raison de leur petite taille, les micropores ont la propriété de retenir l’eau par la force d’adhésion qui s’exerce entre les particules de sol et les molécules d’eau et par la force de cohésion qui s’exerce entre les molécules d’eau elles-mêmes. L’eau des micropores peut être extraite par des forces externes, telles que celles que génèrent les racines des plantes. Mais pour que les plantes puissent extraire des micropores les molécules d’eau les plus rapprochées de la surface des particules solides du sol, il faut que ses forces soient plus fortes que la force d’adhésion. Or, la pression (ou force) que peuvent exercer les racines sur les particules pour en extraire l’eau est limitée. La quantité d’eau que les plantes peuvent extraire du sol est appelée eau disponible pour les plantes ou réserve d’eau utile du sol (RU). L’eau maintenue par les forces de cohésion dans les micropores (ou capillaires) est dite « eau capillaire » (fig. 4.9). Les molécules d’eau qui demeurent fixées aux particules du sol principalement par la force d’adhésion forment l’eau hygroscopique. L’eau hygroscopique ne représente qu’une faible quantité d’eau dans le sol. De plus, elle demeure non disponible pour les plantes, car ces dernières ne disposent pas de la force nécessaire pour vaincre la force d’adhésion qui maintient les molécules d’eau fixées sur la surface des pores. Il est possible de mesurer cette force d’adhésion qui agit entre la surface du sol et les molécules d’eau ; il s’agit de la mesure du potentiel capillaire du sol, décrite plus loin dans le chapitre. On emploie aussi les expressions « potentiel de matrice du sol » ou « potentiel matriciel du sol » pour parler de cette force.

Dans le processus d’assèchement d’un sol saturé, l’eau de gravité s’écoule en premier, suivie de l’eau disponible pour les plantes, laquelle diminue à mesure que l’assèchement se poursuit jusqu’à ce qu’elle ne soit plus disponible pour les plantes ; seule l’eau hygroscopique demeure encore dans le sol. L’étape du processus d’assèchement qui marque la fin de l’évacuation de l’eau de gravité et le début de l’évacuation de l’eau disponible pour les plantes est appelée capacité au champ (fig. 4.9). La capacité au champ désigne la teneur en eau que le sol contient encore deux à trois jours après avoir été saturé (par irrigation ou par les précipitations), une fois que l’eau de gravité a été évacuée. C’est l’eau disponible pour les plantes. L’étape du processus d’assèchement qui caractérise le moment où les plantes ne sont plus en mesure d’extraire l’eau du sol est appelée point de flétrissement permanent. L’eau n’est plus disponible pour les plantes. Passé le point de flétrissement permanent, les plantes ne pourront plus récupérer, même si on ajoutait de l’eau dans le sol.

Potentiel hydrique du sol

La mesure de l’humidité du sol se révèle nécessaire pour qui a besoin d’établir un bilan hydrique du sol, gérer l’irrigation, évaluer la sécheresse et prévoir les crues. Dans la section précédente, la teneur en eau du sol a été définie comme étant la quantité (en masse ou en volume) d’eau présente dans une masse ou un volume donné de sol, respectivement la teneur en eau de gravité et la teneur en eau volumétrique. L’eau du sol est dotée de sa propre énergie, ce qui la fait participer à son propre mouvement dans le sol. Comme toute masse, l’eau n’échappe pas aux lois de la physique, y compris celle qui fait se déplacer une masse d’un endroit de haut potentiel à un endroit à faible potentiel.

Qu’est-ce que l’énergie?

Toute masse a de l’énergie. Les unités d’énergie sont les joules (J). Contrairement à la masse, cependant, l’énergie est difficile à définir et à conceptualiser. Voici une définition de l’énergie prise dans un manuel d’introduction à la physique :

« [l’énergie est une] quantité associée à un état (ou à une condition) d’un ou de plusieurs objets »

« [l’énergie est] un nombre que nous associons à un système d’un ou de plusieurs objets. Si une force fait bouger un objet, le nombre change aussi »

Ces définitions semblent un peu trop générales, du moins pas aussi précises que peut l’être la définition de la masse (la quantité de matière d’un objet). Le concept d’énergie devient plus clair lorsqu’on l’associe : (1) au mouvement : énergie cinétique ; (2) à la séparation d’un objet d’un autre objet à l’énergie connue : énergie potentielle (gravitationnelle, électrique) ; à la (3) température : énergie thermique.

Potentiel hydrique du sol – unités

Étant donné la lenteur du mouvement de l’eau dans le sol (vitesse très faible), l’énergie cinétique de l’eau du sol est moins importante que son énergie potentielle. C’est pourquoi on ne considère que l’énergie potentielle de l’eau que l’on appellera simplement « potentiel hydrique du sol », soit celle induite par la gravité ou l’électricité, tel qu’il est mentionné ci-dessus. À l’instar de l’évaluation de la masse d’eau, qui est effectuée par unité de masse de sol (teneur en eau de gravité) ou par unité de volume de sol (teneur en eau volumétrique), l’évaluation du potentiel hydrique du sol l’est également par unité d’eau du sol :

  1. énergie potentielle par unité de masse :  J kg-1
  2. énergie potentielle par unité de volume :  J m-3 or Pa
  3. énergie potentielle par unité de poids :  J N-1 or m (equivalent height of water)

Peu importe l’unité que l’on choisira dans l’expression du potentiel hydrique du sol, les trois unités se convertissent l’une à l’autre.

L’évaluation de l’énergie potentielle se fait toujours par rapport à un bassin de référence

On calcule le potentiel hydrique du sol en établissant la différence entre l’énergie potentielle de l’eau du sol et celle de l’eau à la surface d’un bassin de référence. Le bassin de référence utilisé dans le calcul du potentiel hydrique du sol correspond à l’eau pure à la surface d’un bassin, à la pression atmosphérique et à une élévation donnée.

Un exemple d’eau à la surface d’un bassin de référence : celle d’un bécher rempli d’eau posé sur une table de travail dans un laboratoire. Par convention, on attribue la valeur zéro au potentiel d’eau du bassin de référence pour qu’il soit toujours le même, quelles que soient ses unités (c.-à-d. J kg-1, le Pa, ou le m). De plus, la valeur zéro permet d’évaluer rapidement si le potentiel hydrique du sol est supérieur, égal ou inférieur à celui du bassin de référence.

Définition officielle du potentiel hydrique du sol et notion de travail

La Soil Science Society of America a défini officiellement le potentiel hydrique du sol comme suit :

« Quantité de travail à effectuer pour transporter une quantité infinitésimale [par quantité unitaire en masse, en volume ou en poids] d’eau pure d’un bassin de référence donné, d’une élévation donnée et à la pression atmosphérique, jusqu’à l’eau d’un sol situé à une distance verticale donnée par rapport au bassin [sans changement de sa température] » (Soil Science Society of America, 1997).

En d’autres termes, le potentiel hydrique du sol correspond à la quantité de travail qu’il faut exercer sur l’eau d’un bassin de référence jusqu’à ce qu’elle atteigne un endroit déterminé dans le sol, sans changement de sa température.

En savoir plus sur la notion de travail aidera à comprendre ce qu’on entend au juste par « potentiel hydrique du sol ». En physique, on définit le travail comme étant le produit d’une force (action) appliquée sur un objet, suffisante pour faire changer son énergie potentielle. Par exemple, si on soulève une boîte depuis un plancher jusque sur une table, le potentiel de gravité de la boîte a augmenté proportionnellement à la distance d’élévation entre le plancher et la table.

On peut se demander la somme de travail (d’effort) qu’il faudrait fournir pour transporter l’eau depuis un bassin de référence jusqu’à un endroit déterminé dans le sol.

Recourons à un phénomène familier pour répondre à cette question. Prenons les éponges. Comme le sol, elles ont des pores et la capacité de retenir l’eau. Imaginez que vous prenez une éponge sèche pour essuyer un peu d’eau qui a été déversée sur une table. Par analogie, identifiez l’éponge au sol et identifiez l’eau sur la table à l’eau dans le bassin de référence. Sans aucun effort de votre part, l’eau s’est comme spontanément infiltrée dans l’éponge. Quel effort (ou somme de travail) avez-vous dû déployer pour que l’eau s’infiltre dans l’éponge ? Aucun. Ce « aucun » effort dans ce contexte est appelé « travail négatif » sur l’eau, l’éponge l’ayant tout fait à votre place. Imaginez maintenant l’effort que vous auriez à fournir pour faire l’inverse du « travail » de l’éponge, c’est-à-dire faire sortir l’eau de l’éponge. Vous presseriez l’éponge. Soyez honnête : auriez-vous réussi à faire sortir toute l’eau de l’éponge, jusqu’à sa dernière molécule ? Non, quelle que soit la pression appliquée sur l’éponge, cette dernière retiendrait toujours une petite quantité d’eau. L’eau que vous avez réussi à sortir de l’éponge a exigé un certain effort à faire de votre part. Dans ce contexte, on dit que vous avec fait un « travail positif » sur l’eau pour qu’elle sorte de l’éponge. Mais comme l’eau n’est pas complètement sortie de l’éponge, vous auriez eu à « travailler » un peu plus pour arriver à l’extraire jusqu’à sa dernière molécule.

Poursuivant avec l’analogie de l’assimilation de l’éponge à un sol et de l’eau sur la table à un bassin de référence, on peut conclure que le potentiel de l’eau dans le sol est inférieur au bassin de référence. Pourquoi ? Parce qu’un travail négatif est en cause dans l’absorption de l’eau et un travail positif est en cause dans l’extraction. On peut aussi en conclure que c’est la force d’attraction (d’adhésion) entre les particules du sol et les molécules d’eau qui influent sur le potentiel hydrique du sol. Pour exprimer quantitativement le potentiel total de l’eau du sol, il faut considérer toutes les forces qui agissent sur l’eau du sol et qui influencent par le fait même son potentiel hydrique. On les présente au tableau 4.2.

Table 4.2. Forces composantes du potentiel hydrique total du sol

Composantes de forces Appellation de la composante de force du potentiel hydrique du sol Bassin de référence Importance du potentiel de la composante dans le bassin de référence
Force d’adsorption entre les particules du sol et l’eau, force capillaire (au-dessus de la nappe phréatique ; sol non saturé) Potentiel matriciel,
hm
Eau à pression atmosphérique 0
Force osmotique des solides dissous Potentiel osmotique,
ho
Eau pure1 0
Force de gravité, élévation Potentiel d’eau libre ou de gravité,
hg
Eau à une élévation de référence 0
Pression de l’eau sus-jacente (sous la nappe phréatique ; sol saturé) Potentiel de pression,
hp
Eau à pression atmosphérique 0
Tout ce qui précède Potentiel total,
H = hm + ho + hg + hp
Eau pure à pression atmosphérique à une élévation de référence 0
1Dans l’eau pure, le nombre de particules de soluté dissoutes est égal à zéro, le potentiel osmotique y est donc nul.

Le potentiel matriciel résulte de l’attraction des molécules d’eau vers les solides du sol, attribuable aux phénomènes d’adsorption et de capillarité (similaire à l’éponge). Comme le potentiel matriciel réduit la liberté du mouvement de l’eau par rapport au bassin de référence, il s’agit d’un potentiel négatif. Un sol sec a un potentiel matriciel très faible (c.-à-d. très négatif), tandis qu’un sol humide a un potentiel matriciel plus élevé (c.-à-d. plus près de zéro).

Le potentiel osmotique résulte de l’attraction de l’eau vers les solutés, ces derniers ayant pour effet de réduire le niveau d’énergie de l’eau dans la solution du sol. Le potentiel osmotique peut avoir un impact sur l’absorption de l’eau par les racines des plantes dans les sols salins, mais la concentration de solutés dans la plupart des sols est faible, de sorte qu’elle n’influence pas le mouvement de l’eau.

Le potentiel gravitationnel est l’attraction, par simple gravité, de l’eau vers le plus bas du profil de sol. On le définit par rapport à une élévation donnée (p. ex., le haut du profil du sol). Si la nappe phréatique a remonté jusqu’à la surface, le sol se trouve alors complètement saturé en eau. Dans cette condition, le potentiel matriciel est inexistant, mais il existe un potentiel de pression qui résulte du poids de l’eau sus-jacente (comme la pression exercée sur les tympans lorsqu’on nage jusqu’au fond d’une piscine).

À n’importe quel endroit donné dans un profil de sol, le potentiel hydrique du sol total résulte de la somme de chacune de ses composantes. L’eau du sol chemine toujours d’un endroit à fort potentiel total vers un endroit à faible potentiel total. Cependant, ce ne sont pas toutes les composantes du potentiel hydrique du sol qui contribuent au potentiel hydrique total du sol en toutes circonstances. Par exemple, le potentiel de pression est nul au-dessus de la nappe phréatique, parce que la force qui augmente le potentiel de pression est la force de la pression de l’eau présente sous la nappe phréatique. Mais, sous la nappe phréatique, le potentiel matriciel est nul, parce que les forces qui agissent sur le potentiel matriciel, l’adsorption et la capillarité, sont très faibles dans les sols saturés.

Courbe de rétention en eau dans le sol

L’eau du sol est à la fois masse et énergie. La teneur en eau du sol (en masse ou en volume) est évaluée à partir de la teneur en eau gravimétrique (eau de gravité) ou volumétrique, et le potentiel hydrique du sol est évalué par rapport au potentiel connu d’un bassin de référence. Quelle relation existe-t-il entre la teneur en eau dans le sol (en masse ou en volume) et le potentiel hydrique du sol?

Déjà à la fin des années 1800, Edgar Buckingham se posait la question. Il a découvert qu’il existait une relation entre la teneur en eau du sol et le potentiel hydrique du sol. Il a montré qu’une relation positive existait entre le potentiel matriciel de l’eau du sol et la teneur en eau du sol.

Cet Américain spécialiste en sciences du sol avait compris qu’une masse se déplaçait d’endroits à fort potentiel total vers des endroits à faible potentiel total. Il en a ainsi déduit que si le potentiel total de l’eau du sol était le même à tous les endroits, il n’y aurait aucun déplacement d’eau. Buckingham voulait montrer que le potentiel total en eau du sol était le même à chaque endroit. Pour ce faire, il créa lui-même un dispositif de mouvement d’eau du sol. Il disposa des colonnes de sol d’une hauteur de 1.2 m, chacune dans un bassin d’eau peu profonde. Au début, l’eau dans les bassins s’est mise à remonter dans les colonnes remplies de sol sec, puis, après une période assez longue, l’eau ne s’est plus déplacée. À ce moment, le potentiel total de l’eau était partout égal dans les colonnes de sol.

Buckingham a supposé que c’était les forces capillaires et d’adsorption (les forces matricielles) qui faisaient remonter l’eau des bassins dans les colonnes de sol et qu’elle pouvait y demeurer malgré l’effet de la gravité. Cette supposition l’a mené à conclure que le potentiel gravitationnel et le potentiel matriciel étaient les composantes clés dans l’évaluation du potentiel hydrique total du sol. En fait, dans le cas d’un potentiel total égal à tous les endroits, le potentiel gravitationnel et le potentiel matriciel doivent être égaux, mais être de signes opposés. La hauteur à laquelle l’eau monte dans les colonnes de sol dépend de la taille des pores (fig. 4.6a). L’élévation de l’eau sera plus élevée dans une colonne contenant un sol à petits pores parce leur force capillaire est plus grande que celle d’un sol doté de pores de plus grande taille. En mesurant la teneur en eau du sol à différents endroits le long des colonnes de sol, Buckingham a pu montrer la relation entre le potentiel matriciel (adsorption et capillarité) et la teneur en eau du sol. C’est cette relation, entre la teneur en eau et le potentiel matriciel, qu’exprime la courbe de rétention d’eau du sol (fig. 4.10b).

Figure 4.10. Simulation de la rétention d’eau du sol de l’expérience de Buckingham avec des colonnes de sable fin, de limon et de sable moyen (les lignes bleues montrent la hauteur à laquelle l’eau du réservoir est montée) (a) et les courbes de rétention d’eau du sol pour trois sols de texture contrastée (b) . © Miles Dyck est sous licence CC BY (Attribution).

Chaque sol présente une courbe de rétention d’eau unique, qui peut être exprimée mathématiquement suivant la fonction :  h_{m}(\theta) ou \theta(h_{m}) (c.-à-d. que le potentiel matriciel est fonction de la teneur en eau et vice versa). Pour mieux comprendre pourquoi chaque sol est caractérisé par une courbe de rétention d’eau unique, les physiciens du sol ont adopté le modèle de tube capillaire des pores du sol. Ce modèle suppose que les pores du sol se comportent de la même manière que les tubes capillaires, même si les pores du sol n’ont pas la même forme qu’eux. Comme l’a observé Buckingham, si l’on place une colonne de sol sec dans un bassin d’eau, l’eau s’élèvera spontanément dans la colonne de sol, tout comme l’eau montera dans un tube capillaire placé dans un bassin d’eau. Ce sont les forces d’adsorption et de capillarité (les forces associées au potentiel matriciel) qui font monter l’eau dans la colonne de sol. Par conséquent, on peut relier le potentiel matriciel au rayon efficace des pores remplis d’eau en modifiant comme suit l’équation de la hauteur de montée capillaire :

         

(17)   \begin{equation*}h_{m} \leq \frac{-0.15}{R\ast}\end{equation*}

où, h_{m} est le potentiel matriciel (cm H2O), et R\ast (cm) est le rayon efficace des pores d’eau.

Par conséquent, la courbe caractéristique de l’eau du sol constitue une représentation de la répartition volumétrique cumulative des pores du sol.

Disponibilité en eau pour les plantes

L’importance d’acquérir des connaissances sur la disponibilité en eau pour les plantes et les microorganismes passe nécessairement par l’acquisition des connaissances sur la façon dont les sols la retiennent et la libèrent. Un tel bagage d’information scientifique de base se révèle indispensable aux pratiques de gestion de l’eau en agriculture, en agroforesterie, à la remise en état des terres et des écosystèmes urbains.

La notion de réserve d’eau utile du sol (RU) peut servir à évaluer la quantité d’eau du sol disponible au besoin des plantes. Rappelons que la RU se définit comme résultant de la différence de teneur en eau volumétrique entre une limite supérieure, appelée capacité au champ, et une limite inférieure, appelée point de flétrissement permanent (fig. 4.9). L’eau disponible est celle à laquelle les plantes ont accès, soit celle présente dans leur zone d’enracinement. L’évaluation de la disponibilité en eau se fait dans cette zone (en m d’eau par profondeur d’enracinement).

Une telle information sert à déterminer la quantité d’eau nécessaire pour que l’on puisse refaire au moment opportun (par irrigation en mm) la réserve utile en eau. Il faut supposer dans l’évaluation que l’eau est également disponible pour les plantes pour la durée comprise entre la capacité au champ et le point de flétrissement permanent.

Irriguer, c’est viser à assurer la disponibilité en eau pour les plantes par application artificielle d’eau sur les terres de façon à corriger tout déficit pluviométrique qui leur créerait du stress. Il n’y aurait que les deux tiers de la RU qui seraient effectivement disponibles pour les plantes avant qu’elles ne commencent à souffrir de stress hydrique, car il peut survenir un moment où les plantes peuvent extraire plus rapidement l’eau du sol que ce dernier est en mesure de les approvisionner (Reicosky et Ritchie, 1976 ; Rekika et al., 2014). Pour répondre au besoin en eau des plantes, il faut donc autant leur assurer un apport continu en eau, que du moment opportun où l’eau deviendra disponible aux racines après avoir cheminé dans la matrice du sol. Il est désormais possible de relever le défi que pose la gestion de l’irrigation grâce au recours des tensiomètres et des sondes d’humidité, qui permettent d’évaluer la disponibilité en eau dans la matrice du sol. Dans le passé, on a beaucoup utilisé l’irrigation par aspersion et par rigoles pour refaire les réserves en eau du sol. De jours, on utilise de plus en plus l’irrigation goutte à goutte et l’irrigation souterraine, ce qui permet de gérer la disponibilité en eau des plantes dans un volume de sol limité. En adaptant l’irrigation aux conditions de croissance de chaque culture, nous optimisons à la fois la productivité des cultures et l’utilisation de l’eau (Caron et coll., 2015, 2017).

MOUVEMENT DE L’EAU DU SOL

 Débit d’eau dans un sol saturé et dans un sol non saturé

L’eau chemine dans le sol depuis des endroits à fort potentiel total vers des endroits à faible potentiel total. Les deux équations qui décrivent l’intensité du débit vertical de l’eau dans le sol dans des conditions de sol saturé et non saturé sont très similaires. L’écoulement de l’eau dans les sols saturés (ceux dont les pores sont tous remplis d’eau) est décrit par la loi de Darcy :

(18)   \begin{equation*}q_{w} = -K_{s}\frac{\Delta H}{\Delta z}\end{equation*}

q_{w} est l’intensité du débit d’eau dans le sol en unités de \frac{m^3 H_2 O}{m^2 soil\cdot s}; K_{s} iest appelée « conductivité hydraulique à saturation » et ses unités sont les \frac{m^3 H_2 O}{m^2 soil\cdot s} par unité de gradient hydraulique, et \frac{\Delta H}{\Delta z} est le gradient hydraulique (résultant de la somme des changements de pression et du potentiel gravitationnel sur un certain intervalle de profondeur \Delta z); le gradient est adimensionnel si h_{p} est exprimé en m H2O.

Le signe négatif dans la loi de Darcy indique la direction du débit vers le bas (descendant). L’écoulement ascendant (de direction z croissante) est de signe positif et l’écoulement descendant (de direction z décroissante) est de signe négatif. L’écoulement (ou flux) descendant est associé à des gradients positifs (\frac{\Delta H}{\Delta z} > 0), ce qui signifie que le potentiel total diminue avec la profondeur.

Edgar Buckingham a observé que la plupart du temps les sols étaient dans des conditions de saturation non complète (seule une fraction des pores était remplie d’eau). Dans ces conditions de saturation partielle, le gradient hydraulique variait en fonction des changements qui pouvaient survenir dans le potentiel matriciel du sol et que la conductivité hydraulique variait en fonction de l’humidité dans le sol. Le résultat suit la loi du débit de Buckingham-Darcy :

(19)   \begin{equation*}q_{w} = -K(\theta)\frac{\Delta H}{\Delta z}\end{equation*}

où, K(\theta) est la conductivité hydraulique déterminée en fonction de la teneur en eau, que l’on appelle simplement « conductivité hydraulique non saturée », et \frac{\Delta H}{\Delta z} est le gradient hydraulique (résultat de la somme des changements de pression et du potentiel gravitationnel sur un certain intervalle de profondeur, \Delta z)

Conductivité Hydraulique

La conductivité hydraulique (K) est une propriété hydraulique du sol qui joue en faveur de l’écoulement de l’eau dans le sol. Chaque sol est doté d’une conductivité hydraulique unique qui est liée à la distribution de la taille de ses pores. La figure 4.11 montre K en fonction du potentiel matriciel de trois échantillons de sol de texture différente. Dans des conditions de saturation, les sols qui possèdent de grands pores continus auront une conductivité hydraulique beaucoup plus élevée que ceux caractérisés par de petits pores discontinus. À mesure que la teneur en eau dans un sol diminue, la conductivité hydraulique diminue aussi parce que : (1) le volume total des pores d’eau diminue ; et (2) la distribution de la taille des pores d’eau diminue (fig. 4.12). Par conséquent, la conductivité hydraulique du sol est fonction de la teneur en eau volumétrique.

Figure 4.11. Courbes de conductivité hydraulique du sol pour trois textures de sol contrastées. © Miles Dyck est sous licence CC BY (Attribution).

À saturation, la conductivité hydraulique de chaque sol atteint la valeur maximale (Ks), soit la conductivité hydraulique à saturation, mais elle diminue de façon exponentielle à mesure que le sol s’assèche (l’axe des y, celui de la conductivité hydraulique, est sur une échelle logarithmique). Les sols à texture grossière sont dotés de pores de plus grande taille que les sols à texture plus fine, telle que le loam et le loam limono-argileux. C’est pourquoi les valeurs de K des premiers sont plus élevées.

 

Figure 4.12. Réduction des voies d’écoulement avec diminution de la teneur en eau du sol. © Bing Si est sous licence CC BY (Attribution).

Processus hydrologiques et bilan hydrique du sol

 Infiltration et ruissellement

L’infiltration décrit le phénomène du cheminement de l’eau (des précipitations ou de l’irrigation) dans le sol suivant ses diverses voies naturelles d’emprunt (fig. 4.13). On peut quantifier le phénomène par la détermination du taux d’infiltration. On obtient le taux d’infiltration en évaluant le volume d’eau qui entre dans une section transversale de sol par unité de temps (mm h-1). Le taux d’infiltration est fonction du temps que met la matrice du sol à se saturer. La capacité d’infiltration de l’eau dans le sol dépendra à la fois de la distribution de la taille des pores, de la présence ou non de continuité entre eux, de même que de la teneur en eau avant infiltration. Au moment où le débit d’eau dépasse la capacité d’infiltration du sol, du ruissellement se produit. Le ruissellement constitue un processus important d’érosion hydrique, car les eaux de ruissellement transportent et redistribuent les sédiments le long des pentes en plus de créer des rigoles ou des ravins à la surface du sol.

 

Figure 4.13. Distribution de l’eau dans le sol. Source : FAO Irrigation and Drainage Paper No. 56 (CC BY-NC-SA). Modifié par Jean Caron. © FAO Irrigation and Drainage Paper No. 56 adapté par Jean Caron est sous licence CC BY-NC-SA (Attribution NonCommercial ShareAlike).

Drainage, percolation en profondeur, montée capillaire

Dans le bas d’un profil de sol, le mouvement de l’eau vers le haut ou vers le bas découle de l’interaction entre trois composantes : la percolation en profondeur, le drainage et la montée capillaire. La percolation en profondeur définit le mouvement descendant de l’eau dans le profil de sol. Le drainage : on en distingue deux catégories : (1) le drainage de surface (ou superficiel), qui consiste à faire évacuer l’excès d’eau à la surface du sol, soit par canaux naturels améliorés, fossés creusés ou par modelage du terrain et (2) le drainage souterrain, qui consiste à intercepter l’eau qui percole dans le sol au moyen de canalisations enfouies dans le sol, généralement constituées de tuyaux en plastique ondulé. La montée capillaire : sous l’action des fluctuations de la nappe phréatique, l’eau souterraine peut remonter vers le haut du profil de sol par saturation ou par capillarité. Ces trois agents en cause (percolation en profondeur, drainage, montée capillaire) dans les mouvements ascendant et descendant de l’eau dans le profil de sol, sont fonction du temps. On les exprime en unités de volume d’eau par unités de surface par unités de temps.

Bilan de l’eau dans le sol

Le bilan hydrique du sol représente l’équilibre entre les intrants et les extrants d’une unité de sol donnée (Éq. 20). Le stockage de l’eau du sol (ΔS)est l’une des composantes d’un bilan hydrique. Cette composante correspond à la mesure du changement de volume d’eau dans une unité de sol donnée sur une période de temps ; on l’exprime généralement en hauteur équivalente d’eau par unité de temps (mm day-1).

(20)   \begin{equation*}P + I - ET + Q_i - Q_o - \Delta S - DP = 0\end{equation*}

où, P = précipitations; I = irrigation; ET = évapotranspiration; DP = drainage et percolation profonde; Q_i = autre débit entrant (en provenance de la montée capillaire et des fluctuations de la nappe phréatique); et Q_o = autre débit sortant (ruissellement, écoulement latéral).

Procéder à des mesures pour l’établissement d’un bilan hydrique du sol (à l’aide d’appareils de mesure appelés lysimètre) prend beaucoup de temps et requiert beaucoup de ressources. On peut palier cet inconvénient en estimant le bilan hydrique du sol à partir des mesures de base qui caractérisent un site donné, telles que la teneur en eau du sol et son potentiel hydrique, certaines propriétés du sol, de même qu’à partir de données météorologiques sur un intervalle de temps donné.

TRANSPORT DE SOLUTÉ

Les engrais, les pesticides et les stimulateurs de croissance sont fréquemment utilisés en agriculture. Ces produits agrochimiques ont largement contribué à l’augmentation des rendements des cultures depuis les années 1950 (Ritchie et Roser 2013). Les engrais et les pesticides sont aussi couramment utilisés en milieu urbain (p. ex. pelouses privées, parcs urbains), ainsi que sur les terrains de golf et les terrains de jeux. Cependant, l’application excessive de produits chimiques associée à une gestion inadéquate a pour effet de réduire l’efficacité de l’utilisation des éléments nutritifs par les plantes, d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre et de polluer l’environnement. Pour qui entend optimiser l’application et la gestion de ces produits, être au fait du déplacement des produits chimiques dans le sol jusqu’aux racines des plantes est une connaissance essentielle.

Comme il est décrit dans la section précédente, le sol intègre les trois phases de la matière (solide, liquide et gazeuse). Le transport des produits chimiques dissous (solutés présents dans la solution de sol) a lieu dans la phase liquide du sol, ce qui permet aux racines des plantes de pouvoir les absorber. On distingue deux principaux mécanismes de transport du soluté dans le sol : par diffusion moléculaire et par débit massique.

Diffusion moléculaire

Toute molécule présente dans un liquide possède une énergie cinétique interne qui la maintient dans un mouvement continu, même si le liquide est immobile. Les trajectoires empruntées par cette molécule résultent autant de son mouvement aléatoire propre que des collisions avec les molécules voisines dotées de cette même énergie cinétique interne. Ce mouvement global d’agitation est connu sous le nom de mouvement brownien. Si le mouvement d’une molécule individuelle peut prendre toutes les directions, le mouvement collectif des molécules, lui, tend à préférer une seule direction, soit celle qui fait mouvoir les molécules et ions en zones de concentration élevée vers les zones de concentration faible (fig. 4.14). De plus, plus la différence de concentration des molécules et ions est élevée entre les deux zones, plus le déplacement (vitesse de diffusion) des molécules et ions entre chaque zone est rapide. On mesure quantitativement la vitesse de diffusion, (le flux), comme étant la masse de soluté qui traverse perpendiculairement une unité de surface par unité de temps (kg m-2 s-1), suivant la loi de diffusion :

(21)   \begin{equation*}q_s = -D_s\frac{\Delta C}{\Delta x}\end{equation*}

oú: q_s est le flux chimique (kg m-2 s-1); \Delta C et \Delta x expriment la différence de la distance (\Delta x = x_2 - x_1) entre deux zones de concentration (masse de soluté)entre deux zones de concentration (masse de soluté) (\Delta C = C_2 - C_1) separated by distance \Delta x (\Delta x = x_2 - x_1); et D_s est la constante de proportionnalité appelée « coefficient de diffusion » (m2 s-1).

 

Figure 4.14. Dans la solution, le soluté (par exemple, Cl-, NO3-) se dirige vers la zone la moins concentrée en soluté. © Bing Si est concédé sous licence CC BY (Attribution).

Les ions et molécules (le soluté) finissent par se répartir uniformément dans tout le milieu, lequel finit par avoir une concentration homogène. Dans le cas de l’application d’une bande d’engrais dans le sol, l’engrais finirait par se répartir uniformément, en raison du phénomène de diffusion, suivant un gradient de concentration qui le ferait se déplacer de la zone de concentration élevée en solutés (là où se trouve la bande d’engrais) vers les zones environnantes de concentration moins élevée. La figure 4.15 montre la progression de la diffusion de l’engrais depuis le moment de l’application en bande (représentée par la bande verticale marron – concentration maximale d’engrais). La diffusion progresse de façon uniforme de part et d’autre de la bande, telle que l’illustre l’aplatissement horizontal uniforme de la courbe de distribution de l’engrais en fonction de la distance de la bande. L’aplatissement correspond à la réduction des valeurs de concentration avec le temps.

 

Figure 4.15. Diffusion progressive d’engrais à partir de l’application d’une bande d’engrais (t = 0, t1 et t2, où t2 > t1 > 0) en raison de la diffusion. © Bing Si. CC PAR.

Le coefficient de diffusion détermine non seulement le gradient de concentration, mais aussi la vitesse de diffusion et le flux chimique. Le volume des pores d’eau, la tortuosité des pores et la force d’adhésion ont tous un effet sur le coefficient de diffusion des molécules dans le sol.

 Débit massique

Le soluté se déplace par diffusion dans la solution de sol, même lorsque cette dernière est immobile. Toutefois, toute forme de pression appliquée sur l’eau dans le sol la fera se déplacer suivant un gradient de potentiel élevé à moins élevé, en entraînant avec elle tous les constituants en solution ou en suspension. Ce déplacement (ou transport) de l’eau et des solutés (la solution de sol) qui cause un changement de son potentiel est appelé débit massique. La quantité de soluté transportée par unité de surface de sol suivant le débit massique est donnée par le flux de soluté (q_s, kg m-2 s-1), qui résulte de la multiplication du débit d’eau par la concentration de soluté dans la solution :

(22)   \begin{equation*}q_s = q_wC\end{equation*}

où, q_w est le débit d’eau (m s-1) et C la concentration de soluté dans l’eau (kg m-3).

Transport des éléments nutritifs jusqu’aux racines

Les plantes sont dotées d’un réseau très développé de racines fines qui leur permettent d’absorber l’eau et les éléments nutritifs. Par simple contact direct avec le sol, les racines sont capables d’intercepter les éléments nutritifs. Cependant, les racines fines des plantes ne sont généralement en contact direct avec le sol que de l’ordre d’environ 1 % du volume de ce dernier. C’est pourquoi les racines ont besoin de mécanismes supplémentaires pour accéder aux éléments nutritifs et à l’eau des 99 % restants du volume du sol.

Débit massiqueL’eau de l’évapotranspiration des plantes provient de l’eau du sol que leurs racines fines sont en mesure d’absorber. Les poils racinaires des racines fines ont par ailleurs la capacité d’absorber — en les attirant vers eux — les éléments nutritifs dissous que l’eau (ou solution de sol) transporte sous forme de solutés. Le débit massique est le phénomène qui permet aux plantes d’absorber les éléments nutritifs mobiles dans la solution de sol, tels que l’azote et le soufre. Les plantes augmentent leur probabilité d’absorber les éléments nutritifs dissous dans la solution de sol si leur concentration augmente près de leur zone racinaire. L’application d’engrais sert ce but.

DiffusionLes racines utilisent en premier lieu les éléments nutritifs qui se trouvent sur le pourtour direct de leurs poils racinaires. À mesure que la concentration des éléments nutritifs diminue autour des poils racinaires, celle juste un peu plus loin des racines fines peut cependant être encore élevée. Le gradient de concentration créé entre les deux zones déclenchera alors le phénomène de diffusion : les éléments nutritifs de la zone la plus concentrée (juste un peu plus loin des racines fines) migreront vers la zone la moins concentrée (au pourtour des poils racinaires). Le flux chimique est proportionnel au gradient de concentration, de sorte que si le gradient de concentration entre la zone racinaire et le sol environnant est élevé, le flux des éléments nutritifs en direction de cette zone sera rapide. Il est possible de créer un gradient de concentration important si les éléments nutritifs se trouvent aussi près que possible de la zone racinaire et aussi souvent que faire se peut.

Dans des conditions où le taux d’évapotranspiration des plantes est élevé, le débit massique devient le mécanisme dominant de transport des éléments nutritifs jusqu’à la zone d’absorption par les racines. En revanche, dans des conditions d’évapotranspiration faible des plantes, la diffusion prime comme mécanisme de transport des éléments nutritifs jusqu’à la zone d’absorption par les racines. Le phénomène de diffusion peut être entravé dans la situation où les poils racinaires, faute d’une densité adéquate, ne suffiraient pas à absorber tous les éléments nutritifs disponibles.

AÉRATION DU SOL ET ÉCHANGE GAZEUX

L’aération du sol est déterminante dans la croissance des plantes et des microorganismes. Stockage d’air, échange gazeux et absorption de gaz sont tous des processus qui ont lieu dans les pores du sol. Le processus de stockage de l’air a principalement lieu dans les grands pores. Le processus d’échange gazeux se produit selon la capacité de diffusion des gaz dans les pores, laquelle capacité dépend de leur forme, leur taille et la connectivité entre eux. Le stockage ou l’épuisement d’un gaz particulier varie en fonction de son gradient de concentration et de l’activité biologique du milieu, autrement dit de la présence de puits et de sources d’origine microbienne ou végétale. L’oxygène et le dioxyde de carbone (e.g., O2, CO2) sont deux exemples de gaz dont les processus d’échange ont lieu dans les pores d’air étant donné leur faible solubilité dans l’eau.

L’air contenu dans les pores du sol se trouvera chassé par compression des phases solide et liquide. Cette action de densification fait diminuer le volume total des pores occupés par l’air en plus de redistribuer les pores restants d’une tout autre façon. La densité apparente s’en trouve alors augmentée. Deux raisons expliquent pourquoi le volume des pores occupés par l’air dans un sol est une donnée utile. La première est qu’il est facile de mesurer une telle donnée et d’en interpréter le résultat ; la seconde vient du fait que ce sont dans les pores occupés par l’air qu’ont lieu les principaux échanges gazeux dans le sol. La mesure du volume de pores occupés par l’air sert notamment à caractériser la productivité potentielle des horizons de surface d’un sol.

Composition de l’air du sol

La composition en gaz dans le sol varie en fonction de l’activité biologique (sources et puits) qui a lieu dans le sol et de la facilité avec laquelle les gaz du sol peuvent se mélanger avec les gaz de l’air atmosphérique (N2, O2, CO2). Près de sa surface, le sol échange facilement des gaz avec ceux de l’atmosphère. Dans le sol, les racines et les microorganismes utilisent l’O2 et le remplacent par duet le remplacent par du CO2. Il s’ensuit que l’air du sol devient plus faible en Oet plus élevé en CO2. Quand l’eau augmente dans un sol, l’air diminue, et par voie de conséquence, les échanges gazeux qui ont lieu entre le sol et les plantes diminuent. La teneur en humidité peut augmenter jusqu’à créer un milieu asphyxiant pour les plantes, ce qui, entre autres, nuit à leur croissance. Ces conditions dites anoxiques ralentissent aussi toute l’activité biologique.

Diffusion des gaz

Les gaz dans le sol ne sont pas immobiles. Les principaux agents de déplacement des gaz dans le sol comptent l’humidité, les changements de température, la pression barométrique et la diffusion. La diffusion est de loin le principal agent de déplacement des gaz dans le sol. Une molécule de gaz donné dans l’air du sol (O2 or CO2) se déplacera selon un gradient de concentration donné selon la première loi de diffusion de Fick.

Première loi de Fick :

(23)   \begin{equation*}J = -D(\frac{dC}{dx})\end{equation*}

où, J = flux de diffusion (g m-2 s-1); D = capacité de diffusion du gaz dans le sol (m2 s-1); et \frac{dC}{dx} = gradient de concentration du gaz (g m-2).

Par exemple, le flux de diffusion (J) d’O2 découlera du gradient de concentration (\frac{dC}{dx}), donné par le déplacement de l’oxygène d’une zone de pression partielle supérieure (ou concentration) dans l’atmosphère juste au-dessus du sol à une zone de pression partielle inférieure (concentration) dans le sol, résultant de la respiration racinaire et microbienne (fig. 4.16). Le flux de diffusion est déterminé par la capacité de diffusion (D) en fonction d’un gradient de concentration donné. La capacité de diffusion de l’oxygène dans l’air est d’environ 10 000 fois plus élevée que celle de l’oxygène dans l’eau. Dans le sol, la capacité de diffusion de l’oxygène est fonction du volume des pores occupés par l’air, de leur taille et de la connectivité entre eux.

 

Figure 4.16. Diffusion d’O2 et de CO2 entraînée par des gradients de concentration de gaz individuels près de la surface du sol. La respiration microbienne et racinaire entraînera également une modification de la concentration locale de gaz en raison de la consommation (d’O2) et de la production (de CO2). © Jean Caron est licencié sous une licence CC BY (Attribution).

Plus profond dans le sol, la concentration d’un gaz (O2 or CO2) dépend à la fois de sa capacité de diffusion et de l’activité biologique, notamment la respiration. Les figures 4.16 et 4.17 montrent le changement graduel par diffusion des concentrations d’oxygène O2 et de dioxyde de carbone (CO2) attribuable à l’activité racinaire ou microbienne. La diminution d’O2 et à une capacité de diffusion plus faible (il y a moins d’échange d’O2) et à une capacité de diffusion plus faible (il y a moins d’échange d’O2 avec l’air de l’atmosphère). Les pratiques de gestion des cultures, telles que l’irrigation, l’ajout de matière organique de même que le passage répété de machinerie lourde à un même endroit sont tous des agents perturbateurs de l’activité biologique et de la capacité de diffusion des gaz dans le sol. À mesure que la teneur en eau du sol augmente, la capacité de diffusion du gaz diminuera et, par conséquent, le pourcentage d’O2 sera plus faible en profondeur (c’est-à-dire en passant des lignes vertes aux lignes bleues sur la figure 4.17). L’ajout de compost augmentera l’activité biologique, augmentera ainsi la consommation d’O2 et se traduira par un pourcentage plus faible d’oxygène en profondeur (c’est-à-dire en passant des lignes pointillées aux lignes continues sur la figure 4.17). Le compactage du sol réduira la porosité à l’air, diminuera D et entraînera une diminution du pourcentage d’oxygène en fonction de la profondeur. D’autres échanges gazeux ont lieu à travers le continuum sol-plante-atmosphère selon des processus de diffusion et de transformation biologique semblables à ceux de l’O2, du méthane (CH4), de l’oxyde nitreux (N2O), et de l’ammoniac (NH3) (trois gaz qui jouent tous un rôle important dans le changement climatique).

 

Figure 4.17. Diminution des niveaux d’O2 du sol avec la profondeur associée à l’activité biologique (α) et à la diffusivité des gaz (D). © Jean Caron est licencié sous une licence CC BY (Attribution).

TEMPÉRATURE DU SOL ET FLUX DE CHALEUR

La température conditionne beaucoup les processus biologiques et chimiques qui ont lieu dans le sol, tels que l’activité microbienne, le cycle des éléments nutritifs, la croissance des racines et les émissions de gaz à effet de serre. La germination des graines et la croissance des plantes sont également conditionnées par la température. De plus, le gel et le dégel des quelques centimètres de la surface du sol, phénomène commun dans les régions froides, peut être préjudiciable à certaines plantes. La température idéale de germination de la plupart des graines de cultures est d’environ 10°C. Toutefois, les légumineuses, certains pois, lentilles et pois chiches peuvent germer à des températures avoisinant 5°C. Où, la germination hâtive, en étant associée à une saison de croissance plus longue, peut signifier une augmentation de rendement. En revanche, la germination tardive peut signifier une récolte tardive. Une récolte tardive sera davantage exposée au risque de gel et aux températures froides, ce qui aura pour effet de réduire considérablement le rendement d’une culture donnée. Par conséquent, la température du sol est une caractéristique fondamentale autant pour la compréhension des processus du sol que pour sa saine gestion.

La manière dont se comporte le sol sous l’influence des variations de température dépend de ses propriétés thermiques. Ainsi chaque sol a son propre rythme de réchauffement au printemps, de refroidissement à l’automne, au cours de l’hiver, rythme qui est plus accéléré dans les horizons de surface que dans les horizons sous-jacents. On distingue la capacité calorifique du sol de sa conductivité thermique ; les deux varient en fonction de la teneur en minéraux par rapport à la teneur en matière organique contenue dans le sol et en fonction de sa teneur en eau.

Capacité calorifique du sol : capacité du sol à retenir ou à emmagasiner la chaleur. Il s’agit de la quantité de chaleur (énergie) qu’il faut fournir pour élever d’un degré la température d’un volume unitaire de sol. Cela signifie que plus la valeur de capacité calorifique est élevée, plus d’énergie sera nécessaire pour induire un minimum de changement de température. Il faut beaucoup d’énergie pour élever la température de l’eau et moins d’énergie pour élever la température de l’air. On dira que la capacité calorifique de l’eau est élevée, et celle de l’air, négligeable. La capacité calorifique dans le sol augmente de façon linéaire avec l’augmentation de la teneur en eau (fig. 4.18b). Par conséquent, un sol sec se réchauffera plus rapidement qu’un sol humide, car l’énergie nécessaire pour élever la température d’un sol sec est inférieure à celle nécessaire pour élever un sol humide. La capacité calorifique de la matière organique solide dépasse celle des particules minérales solides. De plus, étant donné que les couches organiques sont beaucoup plus poreuses que les couches minérales d’un sol, la capacité de stockage de chaleur des sols organiques demeure plus faible que celle des sols minéraux. Les sols à haute capacité calorifique résistent mieux aux changements de température.

Conductivité thermique (λ) : désigne la capacité d’un sol à transmettre la chaleur lorsqu’il est soumis à un gradient de température. La conductivité thermique des particules minérales dans un sol est de loin supérieure à celle de la matière organique ; et la conductivité thermique de l’eau est de loin supérieure à celle de l’air (tableau 4.3). Les couches organiques, comme on en observe dans les sols forestiers, ont tendance à avoir un λ inférieur à celui des sols minéraux, parce que non seulement ces couches renferment beaucoup de pores, mais ils sont en très grande majorité occupés par de l’air. Dans un sol minéral, la conductivité thermique est influencée par sa teneur en eau. Comme on peut l’observer à la figure 4.18a, la conductivité thermique augmente rapidement dans la couche minérale avec l’augmentation de la teneur en eau. En effet, en adhérant aux particules solides, l’eau pelliculaire favorise le transfert de chaleur d’une particule solide à l’autre, l’eau étant de loin un meilleur conducteur de chaleur que l’air. Ainsi, les sols humides transféreront mieux la chaleur que les sols secs, alors que les sols secs — parce qu’ils sont faiblement conducteurs de chaleur — font de bons isolants.

Table 4.3. Conductivité thermique (λ) des composants du sol (adapté de de Vries, 1963)

Composante du sol λ (J/msKo)
Quartz 8.368
Minéraux argileux 2.930
Eau 0.594
Matière organique 0.251
Air 0.026
Figure 4.18. (a) Conductivité thermique et (b) capacité thermique du sol dans les couches minérales et organiques du sol. Source : © Krzic et al. 2013. SoilWeb200 est sous licence CC BY-NC-SA (Attribution NonCommercial ShareAlike).

Influence de la conductivité thermique et de la capacité calorifique sur la température du sol

La température traduit l’agitation des molécules (leur énergie cinétique) d’un corps lorsqu’on lui fournit de la chaleur. Le soleil est la principale — pour ne pas dire l’unique — source de chaleur du sol. En réchauffant l’eau dans le sol et en stimulant les propriétés thermiques de ce dernier, le soleil agit jusque dans ses profondeurs. Comparons les régimes de température de surface de deux sols minéraux caractérisés par la même texture, la même teneur en matière organique, la même porosité et densité apparente, mais de teneur en eau différente (un sol humide par rapport à un sol sec). Les deux sols ont la même température. Le soleil brille par une chaude journée d’été. En atteignant la surface des deux sols, le rayonnement solaire se transforme en énergie thermique. La température augmentera à la surface des deux sols. Le sol humide transférera la chaleur plus rapidement vers le bas du profil de sol que le sol sec, étant donné la conductivité thermique plus élevée du premier. De plus, la surface du sol humide nécessiterait une augmentation plus forte de chaleur que dans le cas de la surface du sol sec pour faire augmenter sa température de 1°C. En revanche, la plus faible conductivité thermique du sol sec l’empêchera de transférer la chaleur vers le bas du profil de sol de sorte que la chaleur (dit aussi contenu calorifique) s’accumulera à sa surface. Dans ces conditions, même une petite augmentation de contenu calorifique entraînerait une forte augmentation de la température à la surface du sol sec. On en déduit que la température de la surface du sol sec fluctuera de façon plus considérable que la température de la surface d’un sol humide.

CONSISTANCE ET RÉSISTANCE DU SOL

La consistance définit la résistance des matériaux constitutifs d’un sol à la déformation qui résulte des forces physiques de cohésion (qui collent ensemble les particules d’un même matériau) et d’adhésion (qui collent ensemble des particules de matériaux différents). La consistance d’un sol est principalement donnée par sa teneur en argile et sa teneur en eau (fig. 4.19). Imaginons, en s’en rapportant à la figure 4.19, que nous prenons de l’argile sèche entre nos doigts et que nous y ajoutions graduellement de l’eau tout en travaillant l’échantillon. Dans un premier temps, l’échantillon s’apparente à une poudre libre qu’aucune pression des doigts ne parviendra à donner consistance. Puis, de petites portions de matière s’agglutineront à mesure que l’on y incorporera un peu plus d’eau. Ce changement de consistance marquera la limite dite de retrait. L’ajout graduel transformera l’échantillon en une matière plus malléable, plus cohésive, autrement dit de moins en moins friable ; on pourra presque former un moule qui ne se fragmentera pas sous la pression des doigts. Ce changement de consistance correspondra à la limite de plasticité de l’échantillon. Mais l’ajout d’encore un peu d’eau transformera progressivement l’échantillon en une masse plus compacte, encore plus facile à mouler, qui conservera sa forme sous la pression des doigts ; la limite de plasticité sera alors atteinte, car on saura qu’en ajoutant encore de l’eau, l’échantillon ne serait plus autant « plastique ». Et effectivement, l’incorporation additionnelle d’eau à l’échantillon aura pour effet de faire disparaître l’état plastique du sol ; on ne pourra plus le modeler à souhait. Il aura même tendance à « couler » entre les doigts quand on le pressera. C’est comme si la consistance de l’échantillon de sol se trouvait entre un état plastique et liquide ; la limite de liquidité est atteinte.

Ces limites qui marquent un changement de consistance dans un échantillon de sol (limite de retrait, limite de plasticité et limite de liquidité) sont appelées limites d'Atterberg (fig. 4.19). L’écart qui sépare la limite de plasticité et la limite de liquidité d’un sol est une donnée qui se révèle utile dans le domaine de l’ingénierie. En effet, contrairement aux spécialistes du sol qui cherchent à se documenter sur la résistance des sols à la déformation dans le but de les préserver à des fins de cultures diverses, les ingénieurs cherchent plutôt à se documenter sur la résistance du sol à un stress à des fins de construction.

 

Figure 4.19. Les limites d’Atterberg. Source : Krzic et al. (2013) SoilWeb200 CC BY-NC-SA. © Krzic et al. 2013. SoilWeb200 est sous licence CC BY-NC-SA (Attribution NonCommercial ShareAlike).

SOMMAIRE

  • Le sol est appréhendé comme un système qui intègre les phases solide, liquide et gazeuse de la matière en constante interaction. L’importance en volume de chaque phase et les interactions qui se produisent entre elles déterminent le comportement et les mécanismes du sol.
  • La composition de la matière minérale (% de sable, de limon et d’argile) et la matière organique déterminent la porosité du sol, laquelle lui confère ses capacités de drainage, de rétention d’eau et d’aération.
  • Les forces d’adhésion et de cohésion régissent la rétention de l’eau dans un sol.
  • La notion de potentiel hydrique du sol sert à déterminer le mouvement de l’eau dans le sol.
  • La notion de conductivité hydraulique définit la facilité avec laquelle l’eau s’écoule dans le sol.
  • Les notions de diffusion et de débit massique décrivent les deux principaux mécanismes de transport des solutés dans un sol.
  • La diffusion est le principal mécanisme de transport des gaz dans un sol.
  • Les notions de conductivité thermique et de capacité calorique servent à évaluer la vitesse à laquelle un sol se réchauffe ou se refroidit.

EXERCICES PRATIQUES

  1. Donnez la définition des termes ci-dessous :
    • Surface spécifique
    • fraction de terre finE
    • potentiel hydrique du sol
  2. Définissez chacun des termes ci-dessous et relevez les différences entre les paires de termes :
    • texture du sol et structure du sol
    • densité des particules et densité apparente
    • capacité au champ et point de flétrissement permanent
  3. Tracez la courbe caractéristique de rétention d’eau a) d’un sol sableux b) d’un sol loameux (inclure les étiquettes des axes).
  4. Donnez la définition du potentiel hydrique du sol et expliquez le phénomène de déplacement de l’eau en fonction d’un gradient de potentiel hydrique donné.
  5. Énumérez les forces constitutives du potentiel hydrique total du sol, puis donnez leur définition.
  6. Quelle est la relation entre le potentiel matriciel et la taille des pores du sol ?
  7. Comment peut-on obtenir de l’information sur la taille et la distribution volumétrique des pores d’un sol à partir de sa courbe caractéristique de rétention d’eau ?
  8. Décrivez brièvement chacun des deux modes de transport des solutés dans un sol : par débit massique et par diffusion.
  9. Expliquez le phénomène de diffusion de l’oxygène dans le sol en fonction de l’occupation relative des pores, par l’air ou par l’eau.
  10. Comment le phénomène de compaction influence-t-il la distribution d’oxygène dans le sol ?
  11. Dans les régions tempérées (comme à Vancouver en C.-B.), où les hivers sont doux et humides, les sols peuvent prendre beaucoup de temps à réchauffer au printemps. Pourquoi les sols humides réchauffent-ils moins rapidement que les sols plus secs ?

EXEMPLES TRAVAILLÉS

Exemple d’étude de sol n° 1 – Densité apparente et teneur en eau de gravité

Au cours de l’été, Zineb, étudiante à l’Université de la Colombie-Britannique, a prélevé une carotte de sol à la ferme de l’UBC. L’échantillon a été pesé, séché 24 heures au four à 105ºC (ou jusqu’à masse constante), puis pesé de nouveau.


Photo de Zineb Bazza, University of British Columbia,
Vancouver @ CC BY
Elle a obtenu les données suivantes :
Volume de l’échantillon (carotte de sondage) 330 cm3
Poids de la sonde pédologique en métal 56.0 g
Poids de l’échantillon de sol frais + sonde 499.4 g
Poids sec de l’échantillon de sol 386.1 g

Calculez, à l’aide des équations présentées dans le chapitre, la densité apparente et la teneur en eau de gravité de cet échantillon de sol.

Étape 1 : Calcul de la densité apparente

On sait que    \rho_b = \dfrac{M_s}{V_t}

où    M_s = mass of solides et V_t = volume total de sol

Ainsi,    \rho_b = \dfrac{M_s}{V_t} = \dfrac{386.1\,g}{330\,cm^3} = 1.17\,g\,cm^{-3}

Étape 2 : Calcul de la teneur en eau de gravité

On sait que    \theta_w = \dfrac{M_l}{M_s} = \dfrac{M_{sol\;frais} - M_{sol\;séché}}{M_s}

Masse de sol frais = (masse sol frais + masse sonde pédologique) – masse sonde pédologique = 499.4\,g -56.0\,g = 443.4\;g

Ainsi,    \theta_w = \dfrac{443.4\,g - 386.1\,g}{386.1\,g} = \dfrac{57.3\,g}{386.1\,g} = 0.15\,g\,g^{-1}

 

Exemple d’étude de sol n° 2 – Teneur en eau de gravité et teneur en eau volumétrique

Un échantillon de sol prélevé dans la région de Chaudière-Appalaches au Québec a une teneur en eau de gravité (θw) de 0.19 g g-1 et une densité apparente (ρb) de 1.26 g cm-3. Quelle est la teneur en eau volumétrique (θv) de cet échantillon en cm3 cm-3 ?  Utilisez les équations présentées dans le chapitre.

On sait que    \theta_v = \dfrac{V_l}{V_t}    et    \theta_w = \dfrac{M_l}{M_s} = \dfrac{M_t - M_s}{M_s}

Et,    \rho_l = \dfrac{M_l}{V_l}    ou    V_l = \dfrac{M_l}{\rho_l}    et    \rho_b = \dfrac{M_s}{V_t}    or    V_t = \dfrac{M_s}{\rho_b}

Ainsi,    \theta_v = \dfrac{V_l}{V_t} = \dfrac{\frac{M_l}{\rho_l}}{\frac{M_s}{\rho_b}} = \dfrac{M_l \cdot \rho_b}{M_s \cdot \rho_l} = \theta_w\dfrac{\rho_b}{\rho_l}

Et maintenant, si on considère la densité du liquide (l’eau dans ce cas-ci) = 1 g cm-3 (en unité CGS), alors on peut simplement écrire    \theta_v = \theta_w\rho_b

Dans le cas de l’échantillon de sol prélevé au Québec, on aurait :

\theta_v = \theta_w\rho_b = 0.19 g g^{-1} \times \dfrac{1.26 \frac{g}{cm^3}}{1 \frac{g}{cm^3}} = 0.24 \frac{cm^3}{cm^3}

 

Exemple d’étude de sol n° 3 – Densité apparente et porosité

Un sol loameux du sud de l’Alberta a une porosité de 48 %. Quelle est sa densité apparente en kg m-3 ?  Effectuez votre calcul à l’aide des équations présentées dans le chapitre.

Si on suppose une densité de particules de 2.65\frac{kg}{m^3} et une porosité de 48 % ou 0.48\frac{cm^3}{cm^3}, la densité apparente est de  1,378\frac{kg}{m^3}

On doit réorganiser l’équation pour calculer la porosité :

Porosité = 1 - \frac{\rho_b}{\rho_s}    où \rho_b est la densité apparente du sol et \rho_s est la densité des particules du sol.

Par conséquent :    \rho_b = 2.65 \frac{g}{cm^3} - (2.65 \frac{g}{cm^3} \times 0.48) = 1.378 \frac{g}{cm^3} = 1,378 \frac{kg}{m^3}

 

Exemple d’étude de sol n° 4 – Mouvement de l’eau dans le sol

Miles donne le cours d’initiation aux sciences du sol à l’Université de l’Alberta. À des fins pédagogiques, il a effectué des mesures de la tension d’un sol (T) à 3 profondeurs, avant et après un grand événement de pluie. Malheureusement, il a perdu certaines mesures.

   A) Remplissez les deux tableaux ci-dessous en recourant à cette information additionnelle :
  • la solution du sol ne contient pas de sels (ions) et le sol est bien aéré
  • les trois endroits où les mesures ont été prises dans le profil du sol se trouvent au-dessus de la nappe phréatique
  • la surface du sol constitue le point (ou l’élévation) de référence

[indice : rappelez-vous que T = - \text{potentiel matriciel} (h_m)]

 

Tableau

Point Profondeur
dans le sol (m)
T (m) hg (m) hm (m) ho (m) hp (m) ht (m) Sens de
l’écoulement (\downarrow \uparrow)
A 0 2.3
B -0.1 2.45
C -0.25 2.9

Tableau II

Point Profondeur
dans le sol (m)
T (m) hg (m) hm (m) ho (m) hp (m) ht (m) Sens de
l’écoulement (\downarrow \uparrow)
A 0 5.2
B -0.1 4.4
C -0.25 4.65
B) Déterminez, à partir des calculs que vous avez effectués, à quel événement de pluie (avant ou après) correspond chacun des tableaux. Expliquez brièvement.

 Solution:

  • détermination du potentiel de gravité h_g – étant donné que le point (ou l’élévation) de référence est situé à la surface du sol, et que les unités sont en m d’eau, la valeur du potentiel de gravité h_g correspond à la même valeur que celle de la profondeur du sol ; elle devient de plus en plus négative à mesure que l’on descend dans le profil du sol (autrement dit que l’on s’éloigne du point référence)
  • rappelons que le potentiel matriciel (h_m) = -\; T
  • étant donné que la solution de sol ne contient aucun sel (ion), le potentiel osmotiqu h_o = 0
  • étant donné que le sol est bien aéré et que les points de mesures (endroits des mesures) sont situés au-dessus de la nappe phréatique, h_p = 0
  • rappelons que    h_t = \Sigma(h_g + h_m + h_o + h_p)
  • appelons que l’eau du sol se déplace d’un endroit de haut potentiel vers un endroit de faible potentiel ; il est ainsi possible de déterminer le sens de l’écoulement de l’eau

Tableau I

Point Profondeur
dans le sol (m)
T (m) hg (m) hm (m) ho (m) hp (m) ht (m) Sens de
l’écoulement (\downarrow \uparrow)
A 0 2.3 0 -2.3 0 0 -2.3
\downarrow
B -0.1 2.45 -0.1 -2.55 0 0 -2.55
\downarrow
C -0.25 2.9 -0.25 -3.15 0 0 -3.15

Tableau II

Point Profondeur
dans le sol (m)
T (m) hg (m) hm (m) ho (m) hp (m) ht (m) Sens de
l’écoulement (\downarrow \; \uparrow)
A 0 2.3 0 -5.2 0 0 -5.2
\uparrow
B -0.1 2.45 -0.1 -4.4 0 0 -4.5
\downarrow
C -0.25 2.9 -0.25 -4.65 0 0 -4.9

B) Le tableau I contient les données d’après l’événement de pluie, parce que la direction de l’écoulement de l’eau va en descendant dans le profil de sol (c.-à-d. du point A vers le point C). Le mouvement descendant de l’eau signifie que l’eau pénètre dans le sol.

Le tableau II contient les données d’avant l’événement de pluie. La flèche indique que l’eau se déplace vers le haut, du point B au point A ; une partie du profil du sol est plus sèche (probablement en raison de l’effet combiné de l’évapotranspiration et de l’absorption de l’eau dans cette partie du sol par les racines et les organismes du sol).

 

Exemple d’étude de sol no 5 – Transport des solutés/lessivage des nitrates

Fernanda, étudiante à l’Université de la Saskatchewan, a mené une expérience sur la rétention d’eau à partir d’un dispositif constitué d’une colonne remplie de sol rattachée à un bassin de référence. Le diamètre la colonne est de 20 cm. Un dispositif installé au haut de la colonne laissait passer une solution de NO3 à un débit constant. Une fois que le débit de solution est devenu régulier au bas de la colonne (débit constant), Fernanda a collecté 30 ml de la solution en 30 minutes.

A) Calculez le débit d’eau dans le sol (débit massique d’eau)

Le flux d’eau est   q_w = \dfrac{V}{At}   où A est l’aire de la section transversale du poteau (\pi r^2); thus,

q_w = \dfrac{30\,cm^3}{3.14\cdot (10\,cm)^2\cdot 30\,min} = 0.00318\,cm\,min^{-1}

 

Fernanda a également prélevé un échantillon de la solution recueillie au bas de la colonne pour mesurer sa concentration en NO3– à l’aide de la chromatographie par échange d’ions. La valeur de la concentration de NO3 était égale à 10 μg L-1.

B) Calculez le débit massique de NO3

Le flux de NO3 peut être calculé à l’équation n° 22 :

q_s = q_wC = 0.00318\,cm\,min^{-1}\,\cdot\,10\,\mu g\,L^{-1}\cdot\,0.001\,L\,cm^{-3}

q_s =  3.18\cdot 10^{-5}\,\mu g \,cm^{-2}\,min^{-1}

Sinon, il est possible de calculer le débit en fonction du flux chimique, défini comme étant :

mass\,of\,chemicals = V \cdot C = 30 \,cm^3 \cdot 10 \,\mu g\,L^{-1} \cdot 0.001 \,L \,cm^{-3} = 0.3 \,\mu g

ainsi,

q_s = \dfrac{m}{At} = \dfrac{0.3\, \mu g}{3.14\cdot (10\,cm)^2\cdot 30\,min} = 3.18\cdot 10^{-5}\,\mu g\,cm^{-2}\,min^{-1}

RÉFÉRENCES

Bittman, S., Sheppard, C., and Hunt, D. 2017. Potentiel d’atténuation de l’ammoniac atmosphérique au Canada. Utilisation et gestion des sols, 33 (2), 263-275. doi : 10.1111/ /résumé/12336

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Les Auteurs

Sandra Brown, professeure adjointe en enseignement, Faculté des systèmes paysagers et agro-alimentaire de l’Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, BC

Sandra Brown (sous licence CC-BY-NC-ND)

Peu de temps après l’éruption du mont Saint Helens en 1980, je me suis retrouvée dans la zone rouge – curieusement si grise, si sombre, si sinistre, et pourtant très belle. Un an plus tard, le paysage avait déjà commencé à se transformer. J’ai été fascinée, je voulais en savoir plus sur la transformation des cendres en sol. Les andisols (sols formés à partir des cendres volcaniques) sont mes préférés, en partie en raison de leur capacité à retenir l’eau, et en partie parce qu’ils sont parfaits pour la culture du café colombien!

Asim Biswas, professeur agrégé, École des sciences de l’environnement, Université de Guelph, Guelph, ON

Asim Biswas (sous licence CC-BY-NC-ND)

Pour avoir grandi dans une petite ferme de subsistance dans un village isolé en Inde, je me suis vite rendu compte à quel point le sol était la ressource la plus précieuse de la ferme. Enfant, tout en jouant dans la terre ou en aidant les plus vieux aux cultures, je demeurais fasciné par le phénomène qui faisait qu’une toute petite graine plantée dans le sol puisse produire une grosse plante, voire un arbre ! Cette fascination m’a mené vers des études universitaires en sciences du sol. Mes recherches actuelles sont centrées sur l’augmentation de la productivité et de la résilience de notre production alimentaire dans la perspective de l’environnement durable en agriculture.

Jean Caron, professeur, Sciences du sol et génie agroalimentaire, Université Laval, QC Québec

Jean Caron (sous licence CC-BY-NC-ND)

J’avais 12 ans quand j’ai lu un article dans le Reader’s Digest sur le célèbre agronome américain, Norman Borlaug. Il ne m’en fallait pas plus pour décider de devenir agronome à mon tour, décision que je n’ai jamais regrettée. Mon intérêt manifeste pour les mathématiques, la physique et la technologie m’ont naturellement mené à me spécialiser en physique du sol. À titre de professeur, mon enseignement couvre large: mouvement de l’eau dans les sols, gestion du drainage et de l’irrigation et conservation des sols. La théorie que j’enseigne trouve tout son sens quand, à titre de chercheur en recherche appliquée, je participe à la résolution de problèmes rattachés à la production agricole. Quelle opportunité que de pouvoir travailler avec des agriculteurs, ingénieurs agricoles et autres professionnels aussi passionnés que moi.

Miles Dyck, professeur agrégé, Faculté des sciences agricoles, de la vie et de l’environnement, Université de l’Alberta, Edmonton, AB

Miles Dyck (sous licence CC-BY-NC-ND)

J’enseigne la physique du sol, la pédogénèse et la classification des sols. L’influence des activités humaines sur les processus physiques et les propriétés du sol constitue l’essentiel de mes recherches. J’ai toujours été curieux de comprendre l’évolution des pédo-paysages entourant la ferme où j’ai grandi, dans le sud-ouest de la Saskatchewan. Ce que j’ai appris sur les sols du Canada m’a simplement rendu accro! Je me sens privilégié d’avoir comme gagne-pain l’acquisition des connaissances sur les sols, si essentiels à la production alimentaire et à la qualité de l’eau et de l’air.

Bing Si, professeur, Collège d’agriculture, Université de la Saskatchewan, Saskatoon, SK

Bing Si (sous licence CC-BY-NC-ND)

Quand j’étais adolescent, j’aimais aider ma mère aux travaux de ferme, notamment au hersage du sol. Mais après une longue journée d’hersage, je constatais bien que le sol demeurait toujours aussi dur qu’une roche. C’était un sol argileux, faible en matière organique, et quand il était sec, une croûte dure se formait en surface. C’est de ce problème que je souhaitais résoudre que découle ma décision de m’inscrire à une majeure en agriculture à l’université. Mes recherches actuelles portent sur les sols sableux. Je cherche la raison pour laquelle ces derniers peuvent soutenir une forêt plus exigeante en eau et non une culture. Et j’étudie aussi la part que la profondeur du sol (de plus de 1 m) joue dans la croissance des plantes.

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Introduction à la science du sol : de la théorie à la pratique en sols canadiens Copyright © 2021 by Canadian Society of Soil Science is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International License, except where otherwise noted.

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